Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.2.djvu/412

Cette page n’a pas encore été corrigée
2233
2234
JUSTIN, ŒUVBKS


de celle de saint Jérôme, ignore probablement le Dialogue. 1*’. Cavallera, La notice de Photius sur saint Justin, dans Recherches de science religieuse, t. i, 1910, p. 487-493. Eusèbe, H. E., IV, xviii, P. G., t. xx, col. 376 B, en cite un seul passage, emprunté à xxii, 1. Tertullien et saint Irénée, qui connaissent le Dialogue et l’utilisent, n’en fournissent aucune citation textuelle, capable de permettre une amélioration de la tradition manuscrite. G. Arehambault, op. cit., 1. 1, p. xxxvin LXVII.

La première édition des œuvres de Justin est due à Robert Estienne, et parut à Paris en 1551. Trois ans plus tard, en 1554 parurent deux traductions, l’une française et l’autre latine. La traduction française : Les œuvres de Justin, mises de grec en françois, Paris, 1554, était l’œuvre de Jean deMaumont ; la traduction latine était intitulée : Beati Justini philosophi et martyris opéra omnia quæ adhuc inveniri potuerunt, id est quæ ex regia Gallise bibliotheca prodierunt, Ioachino Perionio Benedictino Cormoeraceno interprète, Paris, 1554. Une seconde édition grecque, accompagnée de la traduction latine de Jean Lang (Bâle, 1565), est due à Frédéric Sylburg, et parut en 1593 à Heidelberg ; elle reproduisait, avec des corrections, des notes critiques, et des conjectures le texte de R. Estienne. L’édition de dom Maran, S. P. N. Justini philosophi et martyris opéra quæ exslant omnia, Paris, 1742, marque un progrès sensible par rapport aux précédentes : Dom Maran utilise pour la première fois le ms. actuel de Cheltenham, qui était alors au Collège de Clermont ; il propose de nombreuses et intelligentes corrections textuelles ; et surtout il ajoute aux œuvres de Justin des dissertations qui gardent encore aujourd’hui leur intérêt. C’est l’édition de Maran qui est reproduite au t. vi de la P. G. de Migne, sauf quelques passages corrigés d’après Otto. Celui-ci avait en effet publié, à Iéna en 1842-43, les œuvres complètes de Justin, Iustini philosophi et martyris opéra quæ feruntur omnia, dans le Corpus apologelarum sœculi secundi, t. i-v : il avait fait, pour cela, collationner à nouveau le ms. 450 de Paris, dont il pouvait ainsi publier un texte mieux assuré. La 3e édition d’Otto, parue en 1876 sq., utilise en plus un certain nombre de variantes du ms. de Cheltenham.

Le texte du Dialogue, publié en 1909 par G. Arehambault, repose sur un examen nouveau du ms. de Paris ; et doit à ce titre être regardé comme une édition indépendante. A. Harnack enfin a fait paraître en 1913 une collation prise plusieurs années auparavant du ms. de Paris, Judentum und J udenchristentum in Justins Dialog mil Tryphon, nebsl einer Collation der Pariser Handschrift Nr. 450, dans les Texte und Untersuchungen, t. xxxix, fasc. 1, Leipzig, 1913.

2. Les Apologies.

Dans le ms. de Paris, la petite

Apologie est copiée en premier lieu. Il est cependant certain qu’elle a été composée après la grande, à laquelle elle renvoie plusieurs fois d’une manière très explicite. // Apol., iv, 2 ; vi, 5 ; viii, 1, ix, 1, P. G., col. 452 A, 453 B, 457 A, 460 A. On doit donc la regarder comme la seconde.

La première Apologie a été écrite, d’après son auteur, 150 ans après la naissance du Christ. / Apol., xlvi, 1, col. 397 B. Les autres données chronologiques qu’elle renferme confirment cette indication : elle signale Marcion comme un hérétique déclaré, xxvi, 5, lviii, 1, col. 368 B, 416 A ; et nous savons par saint Épiphane, Hæres., xlii, 1, P. G., t. xli, col. 696, que Marcion ne commença à se faire connaître qu’après la mort du pape Hygin et se sépara de la grande Église en 144. Elle mentionne, / Apol., xxix, 2, col. 373 A, le gouverneur d’Alexandrie, Félix : il s’agit vraisemblablement ici de L. Munatius Félix qui fut préfet d’Egypte entre

148 et 154, et qui nous est connu par le papyrus 358 du British Muséum ; cf. Kenyon, Greek papyri in the Brilish Muséum, t. ii, 1898, p."l71. Enfin elle est dédiée au césar Marc-Aurèle, qui ne reçut la puissance tribunitienne qu’en 147. On ne se trompera sans doute pas en plaçant sa composition peu de temps après 150.

