Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.2.djvu/390

Cette page n’a pas encore été corrigée
2189
2190
JUSTIFICATION, LA DOCTRINE AU CONCILE DE TRENTE


opéra ipsa fructus solummodo et signa esse justificationis adeptæ non autem ipsius augenda ; causam, anathema sit.

œuvres, mais que les œuvres sont seulement les fruits et les signes de la justification obtenue et non pas la cause de son accroissement, qu’il soit anathème.

Dès le 30 juin, la question du progrès de la justification était posée au concile, p. 281 ; mais le projet du 23 septembre n’y touchait encore qu’en quelques phrases dispersées au cours des c. vu et vrn, p. 423424. Celui du 5 novembre lui consacre un petit chapitre spécial, p. 637, qui s’est conservé à peu près tel quel dans la suite. On y ajouta seulement le complément coopérante fide bonis operibus et, dans le dossier scripturaire particulièrement étoffé qui comprenait déjà Ps. lxxxiii, 8 ; II Cor., iv, 16 ; Apoc, xxii, 11, et Eccli., xviii, 22, on introduisit encore Jac, ii, 24, plus le début de la collecte pour le XIIIe dimanche après la Pentecôte. Toutes modifications qui lurent adoptées sans grandes difficultés dans la séance du 13 décembre, p. 705-708.

Ainsi était affirmé contre les protestants le caractère vivant et progressif de notre justification, Hefner, p. 329-335, et, par voie de conséquence, la valeur surnaturelle de nos œuvres morales, qui, sous l’action de la grâce, sont les agents de ce progrès.

Diverses dans leur détail, ces œuvres rentrent toutes dans une catégorie générale, savoir « l’observation des commandements de Dieu et de l’Église. « Luther professait l’impossibilité, l’inutilité, voire même la nocivité de la loi, y compris la loi chrétienne. Cette doctrine est écartée par le c. xi, Denzinger-Bannwart, n. 804, et Cavallera, n. 884, qui affirme que la pratique de la loi chrétienne est possible, nécessaire et fructueuse. Cf. can. 18-21, Denzinger-Bannwart, n. 828834, et Cavallera, n. 892.

En portant cette définition, « les Pères du concile savaient bien qu’il y a dans saint Paul, saint Augustin et saint Bernard plusieurs expressions qui semblent favoriser la théorie du réformateur. » Mais le tout est de ne pas exagérer les conséquences du péché originel. Sans se prononcer entre les théories d’école, le concile se contente d’enseigner qu’avec le secours de la grâce il n’est pas de commandement qui soit impossible au chrétien. « Dans la formule de définition plusieurs expressions de saint Augustin furent littéralement reproduites, pour montrer en cet endroit qu’il y a la plus complète harmonie entre la doctrine bien comprise du grand théologien et celle de l’Église. » Hefner, p. 335-336.

D’une manière plus générale encore, cette synthèse tend à sauver l’harmonie entre le sens chrétien et le sens moral.

4. Amissibilité de la justification.

Professer

l’accroissement de la justification, c’est en reconnaître la caducité toujours possible. Les protestants admettaient qu’elle dure autant que la foi qui en est l’unique condition. Cette erreur est spécialement visée au c. xv. Denz., n. 808, et Cav., n. 888.

Adversus etiam hominum quorumdam callida ingénia asserendum est, non

modo infidelitate per quam et ipsa fides amittitur, sed etiam quocumque alio mortali peccato, quamvis non amittatur fides, acceptam justilicationis gratiam amitti. ..

Contre la perfidie de certains hommes… il faut affirmer que, non seulement l’infidélité qui nous fait perdre la foi elle-même, mais encore tout autre péché mortel, bien qu’il ne porte pas atteinte à la foi, nous fait perdre la grâce reçue de la justification…

De ce chapitre il faut rapprocher les canons 27 et 28. Denz., n. 837-838, Cav., n. 892.

Can. 27. Si quis dixerit Si quelqu’un dit qu’il n’y nullum esse mortalepe ccaa de péché mortel que celui

tum nisi infidelitatis, aut nulloalio.quantumvis gravi et enormi.proeter quam infidelitatis, peccato semel acceptam gratiam amitti, anathema sit.

