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JUSTIFICATION, THÉOLOGIE PROTESTANTE MODERNE

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place centrale et 1’ « antidote » du réformateur genevois y est particulièrement étendu, col. 441-486. Une traduction française parut l’année suivante, précédée d’un prologue en vers contre

ces Pères Cornuz

Qui souz le nom de Dieu sont convenuz Pour dépraver la doctrine céleste. Qu’ilz sachent donc que par tout son tenuz Asnes masquez, et Antéchristz au reste.

Un avis également versifié mettait le lecteur en garde contre la « belle apparence » de ces « editz malheureux », qu’il comparait aux charmes suspects de la courtisane.

Parquoy, Amy, si tu sens ta pensée De tel venin quelque fois offencée Prens ce remède ou gist la guerison.

Chez les luthériens, Mélanchthon avait donné le branle à l’offensive, dès 1546, par ses Acta concilii

Tridentini… una cum annolationibus piis et lectu dignissimis, opuscule parfois confondu avec celui de Calvin. Op. cit., p. xxxvii. Mais la grosse attaque devait être fournie par Martin Chemnitz, voir t. H, col. 2354-2357, avec son Examen concilii Tridentini, fruit de huit années de travail, dont les quatre parties s’échelonnèrent de 1565 à 1573. L’ouvrage fut de bonne heure traduit en allemand, puis en français, et a connu de très nombreuses rééditions. Voir D. Reimbold, Historiée examinis conc. Tridentini spécimen, Leipzig, 1736. D’après les protestants modernes, « comme réfutation complète des canons de Trente, cet Examen conserve son intérêt encore aujourd’hui. » Lichtenberger, Encycl. des se. relig., art. Chemnitz, t. iii, p. 103. Aussi cet ouvrage est-il resté comme l’arsenal où les controversistes postérieurs viennent en général se ravitailler.

La justification et les questions connexes y occupent la moitié de la première partie, édition in-folio, Francfort, 1596, p. 107-188. Chemnitz y reproche au concile d’avoir cédé à l’esprit scolastique et couvert sous une avalanche d’anathèmes la doctrine de tous les apôtres et prophètes, p. 128. Il s’attache donc à rétablir cette pure doctrine des Écritures, non sans y joindre également un petit dossier de veterum lestimonia, p. 141-144 ; puis il se livre à la critique méthodique des articles du décret sur la justification elle-même, la foi et les œuvres. Son dernier mot est pour prier le Saint-Esprit de préserver contre les ténèbres pontificales la lumière de sa parole allumée dans nos Églises, p. 188. Pour la genèse et l’analyse de l’ouvrage voir H. Hachfeld, Martin Chemnitz nach seinem Leben und Wirken, Leipzig, 1867, p. 229-252 ; pour l’appréciation de ses méthodes et de sa valeur du côté protestant, voir R. Mumm, Die Polemik des Martin Chemnitz gegen dus Konzil von Trient, Leipzig, 1905, p. 32-78.

Au cours des xviie et xviiie siècles, le concile de Trente fut encore l’objet de nombreuses attaques. Voir la liste bibliographique dressée par R. Mumm, op. cit., p. 79-104, qui ne comprend pas moins de cent vingt-sept numéros. Une des plus appréciées chez les luthériens est la Consideratio doctrines pontificise juxta duclum concilii Tridentini, œuvre posthume de Georges Calixte, Helmstadt, 1659-1672 ; chez les calvinistes, la Concilii Tridentini anatome historicotheologica, 1672, de J. H. Heidegger, reprise et augmentée par l’auteur, en 1690, sous le titre funèbre de Tumulus concilii Tridentini. La vi c session y est longuement ensevelie sous une masse compacte de questions et d’arguments, 1. 1, p. 243-548.

2. Polémique générale.

Sans être moins agressifs, d’autres prenaient une forme plus sereine. Des compilations érudites revendiquaient pour la foi nouvelle

I>ICT. DE THÉOL. CATHOL.

le témoignage du passé : tels le Calalogus leslium vert’tatis, Bâle, 1556, de Flacius Illyricus, voir ici t. vi, col. 1-12, et, spécialement en matière de justification, l’ouvrage de Herm. Hamelmann intitulé : Unanimis omnium Patrum ex apostolica Ecclesia, ex Media JEtale et qui postremis vixerunt seculis consensus de vera juslifieatione hominis coram Deo, Ursel, 1562.

