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JUSTIFICATION, LA DOCTRINE AU CONCILE DE TRENTE


ressort que la justification n’est pas un acte purement négatif, sola peccatorum remissio, cf. can. 11, Denzinger-Bannwart, n. 821, et Cavallera, n. 892, mais une rénovation positive de notre état spirituel. Formule qu’on rapprochera du c. iv, Denz., n. 796, et Cav., n. 876, où la justification est définie, d’après saint Thomas, comme une trunslatio de l’état de péché à l’état de grâce.

Dans ce sens tout à fait général, le texte proposé ne pouvait soulever que des difficultés de rédaction, qui furent aisément résolues dans la séance du Il décembre, p. 700-701. La formule définitive est construite de manière à ne préjuger aucune opinion d’école, par exemple sur le rapport de la grâce et des dons, sur la relation logique entre la rémission des péchés et l’infusion de la grâce..Hefner, p. 258. Au rapport de Véga, op. cit., p. 52, les mots per vohmlariam susceptionem furent expressément introduits adversus dogma Lutheri asserentis etiam nolentes et reluctantes adullos justificari.

2. Causes de la justification.

Pour mieux situer

dans l’ensemble du champ dogmatique le concept ainsi défini, le concile continue par un petit développement sur les « causes de la justification », c’est-à-dire, en style d’école, les divers agents qui, à divers points de vue, interviennent pour la réaliser.

Hujus justificationis causse sunt, finalis quidem : gloria Dei et Christi ac vita seterna ; efficiens vero : misericors Deus, qui gratuito abluit et sanctificat… ; meritoria autem : dilectissimus Unigenitus suus Dominus noster Jésus Christus, qui… sua sanctissiraa passione in ligno crucis nobis justificationem meruit et pro nobis Deo Patri satisfecit ; instrumentais autem : sacramentum baptismi, quod est sacramentum fidei sine qua nulli unquam contigit justificatio. Demum unica causa formalis est justitia Dei, non qua ipse justus est, sed qua nos justos facit.

De cette justification voici les causes. Cause finale : la gloire de Dieu et du Christ et la vie éternelle ; cause efficiente : le Dieu de miséricorde qui nous purifie et sanctifie gratuitement… ; cause méritoire : son très cher fils unique Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui…, par sa passion très sainte sur le bois de la croix, nous a mérité la justification et a satisfait pour nous à Dieu son Père ; cause instrumentale : le sacrement de baptême, qui est le sacrement de la foi sans laquelle personne n’a jamais obtenu la justification. Enfin l’unique cause formelle est la justice de Dieu, non pas celle par laquelle il est juste en lui-même, mais celle par laquelle il nous rend justes.

Dès le 29 juin, les légats avaient interrogé les théologiens mineurs sur les « causes de la justification », t. v, p. 261. Et les réponses n’avaient pas manqué ; mais elles n’entrèrent pas dans les premières rédactions du décret, pas même dans le projet du 23 septembre, p. 423. C’est seulement celui de Séripando, en date du 31 octobre, qui commence à leur faire une place, p. 512. D’où ce paragraphe est passé dans le texte officiel du 5 novembre, p. 536. Il ne reçut dans la suite que des retouches insignifiantes. D’aucuns voulaient y faire entrer la foi, qui, plus qu’une simple disposition, leur paraissait être au moins un commencement de cause formelle. L’évêque d’Oporto y tenait avec beaucoup d’autres, et Séripando n’en était pas éloigné, p. 743. A un autre point de vue on discuta pour savoir si la « gloire du Christ » devait y figurer au titre de cause finale. Toutes ces questions furent réglées dans le sens actuel aux séances du 23 et du 28 décembre, p. 737-743.

Cette partie du décret fournit ce qu’on pourrait appeler le cadre général de la justiiication. Son principal intérêt est d’amorcer par symétrie l’exposé de la cause formelle ou essence de la justification qui suit immédiatement.

3. Essence de la justification — Il n’était guère de point plus discuté, soit par les protestants, soit même par certains théologiens catholiques. Après une longue élaboration, le concile aboutit au texte suivant :

L’unique cause formelle de la justification est la justice de Dieu, non pas celle par laquelle il est juste en lui-même, mais celle par laquelle il nous rend justes, c’est-à-dire celle qu’il nous donne et qui renouvelle l’esprit de notre âme, de manière à ce que non seulement nous soyons réputés justes, mais vraiment appelés et constitués tels par le fait que nous recevons en nous la justice… Quoique, en effet, personne ne puisse être juste que par la communication des mérites de la passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ, ceci se produit, dans cette justification du pécheur, de telle façon que, par le mérite de cette très sainte passion, grâce à l’Esprit Saint, la charité de Dieu se répand dans le coeur de ceux qui sont justifiés et leur devient inhérente. D’où il suit que, dans la jus, tification même, avec la rémission des péchés, l’homme reçoit en même temps, par Jésus-Christ auquel il est inséré, tous ces dons infus : la foi, l’espérance et la charité.

A ce chapitre se rattachent étroitement les can. 10 et 11, Denzinger-Bannwart, n. 820-821, et Cavallera, n. 792, qui indiquent à quelles conceptions le concile entend opposer sa doctrine.

Unica causa formalis est justitia Dei, non qua ipse justus est sed qua nos justos facit, qua videlicet ab eo donati renovamur spiritu mentis nostrae et non modo reputamur sed vere justi nominamur et sumus, justitiam in nobis recipientes. .. Quamquam enim nemo possit esse justus nisi cui mérita passionis Domini nostri Jesu Christi communicantur, id tamen in hac impii justificatione fit dum, ejusdem sanctissimae passionis merito, per Spiritum Sanctum caritas Dei diffunditur in cordibus eorum qui justificantur atque ipsis inhæret. Unde in ipsa justificatione cum remissione peccatorum hæc omnia simul infusa accipit homo per Jesum Christum cui inseritur : fidem, spem et caritatem.

Can. 10. Si quis dixerit hommes sine Christi justiati per quam nobis meruit justificari, aut per eam ipsam formaliter justos esse, anathema sit.

Si quelqu’un dit que les hommes sont justifiés sans fa justice du Christ par iaquelle if a mérité pour nous, ou que c’est par elle-même qu’ils sont formellement justes, qu’il soit anathème.

Si quelqu’un dit que les hommes sont justifiés ou bien par la seule imputation de la justice du Christ, ou bien par la seule rémission des péchés à l’exclusion de toute grâce et charité qui serait répandue dans leurs cœurs par l’Esprit Saint et leur deviendrait inhérente, ou encore que la grâce qui nous justifie est seulement la faveur de Dieu, qu’if soit anathème.

a) Première rédaction : Le problème de la double justice. — Ce n’est qu’après beaucoup de temps et de peine que fut arrêté le texte ci-dessus.

En effet, tout le monde voulait enseigner contre les protestants une justification effective du pécheur. Quoad nomen justi ficatio idem est quod justifactio, justificari idem quod juslum fieri coram Deo ; quoad rem autem justi ficatio est remissio peccatorum per graliam. Tels sont les termes dans lesquels Massarelli résume, t. v, p. 279, les dépositions, unanimement concordantes au fond, des théologiens dans les séances d’études tenues du 22 au 28 juillet. Et parmi les

. Can. 11. Si quis dixerit homines justificari vel sola imputatione justitiae Christi vel sola peccatorum remissione, exclusa gratia et cantate quæ in cordibus eorum per Spiritum Sanctum difundatur atque illis inhæreat, aut etiam gratiam qua justificamur esse tantum favorem Dei, anathema sit.