Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.2.djvu/394

Cette page n’a pas encore été corrigée

-J2197

    1. JUSTIFICATION##


JUSTIFICATION, THÉOLOGIE PROTESTANTE MODERNE

2198

plus tard. Voir R. Seeberg, art. Koncordicnformel, dans Realencyclopàdie, t. x, p. 732-745. Texte dans J. T. Millier, Die symbolischen Bûcher der evangelisch-lutherischen Kirche, p. 513-730.

Ce document capital se compose, de deux parties complémentaires, qui diffèrent surtout par la longueur. La première s’intitule : Epitome arliculorum de quibus controversiæ orlse sunt, p. 515-561 ; la seconde : Solida, plana, et perspicua repetitio et declaratio quorumdam arliculorum auguslanee Confessionis de quibus aliquandiu inler nonnullos theologos eidem addictos disputalum fuit, p. 563-730. Dans les deux s’affiche l’intention de résoudre ces points de controverse par un accord unanimement reconnu.

La justification y tient naturellement une place importante. Après avoir posé en principe que le péché originel est en nous quiddam essenliale cdque substantiale, on y affirme que l’homme est, en conséquence, « purement passif » dans l’affaire de sa conversion et que son libre arbitre y reste deterior lapide aut trunco quia répugnât verbo et voluntati Dei. Solida declar., ii, 59 et 89, Mùller, p. 602 et 609. C’était la revanche de la stricte orthodoxie luthérienne, dans les termes de Flacius encore aggravés, contre le synergisme de Mélanchthon. Voir pour l’étude détaillée Fr. H R. Frank, Die Théologie der Concordienformel, Erlangen, 1858, t. i, p. 118-145.

En elle-même, la justification se ramène au pardon des péchés : justificare… idem signiftcare quod absolvere a peccatis, et la rénovation spirituelle n’y entre à aucun titre. Ce pardon nous est accordé ex mera gratia ubsque ullo respectu nostrorum operum et consiste en ce que Dieu nous impute les mérites du Christ : donal algue imputai nobis juslitiam obedientim Christi. Pour obtenir cette grâce, nous n’avons pas à réaliser d’autre condition que la foi : Solam fidem esse illud médium et inslrumentum quo… Christum apprehendimus ; propter Christum enim fides illa nobis ad juslitiam imputatur. On insiste spécialement pour que soient maintenues les « particules exclusives » dont se sert l’apôtre Paul pour ramener au Christ toute la gloire de notre salut. Sans doute « la vraie foi n’est jamais seule » ; mais nous ne pouvons prétendre qu’à être tenus pour justes, sancti et jusli coram Deo Patri reputemur, et l’idée d’une sanctification réelle per caritatem a Spiritu Sanclo infusam fait partie des falsa dogmala dont il faut s’écarter. Epitome, m : De justitia fidei, Millier, p. 528529. Pour le développement, voir Solida declaratio, m, p. 610-624.

L’intérêt de ces formules est dans l’énergie avec laquelle elles condamnent les doctrines d’Osiander, Frank, op. cit., t. ii, p. 24-85, pour séparer la justification de la sanctification et pour faire de celle-là, bien que le terme technique de justitia forensis y soit évité, Loofs, p. 916, un acte juridique d’imputation.

Quant aux bonnes œuvres, la Formule de concorde repousse les deux erreurs opposées, d’après lesquelles elles seraient nécessaires, ou, tout au contraire, nuisibles au salut. Elles suivent la grâce de la justification lumquam fructus bonse arboris et donc entrent en ligne de compte pour le salut, mais sous réserve de la liberté chrétienne et de la prépondérance qui doit rester à la foi. Epitome, iv, Mùller, p. 530-533, et Solida dccl., p. 624-632. Ainsi sont écartées les doctrines extrêmes, soit de Major, soit d’Amsdorf. Frank, op. cit., t. ii, p. 148-215. Toutes décisions valables à perpétuité, avait l’illusion d’affirmer la Solida declaratio, Introd., 16, Mùller, p. 572, et qui avaient au moins l’avantage de fixer l’orthodoxie sur les positions mieux précisées de la Confession d’Augsbourg.

2. Églises réformées.

