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JUSTIFICATION, THÉOLOGIE PROTESTANTE MODERNE


plus d’autre valeur que celle d’un moyen pour échapper au judaïsme, tandis que la vraie conception paulinienne serait la doctrine de l’esprit et de la vie nouvelle dont il est le principe. Tous ceux qui tiennent à l’influence des religions de « mystères » se rangent à sa suite.

Ainsi seraient définitivement détruites par l’histoire les bases du vieux dogme et le péril paraît assez grand aux tenants de l’orthodoxie pour qu’ils éprouvent le besoin de s’en préoccuper. Voir K. Holl, Die Rechtfertigungslehre im Licht der Geschichte des Protestantismus, 2e édit., Tubingue, 1922, p. 1-3.

Transformation de l’orthodoxie.

Sous le coup

de ces attaques diverses, l’orthodoxie n’est pas restée sans défense : mais pour cela elle n’a pas dû tarder à s’établir de plus en plus loin du terrain primitif.

1. Restauration des anciennes formules.

A la dissolution croissante du dogme il était naturel que ses défenseurs cherchassent tout d’abord à opposer le rempart des anciens foimulaires et de la théologie qu’ils avaient inspirée. C’est ainsi que la première moitié du xix° siècle a vu renaître en Allemagne une orthodoxie de stricte observance, voir Lichtenberger, op. cit., t. ii, p. 295-314, dont le nom le plus brillant est Ern. Sarlorius, avec son petit livre souvent réédité Lie Lehrc von der heiligen Liebe, 1844. Voir sur lui Ritschl, op. cit., p. 638-640. Déjà plus souples, les théologiens de la génération suivante s’en tiennent encore aux ioimules classiques du luthéranisme, interprétées et vivifiées à l’aide de l’expérience religieuse. Lichtenberger, op. cit., t. iii, p. 149-209. Le plus marquant de tous est G. Thomasius, qui, après avoir rappelé l’autorité dogmatique des symboles ecclésiastiques, Bas Bekenntniss derevang. lutherischen Kirche, Erlangen, 1.S48, entreprit d’en développer systématiquement le contenu dans son grand ouvrage : Cluisli Person und Werk, 1e édit., 1852-1861 ; 3e édit., 18861888. Il y distingue formellement la sanctification de la justification, laquelle est un premier acte, d’ordre proprement juridique, où Dieu nous impute les mérites du rédempteur, et qui ne demande pas d’autre condition que la foi. La vie nouvelle dans le Christ survient ensuite comme conséquence. Voir t. ii, p. 405-493. Sur les tendances de Thomasius et de son collaborateur Philippi, voir Ritschl, op. cit., p. 641-644, et. sur l’ensemble de l’école orthodoxe, Gass, op. cit., t. iv, p. 80-179.

En France également, le mouvement du Réveil, qui se produisit au début du xix° siècle, fut marqué par une dévote fidélité aux formes les plus strictes de l’ancienne orthodoxie. « La justiiication et la sanctification ne sont plus présentées comme les deux laces distinctes d’un même fait moral qui ne saurait Être absolument scindé ; mais elles sont entièrement séparées, si bien que le salut est complet avant même que l’œuvre de rénovation ait commencé. » Ce qui plaçait les apôtres du Réveil, en dépil de toutes leurs bonnes intentions, "sur la pente de l’antinomisme l Géologique ». Edm, de Pressensé, Essai sur le <h><jme de lu Rédemption, Paris, 1867, p. 45-46.

Le même auteur rapporte pour la Suisse un témoignage de Vinet, qui dénonçait dans l’antinomisme « l’une des faiblesses de notre Réveil ». et signale < la même tendance dans l’école évangélique anglaise. * « Vous pouvez, écrivait le 1 tév. Read, Le sang <I. Jésus, p. 3(i, par le pardon de imis mis péchés obtenir à tout instant la paix avec Dieu, attendu que VOUS n’avez pour cela ni à vous repentir, ni à faire la moindre chose, ni à attendre, niais qu’il vous suffit simplement de croire. Ibid., p. M. Cꝟ. 1 '>. l’ozzj, Histoire du dogme de la Rédemption, Parts, 1868, p. 109, après E. Guers, Le Sacrifice de christ, Genève, 1867, p. 84. 1 Jl ne faut évidemment pas se presser de voir un sys tème arrêté dans ces formules de prédicateurs. Elles n’en montrent pas moins combien tendait à se simplifier, aux dépens de la vie morale, la doctrine officielle de la justification par la foi.

