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JUSTIFICATION, THÉOLOGIE PROTESTANTE MODERNE


une bonne partie de leur valeur. Noir Arminius, t. i, col. 1968-1971. Ils admettaient que la seule foi salvifique est relie qui s’accompagne (le charité et possède dès lors en elle-même une qualité justifiante. Aussi faisaient-ils entrer la sanctification dans l’acte même de' la justification. Toutes positions où A. Ritschl ne craint pas de constater des tendances catholiques. Op. cit., p. 344-345. C’est pourquoi la nouvelle doctrine fut vivement combattue par les calvinistes orthodoxes et finalement condamnée au synode de Dordrecht <(> niai 1619), aux tenues duquel la justification est gratuite, la loi un pur don de Dieu, la régénération spirituelle une suite et non un élément de la justification, ii, 4, et m-iv, 11-12. Xiemeyer, p. 707 et 710-711. En regard de la tradition catholique définie par le concile de Trente, le protestantisme avait désormais son dogme, où ses docteurs croyaient bien avoir fixé au nouvel évangile ses contours définitifs.

5° Scolastique des xviie et XVIIIe siècles. — Autour de ces confessions de foi les théologiens protestants s’appliquèrent à élever le rempart d’une véritable scolastique.

1. Orthodoxie classique.

Elle marque d’abord le règne d’une orthodoxie que personne ne songeait plus guère à contester et qui s’affirmait avec une égale confiance à l’encontre des hérétiques de droite et de gauche.

On a signalé plus haut, col. 2194, les principaux de ces théologiens et il n’y aurait aucun intérêt à les suivre en détail. Ils s’accordent à rejeter la doctrine des ctuvres comme entachée de pélagianisme, celle de la ji stice iiifuse comme inspirée de vaines catégories philosophiques au détriment de l’Evangile et de saint Paul. La justification y est commandée par une conception tout à fait pessimiste du péché originel, aggravée, chez les calvinistes, par le dogme de la prédestination absolue. Ce qui interdit d’accorder à nos oeuvres préparatoires aucune valeur et permet de s’opposer aux catholiques comme aux sociniens.

En elle-même, la justification est étroitement coordonnée à une théologie spéciale de la rédemption, où le Christ a pleinement satisfait pour nous à la justice divine par sa double obéissance active et passive. Voir J. Rivière, op. cit.. p. 381-401. Cette œuvre rédemptrice, nous pouvons et devons nous l’approprier par la foi ; mais celle-ci ne joue que le rôle d’instrument, Cpyavov Xtjtctixôv suivant la formule technique, par lequel nous saisissons les mérites du Christ. Sur quoi Dieu veut bien nous remettre nos péchés, qui ne nous sont plus imputés a cause de la satisfaction pénale que le Christ a fournie à notre place, et nous imputer, au contraire, le prix de sa sainte vie. La justification est essentiellement cette procédure divine qui nous inscrit, malgré notre misère constitutive, parmi les bénéficiaires de l'œuvre du rédempteur, qui nous déclare justes en dépit de nos péchés. Dans la mesure OÙ elle est possible avec une nature essentiellement corrompue, la sanctification ne peut être qu’une suite de ce premier acte divin.

Comme spécimens de cette théologie, on peut consulter, chez les luthériens, .1. Gerhard, Luc. theol., loc. xvii et xviii. édition Cotta, Tubingue, 1768, t. vii, p. 1-317, et t. viii, p. L-199 ;.1. A. Quenstedt, Theologia didaclico-potentica, Wittemberg, 1701, part. 111, c. viii, p. 514-578 ; chez les réformés, Fr. Turretin, Insliluliones iheologiæ elencticæ, Genève, 1082, t. ii, p. 691 792. 2. Écoles et tendances. - A travers cette commune

opposition a la loi catholique, il n’est pas impossible

d’apercevoir quelques divergences entre luthériens

et réformés. On a pu en saisir le germe chez les initiateurs de la Réforme, COl. ZHH gq, et nous en retrouvions tout à l’heure la tiare jusque dans la sobriété voulue

des symboles officiels. Il résulte de l’exposition comparative établie par Matthias Schneckenburger, Vergleichende Darstellung des lulherischen und reformirien Lehrbegriffs, Stuttgart, 1855. surtout t. u. p. 12-134 que ces premières tendances n’ont fait que se développer dans les âges suivants.

