Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.2.djvu/400

Cette page n’a pas encore été corrigée
2209
2210
JUSTIFICATION, THÉOLOGIE CATHOLIQUE : HISTOIRE


il écrivit à son tour un commentaire très étendu sur le décret de la vi c session : Tridenlini decretî de juslificatione expositio et defensio libris quindecim distincta tolam doctrinam justificationis compleclentibus, Venise, 1548. Ce dernier ouvrage valut à son auteur les éloges du cardinal Cervino, Hefner, op. cit., appendice, p. 101, et connut dans la suite de nombreuses éditions. Les deux furent réédités en un seul volume par Pierre Canisius, Cologne, 1572. Véga s’y préoccupe de répondre à l’Antidotum de Calvin et fournit beaucoup de détails précieux sur les délibérations conciliaires auxquelles il avait pris une part active.

En dehors du dogme qui les unit, ces deux œuvres reflètent des tendances théologiques assez différentes pour que Petau, en rendant hommage à leur grande valeur, les puisse appeler duo inter se pugnanles libri. De Trid. conc. et S. Augustini doclrina, c. xv, dans Dogmala theologica, édit. Vives, Paris, 1866, t. iv, p. 688. Soto est, en effet, un adhérent de l’école thomiste, tandis que Véga se rattache, d’une manière d’ailleurs plutôt indépendante, aux doctrines franciscaines.

Dans cette catégorie on peut encore mentionner l’œuvre plus tardive du jésuite portugais Andrada de Païva, voir ici t. i, col. 1179, qui prit la défense du concile de Trente contre les attaques de Chemnitz et dont celui-ci tient compte dans son Examen concilii Tridenlini.

2. Controversisles des XVIe et XVIIe siècles. — Il était difficile d’exposer la doctrine du concile de Trente sans prendre parti contre les protestants. Mais d’autres s’adonnèrent à la tâche spéciale de critiquer ex professo leurs positions ou de rétorquer leurs arguments. Dans cette abondante littérature de controverse, la justification occupe naturellement un rang de choix.

En abordant à son tour ce problème, Bellarmin énumère les principaux de ses précédesseurs. -De ; tis/<L, i, 3, Opéra omnia, Paris, 1873, t. vi, p. 152. Il y remonte jusqu’aux polémistes des premiers jours de la Réforme : Driedo, Latomus, Pighius, John Fisher, Y Enchiridion de Cologne. Puis il mentionne les auteurs qui écrivirent immédiatement avant ou après le concile de Trente : Dominique Soto, Pierre Soto, Pierre de Castro, André Véga, Catharin, Cajétan, Andrada. Enfin il signale les controversistes postérieurs : Hosius, ConI. pol., 61-75, Jean de Louvain, De fide speciali, François Turrianus, Henri Helmésius, Nicolas Sander, tous trois auteurs d’un traité De justifieatione, Josse Tiletanus, Apolegia pro conc. Tridentino, Ruard Tapper, Explic. articulorum Lovaniensium, et termine par le nom illustre de Thomas Stapleton, Universa justi/icationis doclrina. Tout cela, ajoute-t-il modestement, prœler alios multos qui mihi noli non sunt .

Cette énumération, en tout cas, suffit à montrer que les attaques des protestants n’étaient pas restées sans réponse du côté catholique. Mais, pour méritoire qu’elle soit, l’œuvre de ces divers controversistes a été éclipsée par celle de Bellarmin lui-même, dont les cinq livres De justifieatione, 1593, ibid., p. 145-386, restent le modèle du genre. Résumé dans J. de la Servière, La théologie de Bellarmin, Paris, 1908, p. 666-704. Son importance est attestée par les multiples réfutations qui en furent tentées par les protestants. Voir Sommervogel, Bibliothèque de la Compagnie de Jésus, t. i, col. 1175.