2. Essais de formules nouvelles. — D’autres besoins n’allaient d’ailleurs pas tarder à surgir qui feraient éclore un peu partout des formes nouvelles d’orthodoxie. Rien n’est plus difficile que de s’orienter à travers une littérature particulièrement touffue et il faut résister à la tentation d’y chercher des courants uniformes ou universels. Mais on peut y relever quelques manifestations assez saillantes pour montrer à quel point les défenseurs du surnaturel chrétien tournent le dos au dogme périmé de leur Église et retrouvent, sans peut-être le vouloir ni le savoir, la grande voie de l’enseignement catholique traditionnel.

a) Allemagne. — Ici comme ailleurs, c’est de l’Allemagne qu’est venue l’impulsion.

Déjà un orthodoxe rigide comme E. W. Hengstenberg voulait synthétiser les doctrines de saint Paul et de saint Jacques, puisqu’elles se trouvent toutes deux dans le canon, et, avec le vieux piétisme, restituer sa place dans la justification à l’amour repentant. Voir ses articles sur l’Épître de saint Jacques, dans Evangelische Kirchenzeitung, 1866, n. 92-94, col. 1097-1129, et sur la pécheresse, ibid., 1867, n. 23-26, col. 265-303. Cf. ibid., n. 47-48, col. 553-575. On consultera sur lui Ritschl, op. cit., p. 644-646 et K. Holl, op. cit., p. 44.

Une impulsion plus forte et plus efficace dans ce sens fut imprimée à la théologie allemande par J. T. Beck de Tubingue, dont on a résumé la doctrinedans les propositions suivantes : « a) La justification n’est pas un fait déclaratif ou forensique se passant en Dieu, mais un effet se réalisant en l’homme, b) La justification n’est pas un fait initial, mais consécutif à la sanctification, c) La justification n’est pas un fait absolu ou seulement continu, mais progressif au même titre (lue les deux autres actes du salut, la sanctification et la glorification. » Où l’on reconnaît à bon droit « la tradition représentée tour à tour par saint Augustin, saint Thomas d’Aquin et Osiander. » A. Grétillat. Expose de théologie systématique, Paris, 1890, t. IV, p. 376. Pour plus de détails, voir du même auteur Beck et sa doctrine de la justification, dans Revue de théologie et de philosophie, 1884, t. xvii, p. 5-30 et 144-181. Cf. Ritschl, op. cit., p. 630-632. Sur la controverse provoquée par ces doctrines, voir E. T. Gestrin, Die Rechtfertigungslehre des Professoren J. T. Beck, etc. Berlin, 1891, p. 88-122.

De semblables principes inspirent l’école dite de conciliation, où l’on veut, avec Tholuck, que la justification soit « une déclaration conforme à la vérité » et, avec Nitsch, que « la conversion et la justification deviennent vraies dans la mesure où grandit la sanctification. » Or ces vues ont rallié en Allemagne un nombre toujours plus grand de théologiens. A..Malter. art. Justification, dans F. Lichtenberger, Enci/cl. des sciences religieuses, t. vii, p. 571. Les plus modernes se réclament à la lois de la Bible, de l’expérience et de Luther pour identifier cette justification et cette sanctification que l’ancienne orthodoxie s’appliquait à séparer. Voir Jellinghaus, Das vôllige, gegenwartii/c llcil durch Chriatus, 5’édit., 1903 ; E. Rietschel, Lutherische Rechtfertigungslehre oder moderne, Jleiligungslehre, 1009 ; B. Steffen, Das Dogrna von Kreuz, t.ulersloh, 1920, p. 168-174.

b) Suisse et l’rancc. — Ces doctrines ont aussi pénétré dans la théologie de langue faneaise.

Le principal initiateur à eel égard lut Alexandre Vinet. Voir de lui La grâce et la lui. dans Etudes rruugéllquts, 2e édit., Paris, 1861, p. 287-805, où l’ontrouv » un plaidoyer pour la doctrine de saint Jacques, et, à l’adresse de « ceux qui réclament à grands cris les-