Des théologiens se chargeaient de mettre en œuvre ces matériaux. La tradition de Mélanchthon, qui rééditait encore en 1559 ses Loci communes avec de nombreuses additions, Corpus Re/orm., t. xxi, col. 601-1106 — ouvrage désormais classique et qui a connu des traductions dans presque toutes les langues européennes, ibid., t. xxii — a largement inspiré les docteurs de la Réforme. Qu’il suffise de rappeler les Loci communes de Victorin Strigel, 1581-1584, de Chemnitz, 1591, de Léonard Hutter, 1619, de Henri Hôpfner, 1673, ceux surtout de Jean Gerhard, 16101622, suivis d’une Confessio catholica de même caractère, 1634-1637, et ceux d’Abraham Calov, 1655-1661 et 1677, voir ici t. ii, col. 1376-1377, dont on a dit qu’ils sont « la plus importante production dogmatique du siècle, avec celle de Gerhard, et dépassent même sous plusieurs rapports les Loci de ce dernier. » Kunze, art. Calovius, dans Realencyclopàdie, t. iii, p. 651.

Le double esprit de ces œuvres est bien exprimé par le titre donné par Jean André Quenstedt à sa Theologiadidactico-polemica, 1685, et il est inutile de faire observer que le problème de la justification ne cesse pas d’en faire les principaux frais. Aperçu de cette abondante littérature par Zscharnack, art. Orthodoxie, dans Gunkel-Scheel, Die Religion in Geschichte und Gegenwart, t. iv, col. 1056-1068 ; histoire méthodique dans W. Gass, Geschichte der protestantischen Dogmalik, Berlin, 1854, 1. 1, p. 147-378.

Divisions intérieures.

Tandis que les réformateurs

faisaient front contre l’Église, ils ne laissaient pas d’éprouver, au sein de leurs propres Églises, les plus graves dissensions. On en peut saisir les germes dès les premiers jours de la Réforme, voir plus haut col. 2148 sq : l’activité doctrinale suscitée par le concile de Trente fournit à ces querelles l’occasion de prendre un développement imprévu et qui ne tarda pas à devenir menaçant.

1. Conditions de la justification : Nouvelle controverse antinomiste. — Déjà discutées du vivant de Luther, les conditions de la justification le furent beaucoup plus encore après sa mort. L’influence de Mélanchthon devint prépondérante et se traduisit par ce qu’on a appelé le « philippisme ». Voir Realencyclopàdie, t. xv, p. 322-331. Un des éléments du système ou un des aspects de la tendance était une plus grande confiance faite à la nature humaine. D’où devait suivre une place plus considérable accordée aux œuvres dans le processus de la justification.

Cet esprit se manifeste dans le célèbre Intérim de Leipzig (22 décembre 1548), où il est question d’une justice communiquée et de la nouvelle obéissance qui en est la suite en des termes qui pouvaient s’accorder avec la doctrine catholique. Loofs, Dogmen geschichte, p. 867-868. Un de ses principaux artisans, George Major, voir Realencyclopàdie, t. xii, p. 85-88, se mit à soutenir (1552-1558) que les œuvres sont nécessaires pour le salut. Non qu’elles aient une nécessitas merili, mais il faut leur reconnaître une nécessitas regenerationis, mandali et debiti. Loofs, p. 898. Il fut soutenu par Juste Ménius, Realencyclopàdie, t. xii, p. 577-581, qui prenait la défense de la nova obedientia.

De telles propositions ne pouvaient que choquer les vieux luthériens et une vive controverse s’ensuivit. Résumé par G. Kawerau, ibid., p. 88-91, et Loofs, p. 898-900. Publiquement et violemment dénoncés par Amsdorf, voir ici t. i, col. 1123-1124, les novateurs se

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