Le principal point de divergence porte sur l’essence même de l’acte justificateur. Tandis que les luthériens s’en tiennent à la stricte imputation, il est frappant que les réformés éprouvent le besoin de dire, d’après Rom., ii, 2, que le jugement divin est et doit être secundum vcrilatem. C’est-à-dire qu’il suppose une réalité correspondante, et cette réalité n’est autre que notre union au Christ déjà réalisée. Imputalio non dénotât fictionem mentis et opinionem, sed vertim justumque judiciiim, dit Rodolph. Judicium Dei de fidelibus in communione justitiæ jam constituas vocatur justificatio. précise Melchior.Hulsius va jusqu'à parler d’une justice qui nous est inhérente : Cerlum est, cum justificatur, eum non esse peccalorem in statu peccati, sed fidelem et consequenter justum justitia inhwrente. Schneckenburger. ]>. 15-16 ; cf. p. 64.

A. Ritschl, op. cit., p. 295-305, s’est appliqué àréduire ces textes et autres semblables. Mais ils ont été retenus et augmentés par Dortenbach. art. Sùnden vergebung, dans Realencyclopadie, l re édit., 1802, t. xv, p. 237-239. (Cet article n’a pas' été conservé dans les éditions suivantes.) Il est à remarquer avec Schneckenburger, p. 23-24, que ces expressions n’apparaissent que dans les exposés sereins et ceci en explique la rareté, tandis que la polémique contre l'Église les ramène au pur système luthérien.

En conséquence, plusieurs réformés admettent que nous sommes justifiés, non pas per /idem, mais propter /idem. Schneckenburger, p. 78-79. Ce qui les conduit à écarter la fides fiducialis pour donner le premier rang à la croyance et à la receplio ipsins Christ i qui en est l’acte spécifique. Mastricht, ibid., p. 97. Pour eux, la foi est un mouvement de l'âme tout entière et comprend déjà l’amour. Heidegger et Marck, ibid., p. 1 13114. Ainsi une certaine régénération morale est à la base de la justification : elle en devient surtout le terme, parce que les bonnes œuvres y sont plus nettement réclamées, soit, d’un point de vue subjectif, comme signe de la foi, ibid., t. i. p. 38-74, soit, du point de vue objectif, comme condition du salut. Ibid. p. 74-94 ; cf. t. ii, p. 90-91.

Conformément à l’esprit des xxxix articles, les théologiens anglicans sont particulièrement aflirmatifs sur les œuvres et l’on a pu dire de Cranmer, par exemple, que i dans le fond, si ce n’est dans la forme, il adhère à la doctrine de la justice infuse. » Grensted. op. cit.. p. 250.

Du moment que ces tendances, dont l’importance a pu être exagérée mais dont la réalité n’est pas niable, apparaissent en plein règne d’une orthodoxie particulièrement rigide, on peut prévoir qu’elles se montreront plus actives quand le concours de diverses causes aura fait perdre à l’ancien dogmatisme le meilleur de son crédit.

II. ÉVOLUTION DU PROTESTANTISME UODBRNb. — En matière de justification comme ailleurs, il ne reste depuis longtemps que le souvenir des symboles pri mitil’s et de la théologie qui les commenta. L'édifice de l’orthodoxie protestante était a peine construit qu’il menaçait ruine et ne pouvait survivre qu’au prix des plus profonds remaniements.

l° Dissolution de l’orthodoxie. - Nombreuses et diverses sont les causes qui précipitèrent la dissolution de l’orthodoxie si laborieusement édifiée et tout d’abord si fidèlement maintenue.

1. l’ii’tismc.

Par réaction contre la sécheresse du

protestantisme officiel, se forma de bonne heure un