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JUSTIFICATION, LA DOCTRINE AU CONCILE DE TRENTE


tieuse élaboration, le décret conciliaire se contente d’écarter discrètement le système de la double justice, en précisant que, la « cause formelle » de notre justification est « unique ».

Du reste, la suite marque, à plusieurs reprises, que notre justice est dans un rapport d’étroite dépendance avec la justice de Dieu, et l’imperfection de la nôtre est soulignée par ce qui est dit plus loin de son essentielle incertitude. Où l’on peut voir, avec Hefner, p. 244-247, un gain providentiel dû au système de Contarini. Les vaillants efforts de Séripando eurent au moins pour résultat que toute forme directe de condamnation lui fut épargnée. Elises, dans Rômische Quartalschrift, 1906, t. xx, p. 187-188.

Tout le décret tend par ailleurs à affirmer que nous sommes véritablement renouvelés et justifiés, que nous recevons en nous la justice et que celle-ci nous devient inhérente avec son cortège de dons surnaturels. C’est la tradition catholique opposée à la justitia forensis des protestants. A quoi les canons ajoutent la réprobation formelle de leurs principales erreurs. D’où il appert que, si nous ne sommes pas justifiés indépendamment de la justice du Christ, celle-ci n’est pourtant pas la cause formelle de notre justification ; que la grâce que nous y recevons n’est pas une pure imputation, ni la seule rémission des péchés ou toute autre forme de dénomination extrinsèque qui la ramènerait à une simple « faveur de Dieu », mais bien une réalité interne que l’Esprit Saint répand dans l’âme juste et qui lui demeure attachée.

Dans un enseignement tout entier dirigé contre les erreurs protestantes, il n’y a évidemment pas lieu de chercher une solution aux controverses d’école sur l’essence ou le siège de la grâce sanctifiante, son rapport avec la charité ou avec les dons, que le concile s’est soigneusement abstenu de toucher. Hefner, p. 264. Voir sur toute cette question la monographie de A. Prumbs, Die Stellung des Trident. Konzils zu der Frage… der heiligmachenden Gnade, Paderborn, 1909.

Propriétés de la justification.

 De l’essence de la

justification découlent logiquement ses propriétés. Il suffira de relever ici les principales d’après les derniers chapitres du décret.

1. Gratuité de la justification.

Bien que la gratuité

de la justification ressortit déjà suffisamment du rôle attribué à la grâce dans son origine, les protestants accumulaient tellement de préjugés sur ce point que le concile a voulu s’en expliquer ex professo. C’est l’objet du court c. viii, où sont interprétées les deux formules connexes de saint Paul que nous sommes justifiés « gratuitement » et « par la foi », Rom., iii, 24 et 28. Denzinger-Bannwart, n. 801, et Cavallera, n. 881.

Cum vero Apostolus dicit Lorsque l’Apôtre dit que

justificari hominem per fil’homme est justifié par la

dem et gratis, ea verba in foi et gratuitement, ces pa eo sensu intelligenda sunt rôles doivent être comprises

quem perpetuus Ecclesiae dans le sens que le consente catholicae consensus tenuit ment perpétuel de l’Église

et expressif, ut scilicet per catholique a tenu et exprimé,

fidem ideo justificari dicac’est-à-dire quenous sommes

mur quia fides est humanae dits justifiés par la foi parce

salutis initium, fundamenque la foi est le commence tum et radix omnis justifiment du salut, le fondement

cationis… ; gratis autem juset la racine de la justifica tifleari ideo dicamur quia tion…, et justifiés gratuite nihil eorum quae justificament parce que rien de ce

tionempra’cedunt, si ve fides qui précède la justification,

sive opéra, ipsam justificani la foi ni les œuvres, ne

tionis gratiam promeretur. mérite la grâce même de la justification.

