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JUSTIFICATION, THÉOLOGIE PROTESTANTE MODERNE


défendirent. Il y eut un assaut général de pamphlets théologiques, de dénonciations politiques, de censures ecclésiastiques, que, pour le bien de la paix, Mélanchthon s’efforçait vainement d’arrêter. Voir sa lettre du 6 septembre 1552. Corpus Re/oim., t. vii, col. 1061. Le combat ne cessa qu’en 1558 par la mort de Ménius et le silence de Major.

Au point de vue doctrinal, les thèses des deux docteurs représentaient évidemment une réaction dans le sens catholique contre l’orthodoxie reçue. Elles entraînèrent par répercussion une crise aiguë d’antinomisme. Voir G. Kawerau, dans Realencyclopàdie, t. i, p. 590591. Car Amsdorf, soutenu par André Poach d’Erfurt et Antoine Otto de Nordhausen, défendait la thèse radicale que la loi n’a plus, pour le chrétien justifié, d’utilité pratique ni de valeur obligatoire. Il mit le comble au scandale quand il publia un opuscule, en 1559, pour établir que « les bonnes œuvres sont nuisibles au salut. »

Entre ces deux tendances extrêmes la position des luthériens orthodoxes était assez difficile. Les principaux représentants en furent Hesshusen, Westphal et surtout l’impétueux Flacius Illyricus, qui s’efforcèrent de montrer, non sans quelque embarras, que, si les auvres sont le fiuit de la justification, elles n’en sont à aucun titre la cause. Néanmoins, Flacius devait at corder que la foi est plus que « la main du mendiant », qu’elle est en elle-même une nova vita, voire n.in.e une ouvre bonne, encore que le croyant le doive oublier. Voir Y. Preger, Matthias Flacius Illyricus, Erlangen, 1859, t. i, p. 354-417. Même « chez les épargnes, l’intelligence du protestantisme réformateur tl-ispaiaissait de plus en plus. » Loofs, p. 897.

2. Controverse, syneryistique. — A peine assoupie, la t-c ntioverse allait renaître sur le problème spéculatif Ce la liberté et de son concours à la grâce. Voir (j. Kawerau, ait. Syneryismus, dans Realencyclopàdie, t. xix, p. 229-235, et Loofs, op. cit., p. 900-902.

Le synergisme de Mélanchthon avait trouvé un défenseur en la personne de Jean Pfeflinger, De liberIule icluntatis humanw. puis De libero arbitrio, 1555. Trois ans plus tard, Amsdorf d’abord, puis, avec sa violence coutumière, Flacius Illyricus, prirent position contre lui. Voir Preger, op. cit., t. ii, p. 113-166. Mélanchthon dut intervenir, Corp. Rejorm., t. xii, col. 651-654, et fut secondé par un ancien lieutenant de Flacius, Victorin Strigel. Celui-ci eut une conférence tontradictoire avec Flacius, à la cour de Weimar (2-8 août 1560), qui tourna contre ce dernier. Preger, t. ii, p. 195-227. Strigel dut cependant quitter Iéna ; mais 1-lacius en fut banni à son tour (1561), Preger, t. il, p. 109-180, et Strigel y retrouva son poste en 1562. Il fallut un changement de règne pour rétablir les affaires des vieux-luthériens.

Tout au moins avaient-ils nettement posé leurs principes. Contre ses adversaires, qui soutenaient le ooncours du libre arbitre, Flacius défendait notre entière passivité : Sicut truncus aut saxum se mère I assive Iwbet erga slatuarium aut lapicidam, sic et berna in conversion* et regeneratione erga Dcum. Le temps était proche ou cette doctrine, momentanément vaincue, reprendrait sa revanche et où le synergisme m i ait taxé d’erreur.

3. Essence de la justification : Jastite inhérente ou imputée. — Entre temps un nouveau débat avait surgi sur la nature nu nie de la justi Qcation. Il l’ut occasionné par le réformateur de Nuremberg, André Osiander.

