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était la seule philosophie sûre et profitable, DiaL, viii, 1, col. 492 C ; et il devint un chrétien plein de zèle.

Lors de la guerre juive de 132-135, Justin était déjà converti. A ce moment, nous le trouvons à Éphèse, Eusèbe, H. E., IV, xvii :, P. G., t. xx, col. 376 A, où il porte le manteau de philosophe. DiaL, i, 2, P. G., t. vi, col. 473 A ; cf. DiaL, ix, 2, col. 496 A ; Eusèbe, H. E., IV, xi, 8, P. G., t. xx, col. 329 C ; S. Jérôme, De vir. ill., 23, P. L., t. xxui, col. 641. Il n’est certainement pas prêtre, malgré la conjecture de Tillemont, Mémoires, t. ii, p. 355 sq., mais il ne s’en croit pas moins la mission d’enseigner : il sait que tous ceux qui peuvent dire la vérité et ne la disent pas seront jugés par Dieu. DiaL, lxxxii, 3, P. G., t. vi, col. 669 C. Et bien que nous n’ayons pas de renseignements précis, sur son genre de vie, nous pensons volontiers qu’il consacra à la prédication — une prédication qui ressemble peut-être à celle de Socrate — le meilleur de son temps. C’est aux environs de 135 que se place le Dialogue avec le juif Tryphon : la composition de l’ouvrage destiné à rappeler ce dialogue est de beaucoup postérieure ; elle peut se placer entre 150 et 155, c’est-à-dire après la rédaction de la grande apologie. DiaL, cxx, 6, col. 756 B. Mais l’entretien lui-même, dont on n’a pas de raison décisive pour suspecter la réalité historique, doit bien avoir eu lieu au temps indiqué par l’auteur. Dial., i, 3, col. 473 B.

Plus tard, nous retrouvons Justin à Borne. Le Dialogue lui-même se termine par l’annonce d’un prochain départ du maître chrétien qui se dispose à s’embarquer pour une destination inconnue. DiaL, c.xlii, 2, col. 800. Cette destination est-elle déjà Borne ? peut-être. En tout cas, Justin s’établit d’une manière définitive dans la capitale de l’empire : et il y ouvrit une école, tout à fait pareille aux écoles platoniciennes ou stoïciennes qu’il avait traversées jadis, mais dans laquelle il se mit à enseigner la doctrine chrétienne. Il fixa son séjour au-dessus des bains de Timothée, c’est-à-dire sur le Viminal ; et là il communiquait la doctrine de la vérité à tous ceux qui voulaient venir le trouver. Acla S. Just., 3, P. G., t. vi, col. 1568 C. Les dernières années du règne d’Hadrien, le règne entier d’Antonin le Pieux furent pour l’Église des années d’une paix, précaire sans doute, mais à peu près complète. A la condition de ne pas commettre d’imprudences, Justin pouvait prêcher la foi au Seigneur Jésus. Mais il était nécessaire d’être sage : légalement la profession de christianisme était punie de mort. Ce fut sous Hadrien que le pape Télesphore rendit un glorieux témoignage. Irénée, Conl. Hæres., III, iii, P. G., t. vii, col. 851 A. Plus tard du temps du préfet Urbicus, Ptolémée, Lucius et un troisième chrétien de la capitale furent exécutés à leur tour. // Apol., ii, P. G., t. vi, col. 444-148. Sans doute y eut-il encore d’autres martyrs à Borne, pendant que Justin y demeura : le maître, qui s’était fait un devoir de prêcher, ne déserta pas son poste.

C’était une idée neuve que d’ouvrir, comme le fit Justin, une école pour l’enseignement du christianisme. Plus tard, grâce à ses maîtres illustres, Pantenc, Clément, Origène, l’école d’Alexandrie éclipsera toutes les autres ; mais, vers le milieu du second siècle, nous ne connaissons pas d’autre didascalée que celui de Justin : l’enseignement s’y donne par le moyen de discussions, que relèvent soigneusement des sténographes. Cf. // Apol., iii, col. 449 B. Tantôt les diseipics tantôt Justin lui-même proposent des questions : c’est la méthode en usage dans les écoles philosophiques. Nul mieux que Justin le philosophe n’était préparé à suivre une telle méthode.