C’est aussi vers la même époque que les Églises réformées arrêtèrent leurs symboles de foi : Suisse (1562), France (1559), Pays-Bas

(1561), Ecosse (1560), Angleterre (42 articles en 1552 et 39 articles en 1571). On y voit s’accuser les traits distinctifs de l’anglicanisme ou du calvinisme ; mais la doctrine de la justification plane au-dessus de ces controverses intestines et garde sans difficulté la physionomie que lui avait donnée le protestantisme primitif.

Il y est donc question partout de justice imputée, Conf. helv. post., art. xv, et Conf. gallic, art. xvii, dans H. A. Niemeyer, Collectio Conjessionum, p. 319 et 494 ; de justification par la seule foi, Conf. gall., art. xx, p. 320 ; Conf. belg., art. xxii, p. 374 ; Conf. helv., art. xv, p. 495 ; Conf. anglic, art. xi, p. 603. La foi elle-même n’est que l’inslrumentum quo Christunt juslitiam noslram apprehendimus. Conf. belg., art. xxii, p. 374.

Mais on y peut remarquer çà et là quelques touches discrètes qui diffèrent du luthéranisme Ainsi les bonnes œuvres, bien qu’elles ne constituent pas un mérite, sont nettement proclamées possibles et nécessaires, après la justification, comme fruits de la foi et condition du salut. Conf. helu., art. xvi, p. 497, et Conf. anglic, art. xii, p. 603-604. La Confession gallicane, art. xxti, p. 320, déclare même que « par cette Foy nous sommes régénérez en nouveauté de vie, » et pareillement celle des Pays-Bas : Credimus veram hanc fidem… in nobis productam nos regenerare ac velut novos homines efficere. Conf. belg., art. xxiv, p. 375. D’après la Confession helvétique, art. xv, p. 495, nous sommes donati justitia Christi et la Confession d’Ecosse, art. xiii, p. 346, identifie cette justice avec le sancti ficationis spiritus.

On a remarqué aussi que les symboles anglicans « adoptent une attitude très réservée à l’égard des doctrines le plus spécifiquement luthériennes, » telles que la corruption originelle et l’inutilité des œuvres. L. V. Grensted, A short history of the doctrine of the Atonement, Manchester, 1920, p. 259-260. Et ce trait est à retenir pour comprendre l’évolution de plus en plus générale de l’anglicanisme moderne.

Au total cependant, les deux Églises s’accordaient à fixer en orthodoxie les positions caractéristiques des premiers réformateurs.

Hérésies naissantes.

 Cette codification de ses

doctrines n’allait d’ailleurs pas empêcher le protestantisme de sentir la menace de nouvelles hérésies.

1. Socinianisme.

A l’extrême aile gauche de la Réforme allemande s’est développé le rationalisme socinfen. En niant la satisfaction du Christ, voir J. Rivière, Le dogme de la Rédemption, Étude théologique, Paris, 1914, p. 412-421, il ébranlait le fondement même de la justification. Aussi l’imputation des mérites du Christ y est-elle écartée comme un nonsens. On y parle bien encore de justification par la foi, et par la foi seule ; mais cette foi est comprise comme l’adhésion et l’obéissance au témoignage divin, c’est-à-dire comme un commencement de vie morale. Commencement d’ailleurs très imparfait, mais dont Dieu veut bien nous tenir compte par grâce. En tout cas, nous n’avons pas besoin d’une justice étrangère : la nôtre nous suffit. Voir principalement F. Socin, Traclatus de jusli ficatione, dans Bibliotheca fratrum polonorum, t. i, p. 601-627, et De Jesu Christo servatore, part. IV, ibid., t. ii, p. 213-246, suivi d’une courte Justi ficationis noslrse per Christum synopsis, p. 247252.

Ce rationalisme hardi fut maintenu en marge de l’Église officielle et n’eut guère que l’influence d’une école, en attendant d’inspirer la secte des unitariens.

2. Arminianisme.

Plus sérieuse fut la crise provoquée,

chez des réformés, par les arminiens, qui, en soulignant la libellé humaine contre la stricte prédestination, arrivaient forcément à rendre aux, œuvres