Il serait assez vain de vouloir chercher dans la première Apologie un plan rigoureux et d’y voir un ouvrage composé selon les règles de la rhétorique la plus classique, ainsi que l’on fait Th. M. Wehofer, Die Apologie Justins des Philosophen und Màrlyrers in literarhistorischer Beziehung zum erslenmal unlersuchl, Rome, 1897 ; et K. Hubik, Die Apologien des hl. Juslinus des Philosophen und Mûrtyrers. Litcrarhislorische Untersuchungen, Vienne, 1912. Il est sûr néanmoins que les pensées s’y suivent d’après un certain ordre.

Dans une première partie, c. i-xxii, Justin proteste contre l’illégalité et l’injustice des poursuites intentées contre les chrétiens, qui ne sont ni athées, ni ennemis de l’État, ni criminels. Au c. xxiii commence une démonstration positive : l’apologiste veut prouver que « ces enseignements que nous avons reçus du Christ et des prophètes ses prédécesseurs sont seuls vrais et plus anciens que ceux de vos écrivains… (que) Jésus-Christ seul est véritablement le Fils de Dieu, son Verbe, son premier-né, sa puissance… (enfin que) avant qu’il parût parmi les hommes, certains, sous l’inspiration des démons prirent les devants et par l’intermédiaire des poètes présentèrent comme des réalités des fables inventées, » c. xxiii, col. 364 AB. Justin annonce donc trois sections, mais, au lieu de suivre l’ordre annoncé, il l’intervertit : il commence par parler des démons, c. xxiv-xxix, puis il traite du Verbe et de l’œuvre du Christ, c. xxx-liii, enfin il démontre l’ancienneté de la religion chrétienne, c. liv-lx. Cf. M. J. Lagrange, Saint Justin à propos de quelques publications récentes ; dans le Bulletin d’anc. litlér. et d’archéol. chrét., t. iv, 1914, p. 13-14. Les derniers chapitres, lxi-lxvii, sont consacrés à une description des cérémonies du baptême et de la célébration de l’eucharistie. Seulement, l’apologiste oublie souvent le plan qu’il a d’abord annoncé. Il se laisse entraîner par son désir de persuader. La suite des idées est troublée à chaque instant par des redites et des digressions qui la font perdre de vue. Ce sont là de graves défauts et qui rendent difficile la lecture de Justin.

La seconde Apologie soulève pour ce qui est de sa composition, un problème qui n’a pas encore reçu sa solution définitive. L’ouvrage débute brusquement, par le récit d’un événement récent, qui a causé à Justin la plus vive impression : « Romains, il s’est passé dernièrement dans votre ville, sous Urbicus, des choses étranges ; et partout nous voyons de semblables injustices commises par les magistrats. » i, l, col.441A. Les mots x^Ç y — ixl Tpcôr/v peuvent être entendus d’une manière assez large, et ne signifient pas que les faits ont immédiatement amené Justin à rédiger ce nouvel ouvrage : il est pourtant assuré qu’ils ne sauraient être très anciens. D’autre part, la seconde apologie se réfère plusieurs fois à la première ; et elle le fait toujours comme si elle citait simplement un chapitre antérieur d’un même écrit. La formule employée : 7ïpoéç’/i(xev, iv, 2, col. 452 A, <î)ç 71posçï)fvsv, vi, 5, col. 453 B, est celle dont se sert habituellement Justin pour renvoyer d’un passage à l’autre au cours du même ouvrage. Ces deux remarques amènent à la conclusion que la seconde apologie n’est qu’une sorte de post-scriptum ou d’appendice ajouté après coup, à la première. La conclusion est encore renforcée par le fait qu’Eusèbe ne semble pas distinguer entre les deux apologies de Justin, et cite comme étant de la première des passages de la seconde, H. E., IV,