Le didascale chrétien ne se contentait d’ailleurs pas de parler. Il se fit écrivain. Sa première apologie

porte l’adresse suivante : « A l’empereur Titus /Eliu «  Hadrianus Antoninus Pius Auguste, césar, et à Verissimus, son fils, philosophe, et à Lucius, philosophe, fils de César par nature et de Pius par adoption, amis de la science ; au sacré Sénat, et à tout le peuple romain, en faveur des hommes de toute race qui sont’injustement haïs et persécutés, Justin, fils de Priscus, fils de Bacchius, de Flavia Neapolis en Syrie-Palestine, l’un d’entre eux, adresse ce discours et cette requête. » / Apol., i, 1, col. 328 A. Ce titre n’est pas sans présenter de nombreuses difficultés ; cf. A. Harnack, Die Chronologie, t. i, p. 279-280 ; mais les personnages qu’il mentionne sont faciles à identifier. L’apologie est adressée à l’empereur Antonin, à Marc-Aurèle, associé à l’empire avec le titre de César en 138, et à Lucius Verus adopté par Antonin en cette même année 138. Ce n’était pas la première fois que des chrétiens proposaient aux empereurs des exposés et des justifications de leurs croyances : Quadratus avait écrit une apologie dédiée à Hadrien ; Aristide d’Athènes avait adressé à Antonin un écrit du même genre. Malgré l’insuccès d » ses devanciers, Justin n’hésita pas à suivre leur exemple, pour remplir ce qu’il regardait comme un devoir de conscience : « A nous, disait-il, d’exposer aux yeux de tous notre vie et notre enseignement, de peur que, pour ne nous être pas fait connaître de vous, nous ne soyons responsables devant notre conscience des fautes que vous commettriez par ignorance. A vous, comme le demande la raison, de nous entendre. Si une fois éclairés, vous n’observez pas la justice, vous serez désormais sans excuse devant Dieu. » I Apol., iii, 4-5, col. 332 AB.

Après avoir écrit son apologi ?, Justin rédigea l’entretien qu’il avait eu une vingtaine d’années auparavant avec le juif Tryphon. Sans doute le dialogue était-il un genre littéraire fort en honneur dans l’antiquité. Eusèbe cependant admet la réalité historique du personnage de Tryphon « le plus célèbre israélite de l’époque », H. E., IV, xviii, P. G., t. xx, col. 376 A ; et il n’y a aucune invraisemblance à croire que Justin a profité des souvenirs qu’il avait gardés d’un entretien réel pour faire connaître à ses contemporains la position de l’Église en face de la Synagogue.

L’enseignement de Justin finit par rencontrer des contradicteurs. Il ne pouvait guère en être autrement du moment où le maître tenait école et consentait à discuter. Lui-même raconte comment il se trouva en butte à l’hostilité d’un certain Crescens : « Moi aussi, dit-il, je suis exposé, je le sais, aux intrigues de quelques-uns de ceux que j’ai nommés (les démons) et à être conduit en prison, à tout le moins dénoncé par Crescens, le philopsophe (sic) (ami du bruit) et le vantard. Le nom de philosophe ne convient pas à u i homme qui nous accuse en public, alors qu’il ne nous connaît pas, qui traite les chrétiens d’athées et d’impies, pour plaire à une multitude égarée… Je lui ai proposé sur ce sujet des questions ; je l’ai interrogé ; or j’ai pu me convaincre qu’il n’en sait pas le premier mot. » II Apol., iii, 1-2, 4, P. G., t. vi, col. 448 A449 A.

II n’est pas impossible que les intrigues de Crescens ou d’un de ses pareils aient obligé Justin à s’éloigner momentanément de Borne. Nous savons, en tout cas, sans pouvoir préciser les dates de son départ et de son retour que l’apologiste quitta Borne pendant quelque temps, puis y revint, pour un second séjour qui devait être le dernier. Acla S. Just., 2, P. G., t. vi, col. 1568 C.

En 161, Marc-Aurèle prit le titre d’Auguste après la mort d’Antonin. C’était un philosophe, et le maître chrétien le savait, puisqu’il avait tenu, dans le titre de son apologie, à mentionner cette qualité du César Verissimus. L’avènement d’un sag.— dut éveiller de naïfs espoirs dans l’âme de Justin. Il profila de quel-