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JUSTIFICATION, LA DOCTRINE AU CONCILE DE TRENTE
« erreurs » soumises le 30 au concile par les légats,

figure, sous le n. 7, la suivante : …dimissa peccala per justitiam Christi nobis, licet injustis, imputatam et justitiam aliam inhserentem non habentibus, p. 282.

De fait, les Pères furent d’accord, d’après le résumé de Massarelli, pour dire : Gratis (homo) justifteatur a Deo non per imputatam sibi justitiam Christi solum, sed per gratiam inhwrentem, qinr sibi donatur, in)unditur et fit propria, ila ut illa justus efficiatur, p. 337. Les canons 4-7 du premier projet, déposé le 24 juillet, parlent, eux aussi, de donalio justilia ; et repoussent l’idée d’une justification comprise comme une dénomination tout extrinsèque : … tantum justum reputari et non justum fieri, ut ipsa justificatio sit sola imputatio justilia’… ; gratiam… nihil esse nobis inhærens vel nos informons, p. 386.

Mais, dans ces premières ébauches, on peut déjà remarquer la nuance très étudiée de cette formule restrictive : … non per imputatam justitiam Christi solum. N’est-ce pas dire équivalemment que, dans un certain sens, notre justice consiste en une imputation ? C’est bien de cette façon que l’entendaient quelques Pères, dont Massarelli exprime ainsi la pensée : Justificatio est justitis 1 Dei imputatio per Christum, p. 339. On retrouve très nettement cette conception jusque dans le projet du 23 septembre, rédigé sous l’inspiration de Séripando qui en fut toujours un des plus déteiminés partisans : Ejus enim (Dei) juslitia proinde nobis, quando juslificamur, communicatur et imputatur ac si nostra essel, p. 423.

Dans ces formules caractéristiques on saisit l’influence de ce système de la double justice qui avait été construit, dans les années qui précédèrent le concile, par l’école de Cologne et adopté par le cardinal Contarini.

b) Discussions sur la double justice. — Ainsi esquissée, la théorie de la double justice ne tarda pas à passer au premier plan, et ce fut le gros débat du concile.

Car les discussions qui s’étaient produites à son endroit parmi les théologiens allaient reprendre au sein de l’auguste assemblée. Hefner, p. 209-244. Il est remarquable cependant que les deux évêques de La Cava et de Bellune, qui se signalèrent en défendant un autre élément du système, savoir la justification par la seule foi, col. 2179, ne se prononcèrent pas nettement sur la justice imputée. Hefner, p. 211. Mais cette conception trouva un zélé défenseur en la personne du général des augustins, Jérôme Séripando.

Ses dépositions du 13 et du 23 juillet trahissent déjà, bien que discrètement exprimée, une appréciation minimiste de la justice propre à l’homme, p. 335 et 371-375. Plus nette est sa pensée dans son brouillon du 19 août, p. 829, où, tout en reconnaissant que nous sommes vraiment justes et non pas seulement réputés tels, il tient à préciser, d’après les Pères, quod est juslitia et gratia Dei per Jesum Christum quodque ea vere justus est quicumque justus est. Aussi n’y est-il nullement question de justice inhérente, et pas davantage dans le projet du 23 septembre dont il fut le principal inspirateur. Cependant le texte en était encore trop formel à son gré et il intervint expressément, à la séance du 8 octobre, pour exposer le système de la double justice. Il ne faisait, eu cela que rapporter les vues (le ces piissimi et criidilissiini viri doclores quoque celeberrimi et catholici, qui les axaient exposées dans leurs écrits ; un peu plus loin il cite nommément Contarini, Cajétan, Pighius, Pflug et Gropper. Mais il tient a les défendre contre toute accointance avec l’hérésie. C’est pourquoi il supplie les membres du concile de prendre garde à l’importance « le la question et de songer, avant de condamner cette doctrine, au Jugement divin qu’ils devront subir un jour, p. 181) ISS.

