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JUSTIFICATION, THÉOLOGIE CATHOLIQUE : EXPOSÉ


dans une seule et même disposition. La foi en est le commencement, l’espérance en marque le développement, le début de la charité est le point de départ de son épanouissement. » L. Labauche, Leçons de théologie dogmatique, t. n : L’homme, Paris, 4e édit., 1921, p. 268-269.

Quelle que soit l’évidence de cette psychologie et la rigueur de cette logique, c’est ici le point qui a toujours le plus profondément choqué la Réforme. Il est Mai que plus d’une fois nos adversaires l’ont étrangement déformé. Sous le nom d’oeuvres, ils reprochent souvent à l’Église de ne compter qu’avec les actes extérieurs : ce qui réduirait le salut à une question d’observances matérielles. C’est pourquoi il importe de souligner que les actes externes ne sauraient avoir de valeur que par les sentiments qui les inspirent et que l’Église demande avant tout ceux-ci, encore que ceux-là doivent en être normalement la suite. Les œuvres justifiantes ne peuvent être que celles qui présentent un caractère moral et qui procèdent de l’esprit de loi vivant dans le cœur. Dans ce sens, l’École explique que seule la charité ou la contrition parfaite a le caractère de disposilio proxima, les autres œuvres n’étant qu’une disposilio remolu. Suarez, t. VIII, c. vi, n. 11-14, p. 337-339.

Plus subtilement on argue que ce n’en est pas moins mettre l’homme à la place de Dieu. Ce reproche de semipélagianisme s’évanouit lui-même si l’on tient compte qu’il s’agit d’oeuvres faites avec le secours de la grâce et qui, par conséquent, ne sont-elles-mêmes, en dernière analyse, qu’un don divin. Ainsi entendues, les œuvres de l’homme entrent comme condition indispensable dans le plan normal de sa justification.

On ne conteste pas que, soit d’après l’Évangile, Matth., xvi, 27, et xxv, soit d’après saint Paul, Rom., n, 6, c’est d’après elles que nous devons être jugés au dernier jour. Voir Jugement, col. 1754 sq. S’ilenest ainsi de la dernière justification, il est assez logique d’induire qu’il en va de même pour la première, sous peine de se heurter à ce que A. Grétillat est bien obligé de reconnaître comme « une des antinomies les plus aiguës de l’enseignement scriptnraire. » Op. cil., p. 417. N’estce pas déjà un avantage de la conception catholique que cette antinomie s’y résolve aisément en harmonie ?

D’autant qu’il n’est dit nulle part que la première justification se fera par la foi seule. Pour en donner l’apparence, les protestants doivent, non seulement isoler saint Paul des autres écrits du Nouveau Testanu 1. 1. mais donner à ses aphorismes une portée exclusivè que les textes n’autorisent pas. La réprobation de l’É] itre de saint Jacques et l’addition systématique de la particule sola là où saint Paul enseigne que nous sen nies justifiés « par la foi » sont les indices d’une position désespérée que seul le parti pris confessionnel a peimis de maintenir. Au contraire, en professant la solidarité et la continuité des témoignages successifs où nous apparaît la révélation néo testamentaire, l’Église se place dans les meilleures conditions pour en interprète]- exactement les divers aspects.

On voit, en effet, que partout Jésus lait appel à la bonne volonté, à l’effort moral des pécheurs qu’il invite à se convertir ; que saint Paul, quand il oppose !  ; t lui aux œuvres, n’expose pas précisément en moraliste les conditions pratiques du salut, mais développe en théologien le plan divin de la Rédemption, dans ! ( qu( I lée onemie de la loi chrétienne annule les observances d’une loi désoimais périmée ; que, pour lui-même, la foi justifiante est celle c|iù « opère par la charité -. Gai, v, 5 ; <in « - saint Jacques piée-isequ’il n’y

i | : is ele lui vivante sinon celle qui se’traduit e’H actes.