Au xviie siècle, la controverse dure encore, mais tend, en général, à se faire plus irénique. Bossuet s’y est livré dans ce sens, à plusieurs reprises, au cours de sa longue carrière, voir ici t. ii, col. 1054-1055, 10581060, 1080-1081. La justification est déjà traitée dans la Réjulalion du catéchisme du sieur Paul Ferry, 1655, 2e section, Œuvres complètes, édit. Vives, t. xui, p. 393-432. Elle est touchée plus brièvement dans

l’Exposition de la doctrine catholique sur les matières de controverse, 1671, c. vi-vn, ibid., p. 62-67, et reprise enfin, en vue de dissiper les équivoques dont cette matière commençait tout juste à se dégager, dans sa pacifique discussion avec l’abbé luthérien Molanus. Pour les positions de Molanus, voir Cogitaliones privatæ, dans Œuvres complètes, t. xvii, p. 402-403, et, pour celles de Bossuet, Episc. Meld. sententia, ioid., p. 473-475, 478-479 ; Declar. fldei orthodoxas, c. i, p. 500-510 : Réflexions, c. i, p. 549-562. Voir également Histoire des variations, t. III, c. xxxiii-xli, t. xiv, p. 116-123.

3. Théologiens scolasliques.

Pendant ces assauts de la dialectique ou de l’érudition, l’École poursuivait en paix la systématisation de la foi catholique en matière de grâce. Non pas d’ailleurs qu’on y perde entièrement de vue la controverse protestante ; mais cette dernière est subordonnée aux problèmes d’ordre proprement théologique, qui prennent ici le premier pas avec tout le cortège de discussions et de précisions qu’ils ne manquent pas d’entraîner.

Les monuments les plus imposants de cette scolastique furent élevés par Suarez, De gralia, et Ripalda, De ente supernaturali. Chez l’un et l’autre, les questions diverses que pose la doctrine de la justification tiennent une large place. Voir Suarez, De gratia, 1. VU-XI, dans Opéra omnia, édit. Vives, t. ix, p. 90686, et Ripalda, De ente supernaturali, t. IV, disp. lxxxvi-lxxxviii, et t. VI, disp. cxxxii, édit. Palmé, t. ii, p. 165-193 et 694-785. A la suite de ces maîtres, tous les traités de la grâce consacrent à la justification des exposés plus ou moins étudiés, dont les détails sont naturellement influencés par l’école théologique à laquelle ils se rattachent.

Chez les initiateurs de la théologie positive au xviie siècle, c’est surtout la grâce actuelle qui estau l’ordre du jour. A propos des missions divines, Petau est amené’cependant à traiter de la grâce sanctifiante, qu’il veut identifier, d’après les Pères grecs et spécialement d’après saint Cyrille d’Alexandrie, avec la substance même du Saint-Esprit présent dans l’âme régénérée. De Trinitate, t. VIII, c. iv-v, dans Dogmala theol., édit. Vives, t. iii, p. 453-481. En établissant le Consensus scholæ de gratia, Thomassin rapporte et discute quelques opinions des théologiens anciens ou récents sur la justification, celle, par exemple, de Contarini. Voir Dogm. theol., édit. Vives, t. vi, p. 209212 ; cf. p. 219-220, 324, 349.

Dans l’ensemble, les aspects historiques du problème de la justification sont abandonnés aux controversistes, tandis que les théologiens s’en réservent les côtés spéculatifs.

4. Théologie et controverse au XIXe siècle. — Jamais entièrement assoupie, la controverse a repris une nouvc’e activité, dans les pays de religion mixte, au coura i du xixe siècle.

Le premier signal en fut donné en Allemagne par ! célèbre Symbolique d’Adam Môhler, Mayence, IKïl où l’auteur s’applique à montrer les oppositions dogmatiques des catholiques et des protestants d’après leurs symboles officiels. Nécessairement l’article d la justification y tient une très grande place et Môhler est conduit à mettre en relief, à la lumière des textes, les particularités un peu estompées depuis lors du protestantisme primitif. Voir dans la dernière édition, Mayence, 1872, p. 99-253, et le résumé de G. (joyau, Mwhler, Paris, 1905, p. 175-257. L’ouvrage eut un succès retentissant en Allemagne et dans les autres pays catholiques. A leur façon les protestants en nnrquèrent la valeur par de nombreuses et vives ripostes. Il y eut notamment une intervention de Christian Baur, Der Gcgensalz des Kalholicismus und ProlesUmlismus, Tubingue, 1833. Môhler se défendit contre lui