Can. 28. Si quis dixerit amissa per peccatum gratia simul et fidem semper amitti ; aut fidem quæ remanet non esse veram fidem, licet non sit viva ; aut eum qui fidem sine cantate habet non esse christianum, anathema sit.

d’infidélité, ou bien qu’aucun autre péché, quelque grave et énorme qu’il puisse être, ne fait perdre la grâce une fois reçue, qu’il soit anathème.

Si quelqu’un dit qu’en perdant la grâce par le péché on perd en même temps toujours la foi ; ou que la foi qui survit n’est pas une vraie foi, bien qu’elle ne soit pas vivante ; ou bien que celui qui a la foi sans la charité n’est pas chrétien, qu’il soit anathème.

En accord avec les principes préalablement posés sur le rôle de la foi et des œuvres, le décret marque ici que le maintien de la justification, tout comme son origine, ne dépend pas seulement de celle-là, mais encore de celles-ci. Il en ressort qu’il y a deux manières de perdre la grâce de Dieu : l’une totale (sur laquelle le concile n’insiste pas), quand on perd le foi qui en est la base ; l’autre moins complète, quand la foi survit à la ruine de la charité détruite par un péché mortel. Par où le concile manifeste l’intention de « défendre la doctrine de la loi divine, qui exclut du royaume de Dieu, non seulement les infidèles, mais aussi bien les fidèles quand ils sont fornicateurs, adultères, efféminés, impudiques, voleurs, ivrognes, médisants, rapaces, I Cor., vi, 9-10, et tous autres qui commettent des péchés mortels dont ils pourraient s’abstenir avec l’aide de la grâce divine et par suite desquels ils sont séparés de la grâce du Christ. » C. xv.

D’où il résulte que la foi et la charité sont séparables. Ce point, touché dès le premier projet, c. xix, p. 390, et repris dans le second, c. x, p. 425, fut contesté, le 7 octobre, par l’abbé Lucien de Sainte-Marie près Ferrare, qui, au nom des autre-s abbés, soutint que tout péché entame la foi : Peccata omnia ex fidei imperfectione prodire et unumquemque nostrum tantum peccare quantum a fide deficimus, p. 476. Il proposait donc, ou de supprimer l’article, ou d’ajouter à la mention du péché mortel cette précision tendancieuse : quami’is non sine quadam infidelitate.

Le texte ayant été maintenu quand même dans le troisième projet, c. xv, p. 639, l’abbé Lucien revint à la charge le 23 novembre. Per peccata fides amittitur, disait-il, et fides non potest slare cum peccato. Ce qu’il soutenait per argumenta lulheranorum. Sur une question du cardinal del Monte, il précisa qu’il entendait parler de la fides christiana. Doctrine qui suscita de vives rumeurs et fut taxée d’hérésie. Lucien reprit la parole le lendemain pour se soumettre au concile et expliquer qu’il ne pensait qu’à la vera fides ou fides formata, p. 659-660. Sur quoi il reçut l’assurance publique du cardinal légat que « le concile lui pardonnait et, prenant en bonne part toutes ses paroles, l’admettait comme fils. » Ce qui ne l’empêcha pas d’être contredit plusieurs fois dans la suite, notamment, le 29 novembre, par l’évêque d’Oporto, p. 677.

Aussi, non seulement la teneur du texte projeté fut-elle intégralement conservée le 14 décembre, p. 709712, mais le dernier canon, qui, dans le projet du 5 novembre, ne contenait encore que la première phrase, p. 641, fut successivement complété par les deux autres, p. 716, à l’effet de bien préciser que la foi du pécheur, pour n’être pas une fides viva, n’en est pas moins une « vraie foi ». Une dernière fois cependant, le 1 er janvier, la question fut posée aux prélats théologiens de savoir s’il fallait spécifier dans le chapitre quelle est la foi qui subsiste dans un pécheur après son péché, p. 752. Ils furent tous d’avis que les termes du décret fussent maintenus sans autre explication.