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Il &TIFIGATION, THÉOLOGIE CATHOLIQUE : EXPOSÉ


cieusement interprétés, tels que Ps. xxxi, 2, repris

dans Rom.) IV, 6-8, ont servi aux protestants pour appuyer leur théorie, d’après laquelle la justification consisterait en ce que le péché n’est pas imputé bien qu’il subsiste toujours. En réalité, leur système se fonde sur une considération pessimiste de la concupiscence, qui serait par elle-même un péché. Du moment qu’avec l'Église et la saine psychologie on écarte cette erreur, voir Concupiscence, t. iii, col. 809-812, il s’ensuit que le péché peut être remis, et tout demande qu’il le soit.

Bien que l’Ancien Testament s’en tienne souvent à des images tout extérieures, il est certain que la rémission des péchés y est offerte aux pénitents sincères, qu’elle est surtout promise comme le grand bienfait de l'ère messianique, et les termes employés ne peuvent s’entendre que d’une rémission réelle. Voir par exemple Is., xuv, 22 ; Ez., xxxvi, 25 ; Ps. l, 12, et en, 12. Cette promesse, le Nouveau Testament la donne comme devenue effective. Dans le Christ l'âme chrétienne se sent lavée, I Cor., vi, 11, et Apoc, i, 5 ; illuminée, Eph., v, 8 ; ressuscitée, Eph., ii, 5. Toutes expressions qui correspondent à ce que l'Évangile nous montre en acte, dans le cas des pécheurs ou des pécheress< s que l’appel du Maître éveille à une nouvelle vie.

Lu point de vue rationnel, dire que le péché n’est plus imputé par Dieu c’est être esclave d’une métaphore : comme si quelque chose pouvait en dissimuler le désordre à ses yeux 1 C’est aboutir à cette conséquence que, devant la souveraine vérité, le péché est tout à la fois et n’est pas. Il n’y a pas moyen de concevoir que le péché soit remis sans être réellement effacé. Non pas que rien puisse annuler la réalité historique du fait accompli, mais, par suite de la conversion qui redresse la volonté et la ramène dans l’ordre, ses méfaits antérieurs sont supprimés et anéantis dans leur portée morale. Si Dieu s’abstient de les punir, c’est parce que, en toute vérité, le désordre qu’ils constituaient n’existe plus. Ainsi l’exige, en regard de la raison, la notion de la sainteté divine et surtout, au regard de la foi, la plénitude do l’oeuvre rédemptrice. Du moment que la faute d’Adam nous a constitués vraiment pécheurs, le mérite du second Adam doit se traduire par le résultat inverse. « Sinon, fait observer saint Thomas, la malice de l’homme serait plus puissante en éloignant la grâce divine par le péché que la bonté de Dieu en éloignant le péché par le don de grâce. » Compend. theol., 145, Opéra omnia, t. xxvii, p. 58. Cf. Leclerc de Heauberon, De gratin, TV, 1, 2, dans aligne, Theologiæ cursus, t. x, col. 1089. En même temps que le péché, est détruite la peine éternelle qui lui est due, Rom., viii, 1, mais non les peines temporelles qui en sont la suite. L'âme chrétienne peut ainsi unir au sentiment de sa dignité retrouvée, qui permet la confiance et inspire l’action, celui d’une salutaire humilité et d’une pénitence dont le pardon même qu’elle a reçu lui fait davantage sentir le besoin.

b) Infusion de la grâce. — Ce1 aspect négatif de la justification est logiquement et réellement inséparable de son aspect posii il : savoir la régénération effective de l'âme par la grâce.

lin eilel, d’api es l « ssence même des choses, la nuit n’est expulsée que par l’entrée du jour et le mal que par l’action du bien. Aussi doit-on duc avec saint Thomas, Sum. ///< « L, U II », q. cxiii, a. o, ad 2°" » : Grattée infusio et remissio culpse… secundum subslan tiam aclus… idem smd ; cmlcrn l’iiim ni lu Drus et tnrgitnr

gràtiam et remitlit culpam. Entre ces deux faits qui constituent la Justification il ne saurait y avoir qu’une différence formelle. " On peut, si Ton veut, distinguer la Justification de la sanctification, mais a condition de signifier par ces deux mots les deux faces d’un seul

et même acte. » Labauche, <>i>. cit., >. 285.