I i s [549, ii Un ci s'élevait enotre l’Intérim où ne se trouvait pas, à son sens, la notion du la vraie jus.1 Ice, il lonna une pn mdère esquisse « le ses idées sur ce point dans une petite dissertation, De lege et evani (5 avril 1549), puis encore, le 24 octobre 1 550, dans ane Disputatio de justi ftcatione traduite en allemand

l’année suivante. En réponse aux critiques qu’il reçut, il s’expliqua dans un ouvrage plus étendu. Von dem einiyen Millier Jhesu Christo und Rechtfertigung des Glaubens, Kônigsberg, 1551, traduit en latin quelques mois après sous ce titre : De unica mediatore Jesu Christo et justi ficatione fidei. Voir V. Millier. Andréas Osiander, Elberfeld, 1870, p. 379-409. Ces publications allaient susciter une des plus violentestempêtes qu’ait connues le premier âge de la Réforme, à laquelle put seule mettre un terme la mort de l’auteur (17 octobre 1552). Pour le détail de la controverse, voir Môller, ibid., p. 410-522.

Osiander soutenait que, grâce aux mérites du Rédempteur, la justice de Dieu devient nôtre et se traduit en ce que le Christ habite en nous. Dès lors « être justifiés » signifie pour nous devenir réellement justes. Ce qui se produit par ce fait que la présence du Christ en nous et la divine justice qu’il y apporte nous sont imputées comme mitres. Mais cette imputation répond à une vérité objective : car Dieu, qui est un juste juge, ne peut nous déclarer justes sans nous rendre effectivement tels. Il faut donc entendre que nos péchés nous sont vraiment remis et que la justification se traduit par une rénovation intérieure. La foi en est l’instrument, non pas comme une bonne œuvre, mais parce qu’elle l’ait habiter le Christ en nous. Voir Mdller, p. 398-408, et A. Ritschl, Die Rerhl/crligungslehre îles Andréas Osiander, dans Jahrbùcher fur deulsche Théologie, 1857, t. ii, p. 795829, résumé dans Die christliche Lehre von der Rechtjertigung und Verso hnung, 1. 1, p. 235-240.

Cette nouvelle doctrine ne rencontra guère de suffrage favorable que chez le Wurtembergeois Jean Brenz, voir t. ii, col. 1128-1130, dont la pensée sur ce point a été étudiée par C. W. von Kiigelgen, Die Recht/erligungslehre des Joh. Brenz. Leipzig. 1899. Mais luthériens et philippistes s’unirent contre elle dans une commune et violente opposition. Non seulement Flacius Illyricus, toujours sur la brèche pour la bonne cause, voir Preger, op. cit., t. i. p. 205-297, mais les théologiens de Weimar, Ménius, Strigel et Schnepf, suivis par Amsdorf et Jouas, soutenus par le surintendant Pollicarius, prirent parti contre lui. Môller, op. cit., p. 478-491. Consulté par le duc Albert, Mélanchthon lui-même se prononça publiquement contre Osiander. Corp. Rejorm., t. vii, col. 892-902. Le grand reproche qu’on lui faisait était de s'écarter de Luther pour revenir à la doctrine catholique. Loofs, p. 870-872. Ce qui caractérise assez bien l’esprit de cette tentative doctrinale et dit en même temps' la raison de son insuccès.

3° Fixation de l’orthodoxie : Les derniers symboles. — Toutes ces divisions intestines firent sentir le besoin de resserrer les liens déjà flottants de l’orthodoxie C’est à quoi pourvurent les derniers symboles, qui ont donné leur physionomie officielle, sinon définitive, aux Églises issues de la Réforme.

1. Églises luthériennes : Formule de concorde (15771580). — En Allemagne, surtout, l’intérêt politique s’unissait à l’intérêt doctrinal pour faire souhaiter un accord si gravement compromis jusque-là. L’entrée en scène d’une seconde génération de théologiens, les protagonistes de la Réforme ayant tour à tour disparu, rendit possible l’u’uvrc nécessaire.

Sous l’action de Jacob Andréa, de Chemnitz et de Seinecker, un formulaire d’union fut élaboré, qui rallia les Églises de Souabe et de Saxe au cours des années 1574 et 157."). De nouvelles tractations, auxquelles

prirent pari Chytræus, Vtusculus et Kôrner, aboutirent, en mars 1577, a l’actuelle Formate de concorde,

qui lut successivement souscrite par presque tous les

États germano-évangéliques et publiée en allemand le

25 juin 158, 1. en attendant de l'être en lai in quatre ans