Avec des nuances qui tiennent au but OU au tempe i : in iil ele chacun, il y a parlait aee oiel, chez ces divers

témoins du christianisme primitif, pour rattacher le

salut à l’union étroite de l’élément religieux et de l’élément moral, à la profession de la foi et à la pratique des œuvres qui en sont la conséquence. La doctrine de l’Église est tout entière établie sur cette synthèse. Si cette position avait besoin d’être confirmée, elle le serait par l’exemple de la Réforme, qui. pour l’avoir quittée, n’a jamais su trouver qu’un équilibre précaire et se voit, en fin de compte, obligée d’y revenir.

c) X’ature des œuvres justifiantes. — Quant au détail des œuvres appelées par le processus de la justification du pécheur, il relève du moraliste et ne laisse pas de place à de sérieuses contestations.

Saint Thomas les ramène au moins liberi arbitrii in peccatum, c’est-à-dire à la pénitence, I » Ilæ, q. cxiii, a. 5. Le concile de Trente est plus explicite, sess. vi, c. vi et xiv. et dessine tout un schéma de la conversion, où figurent comme deux éléments connexes les actes personnels que l’action de la grâce provoque dans l’âme du pénitent et le recours à la médiation de l’Église par la réception des sacrements. Voir le commentaire qu’en donne Suarez, t. VIII, c. xv-xx, p. 392-417. Telle est, en effet, la grande direction, compatible d’ailleurs avec bien des itinéraires individuels, suivant laquelle doit s’accomplir tout retour sincère d’une âme vers son Dieu.

Il va sans dire que cette préparation s’entend de la conversion normale, sans préjudice pour ces cas exceptionnels, nécessairement rares, où, comme pour saint Paul, la grâce divine subjugue le pécheur sans aucune collaboration visible de sa part et réalise en un instant les conditions qui sont d’ordinaire le fruit d’un long effort. Suarez, ibid., c. xxiii, n. 3-4, p. 441-442.

4. Valeur de la préparation humaine.

On peut enfin se demander quelle est, d’un point de vue spéculatif, la portée qui revient à cette œuvre de l’homme dans l’économie totale de la justification.

Contre les protestants, toujours prompts à parler de pélagianisme, le concile de Trente marque expressément que notre justification reste absolument gratuite et que nos œuvres antérieures, même faites avec le secours de la grâce, ne méritent pas, à proprement parler, la grâce de la justification. Sess. vi, c. viii, Denz., n. 801 et Cav., n. 881. La raison en est que le mérite suppose l’état de grâce, qui, dans l’espèce, est, par hypothèse, encore à venir. Voir Mérite.

Néanmoins nos œuvres préparatoires ne sont pas seulement une condition sine qua non : elles jouent le rôle de disposition, comme s’exprime le concile de’Trente. Ce qu’il faut entendre tout au moins dans le sens d’une disposition morale, qui d’une certaine façon incline Die’U à nous accorder la grâce et comporte une véritable causalité. Il est vrai que l’Écriture ne parle jamais proprement de nos actes que comme d’une condition préalable au pardon divin..Mais ici, comme le dit Suarez, condition signifie logiquement cause : In materia promissiva, ut sic dicam, oplime in/ertur (causalitas) quando condilio requisita est aliquod obsequium libcrum e.rhibendum ab co cui talis j>romissio sub lali conditione fil et inluitu cujus aliquid promitlitur, et hoc est esse causant moralem. Suarez, De gratin, t. VIII, e. ix, n. 16, p. 354. Ce qui le confirme, c’est que plus loin, c. vii, Denz.. n. 789, et Cav., n. 879, le e-e>ne’ile précise que la gràev est infusée secundum propriam cu.ju.sque dispositionem et cooperationem.

Allant plus loin, d’aucuns ont parlé ele disposition physique, en ce se-ns que par elle L’essence de l’âme serait rendue apte à l’infusion ele la grâce. Contre Alvarez et d’autres, Suarez écarte cette opinion parce

que cette disposition physique devrait être surnaturelle, c’est-à-dire qu’elle supposerait une autre grâce, et sic in infuiitum. Op. cil., t. VIII, c. îv. n. 15, et c v n. 4. p. 327 et 330.