Même dans l’Ancien Testament, le pardon divin ne va pas sans la communication d’un esprit nouveau, Ps. i.. 12 ; Jer.. xxxi. : il sep : Ez., xxxvi, 26. I. 'Évangile en apporte la réalité, Matth., v, 20 ; xiii, 23 et 33 ; Joa.. m. 5 : XV, 1-7 ; xvii, 21, et les apôtres en décrivent â l’eiivi le magnifique épanouissement. Tit., iii, 5 ; I Petr., i. 3, 15-10 ; ii, 1-11. Saint Paul est loin de faire exception. Car, pour lui, la justification n’est pas seulement future, mais déjà réalisée dans le présent. Rom., iii, 24 et v, 1. Et si elle s’enveloppe volontiers de formes judiciaires, elle est toujours effective et réelle au fond. Rom., v, 19 ; II Cor., v, 17 ; Gal., vi, 15 ; Eph., iv, 24. L’ensemble du Nouveau Testament suggère en traits multiples et variés une même mystique, qui faisait alors plus que jamais tout le fond du christianisme et se ramène à ces deux termes connexes : la vie du croyant dans le Christ ou la vie du Christ dans le croyant. Est-il besoin d’ajouter que cette création de l’homme nouveau coïncide avec la destruction du vieil homme de péché, c’est-à-dire avec l’acte même qui nous unit à la grâce du Christ, sans que rien autorise â pratiquer une dissociation chimérique entre ces deux réalités indissolubles que sont la justification et la sanctification ?

Plus récemement on a imaginé, dans quelques écoles protestantes, que cette sanctification initiale serait une simple anticipation de ce qui sera plus tard une réalité. Voir Grétillat, op. cit., p. 4JJ8. Et il est vrai que cette première grâce est appelée à se développer ; mais encore faut-il, pour qu’il y ait anticipation véritable, que le germe en existe dès le début. Si elle n’est pas une simple formule verbale, cette « théorie proleptique » signifie un retour déguisé, et par là-même insullisant, à la réalité de la grâce telle que l’a toujours enseignée l'Église.

On ne voit d’ailleurs pas comment une imputation purement extrinsèque peut avoir un sens devant Dieu, comment surtout elle est psychologiquement compatible avec cette vie nouvelle que les protestants euxmêmes demandent au chrétien. Non sans raison le cardinal Billot évoque à ce propos l’image évangélique du sépulcre blanchi. De gratia Christi, Rome, 1920, p. 212-213 Au contraire, puisque la loi du bien est de se répandre, il convient que Dieu communique à l'âme qui retrouve sa grâce une partie de son infinie sainteté, et, si l’on fait intervenir l’ordre chrétien, que la rédemption se traduise par une restauration de notre nature. L’homme ne gagne pas seulement à ce réalisme surnaturel un sentiment plus haut de sa grandeur, mais une puissance efficace d’action Il n’y a d’ailleurs pas lieu de craindre l’orgueil ; car cette grâce de vie nouvelle reste un don de Dieu et une source de plus grandes responsabilités.

c) Question d'école. — Une fois la justification ainsi comprise, on peut discuter le rapport théorique de ses deux éléments constitutifs.

I. école scotiste a toujours admis que le lien entre l’expulsion du péché et l’infusion de la grâce est ddrdre accidentel et extrinsèque. En toute rigueur, on pourrait concevoir que le péché fût remis sans que lui infusée la grâce et réciproquement. Tout en combattant cette conception. De gratia, t. VII, c. xix, p. 24 1-252, Suarez s’en rapproche par la thèse suivante, qu’il affirme et démontre aussitôt après, c. xx, p. 252-265 : Sou dubito quin possit liabilus charitatis iujuudi sine habilu gratinpeccatori et consequenter possit habitua carilatis u gratia separalus de absolula Dei potentia conseruari vel infundi homini existtnti m statu peccati mortalis et permanenti in Mo. Sur les rapports formels de la grâce et du péché, voir ibid., c. Mi-xviii, p. 182-241, ou l’auteur soutient notamment, c, xii, n. 12, p. 186 : l’cr justitinrn inluvrcntem et informantem animam non expellitur peccatum sine