Il semble bien que cette énergique intervention dut exciter quelque surprise, puisque les légats crurent bon de faire observer, à la séance du 12, que cette opinion n’avait rien de commun avec l’erreur des hérétiques. En tout cas, il fut décidé qu’elle ferait l’objet d’une discussion spéciale, p. 496-497, et Séripando lui-même fut chargé de poser les termes de la question qui devait être soumise aux théologiens, t. ii, p. 431. Son texte un peu modifié devint finalement celui-ci : Utrum justificalus qui operatus est opéra bona ex gratia… ila ut retinuerit inhærentem justitiam… censendus sit salisfecisse divinie juslitiæ ad meritum et acquisitionem ville seternse, an vero cum hac inhærenle justifia opus insuper habeat misericordia et justilia Christi… quo suppleantur defectus suæ justifia ?, t. v, p. 523.

Ces consultations commencèrent le 15 octobre pour se terminer le 26. Au rapport de Massarelli, 1. 1, p. 449, trente-sept théologiens prirent la parole au cours de ces dix séances. Sur ce nombre, cinq seulement se montrèrent favorables à la justice imputée : savoir les trois augustins Aurélius de Roccacontrata, t. v, p. 561-564, Marianus de Feltre, p. 599, Etienne de Sestino, p. 607-611 ; le séculier espagnol Antoine Solisius, p. 576, et le servite Laurent Mazocchi, p. 581586, qui dixerunt, résume Massarelli, p. 632, inhærentem justitiam non sufficere sed esse opus impulatione justitiee Christi. Tous les autres se prononcèrent contre, spécialement, à la séance du 26, le jésuite Jacques Lainez, p. 612-626, qui opposa douze raisons à la justice imputée et discuta un à un onze arguments de la thèse adverse.

Éclairés par ces débats, les Pères du concile ne firent guère qu’en reprendre les conclusions, du 9 novembre au 1 er décembre. Seul le franciscain Antoine de la Cruz, évêque des Canaries, tout en admettant unica… juslitia qua nos juslificamur, soutint, au sens scotiste le plus avancé, que cette justice ne nous est pas véritablement inhérente : Quæ juslitia non est ipsa caritas, sed est ipsa acceplalio et ipsa justificatio qua formaliter justi sumus… Non sumus justi caritale nobis inhærente, sed quia Deus acceptât nos in gratiam propler Christum, p. 654.

Aux deux séances du 26 et du 27 novembre, Séripando, qui n’avait pas caché son mécontentement du texte déposé le 5, où il croyait voir la « très pure justice du Christ… noyée dans le gouffre des inventions humaines, » t. ii, p. 430, intervint encore une fois pour préciser et défendre sa doctrine des deux justices. Il n’entendait pas parler des grands saints, mais des justes médiocres qui mêlent tant d’imperfections à leurs œuvres les meilleures, et il expliquait comment ils doivent compter, devant le tribunal divin, sur la justice du Christ qui leur est imputée plus que sur la leur propre. Cette justice d’ailleurs produit en nous un effet qui nous rend formellement justes ; mais ces deux principes restent différents, bien que très étroitement unis, de telle façon que nous devons toujours nous appuyer sur les deux, t. v, p. 666-675.

De ces discussions le concile retint qu’il y avait lieu de condamner la justice Imputée, comme l’indiquait le cardinal dei Monte, secundum assertioncm lurrclicorum, p. 633. Le projet du 5 novembre fut conçu dans ce sens, p. 636 : il est à peu près littéralement Identique au texte définitif, sauf l’incise augustinienne : … justilia Dei, non qua ipse justus est sed qua (corant ipso) justos facit, qui fut ajoutée le Il décembre.

p. 700, et soulagée le 23 du complément circonstanciel

coram ipso, p. 737. Quant à la condamnation plus nette de la justice imputée que demandaient plusieurs Pères,

p. 087 et 691, elle fut renvoyée aux canons 10 et 11. présentés à la séance du 15, p. 711, et. adoptés le

16 après quelques légères modifications, p. 722.

c) Doctrine conciliaire. — Au terme de cette minu-