Parmi les textes de saint Paul que les réformateurs aimaient exploiter au profit de leurs doctrines, ces deux étaient les principaux. Aussi tiennent-ils naturellement beaucoup de place dans les délibérations

conciliaires. Les théologiens furent expressément consultés le 22 juillet sur le rôle de la foi, p. 261, et les Pères s’en expliquèrent abondamment, p. 339-340. Aussi le besoin se fit-il sentir d’une interprétation officielle, qui est déjà esquissée dans le projet du 23 septembre, p. 423, et devient l’objet d’un chapitre spécial, c. vii, dans celui du 5 décembre, p. 636.

Cependant les opinions étaient loin d’être unanimes. Deux tendances se firent jour, dont l’une entendait qu’il s’agit de l’acte de foi comme première disposition dans la voie du salut ; l’autre, de la vertu de foi, qui concourait à l’acte même de la justification. Hefner, p. 278-279. Ce point fut spécialement discuté les 6, 17 et 21 décembre, t. v, p. 696-700 et 724-735, pour être définitivement tranché le 8 janvier, p. 763-764.

Dans l’intervalle, sur les instances réitérées du cardinal Cervino, on avait décidé de s’en tenir au sens des Pères anciens, p. 725, et d’interpréter les textes de saint Paul de manière à comprendre, non seulement la première justification, mais aussi les autres, p. 731. Pour le cardinal, il étudiait de près saint Augustin et l’on a retrouvé dans ses papiers, Hefner, appendice, p. 126-127, une collection de textes sur ce point. Dj fait le concile s’en tint à des formules augustiniennes, Hefner, p. 290-291, sur la foi comme « commencement » et « fondement » du salut, sans autrement spécifier son rôle. Le chapitre précédent avait déjà précisé qu’il s’agit de la foi vivante et active, c’est-à-dire de celle qui s’accompagne de la charité.

Puisque la justification dépend ainsi de la foi, elle ne peut être que radicalement gratuite. Cette conséquence fut spécialement examinée le 22 décembre, p. 735-737. On convint qu’il n’était pas nécessaire de relever l’expression paulinienne sine operibus, mais qu’il était bon de souligner la gratuité de la justification. D’où la formule actuelle, d’après laquelle rien de ce qui précède la justification n’a de valeur proprement méritoire pour l’obtenir. Elle fut proposée par le cardinal Cervino comme un moyen de conciliation et acceptée comme telle, sous réserve qu’on ne toucherait pas au mérite de congruo.

2. Incertitude de la justification.

Non sans beaucoup de tergiversations, la Réforme en était venue à dire que le chrétien peut et doit se tenir pour assuré de sa propre justification. Le concile ne pouvait éviter un point de cette importance. Il est tranché au c. ix, Denzinger-Bannwart, n. 802, et Cavallera, n. 882.

Quamvis autem necessarium sit credere neque remitti neque remissa unquam fuisse peccata nisi gratis divina gratia propter Christum, nemini tamen fiduciam et certitudinem remissionis peccatorum suorum jactanti et in ea sola quiescenti peccata dimitti vel dimissa esse dicendum est…

Sed neque illud asserendum est oportere eos qui vere justificati sunt absque ulla omnino dubitatione apud semetipsos statuere se esse justificatos neminemque a peccatis absolvi ac justificari nisi eum qui certo credat se absolutum et justificatum esse atque hac sola fide absolutionem et justificationem perfici, quasi qui hoc non crédit de Dei promissis deque mortis etresurrectionis Christi efficacia dubitet.

Bien qu’il soit nécessaire de croire que les péchés ne sont remis et ne le furent jamais que gratuitement par la grâce divine à cause du Christ, il ne faut pas dire cependant qu’il en soit ou fut ainsi fait pour aucun de ceux qui affectent l’assurance et la certitude de cette rémission et se reposent en elle seule…

On n’affirmera pas non plus qu’il faut que ceux qui sont vraiment justifiés s’établissent eux-mêmes dans ce sentiment sans l’ombre d’aucun doute, et que personne n’est absous de ses péchés ou justifié s’il ne croit avec certitude qu’il est absous et justifié, et que seule cette confiance réalise notre absolution ou notre justification, comme si ne pas le croire revenait à mettre en doute les promesses de Dieu, l’efficacité de la mort et de la résurrection du Christ.