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JUSTIFICATION, LA DOCTRINE AU CONCILE DE TRENTE


spécialement en sa grâce rédemptrice ; sentiment du péché et crainte salutaire de la justice divine ; espérance en la miséricorde de Dieu et commencement d’amour ; détestation du péché par une sincère pénitence ; bon propos de recevoir le baptême et de mener une vie nouvelle conforme aux commandements divins.

a) Insuffisance de la foi. — De ce double texte l’intention ressort en premier lieu de marquer à la foi son rôle et de fixer en même temps qu’il s’agit de la foi théologique ou croyance, et non pas de la confiance mystique, fides fiducialis, dont parlaient les protestants. Voir Foi, t. vi, p. 56-84. C’est là que, « par suite d’une connaissance superficielle de saint Paul, quelques Pères s’approchèrent fâcheusement des conceptions luthériennes, » Hefner, p. 147-148, en croyant pouvoir se contenter de cette foi pour la justification. « Après que Dieu a éclairé notre intelligence, expliquait, à la session du 6 juillet, Thomas Sanfelice, évêque de La Cava, qu’il a rectifié notre volonté et nous a donné cette foi vivante qui entraîne avec elle l’espérance et la charité, il n’attend pas pour nous justifier que nous fassions un acte d’espoir ou d’amour. Mais, dès que l’intelligence s’est ouverte par la foi au mystère de la Rédemption et que la volonté s’est persuadée par la foi de la miséricorde divine au point de n’en pouvoir plus douter, aussitôt les péchés sont remis et l'âme rétablie dans la grâce de Dieu… D’un mot, l’homme est aussitôt justifié ; et cela se fait en dernier lieu par la foi, soit parce qu’il n’appartient pas à l’espérance ni à la charité qui accompagnent toujours cette foi de percevoir la miséricorde et la justice de Dieu…, soit parce qu’il a plu au Dieu tout-puissant de nous prévenir de ses dons… L’impie est donc justifié par la foi seule ; puis, ainsi transformé, il aime Dieu et espère en lui. » T. v, p. 295.

A la séance du 10, l'évéque de Bellune, Jules Contarini, neveu du cardinal, se fit le défenseur de vues toutes semblables qu’il tenait sans nul doute de son oncle, p. 325. Opéra nostra facla extra justificationem nullius esse ponderis, assurait-il. Tout ce qui regarde notre disposition au salut doit être laissé à la bonté et à la miséricorde divines. Il suffit à l’homme d’avoir cette foi vivante dont la charité est l’annexe : jam enim factus est fidelis et juslus ex eo quia Dei fldem accepil, per quam fidem applicantur ei mérita Christi. R. Seeberg a pris la défense de cette doctrine, qu’il trouve d’inspiration thomiste. Zeitschrift fur kirch. Wissenscha/t und kirch. Leben, 1889, p. 656-662. Au témoignage de Severoli, t. i, p. 88, elle choqua pourtant les membres du concile, dont quelques-uns allèrent jusqu'à parler d’hérésie, et l’auteur jugea bon de s’en défendre à la séance du 20 juillet, t. v, p. 364. On a vu plus haut, col. 2166, les incidents soulevés par Sanfelice, et R. Seeberg reconnaît, bien qu’on puisse l’expliquer, que cet auteur se rapproche davantage du point de vue protestant. Loc. cit., p. 663-666.

b) Bôle des œuvres. — C’est pourquoi l’assemblée décida d’affirmer le rôle des œuvres préparatoires à la justification et, pour le mieux marquer, d'énumérer au moins les principales.

Préparée par Séripando, dont le texte était cette fois plus bref, p. 829, la matrice du texte actuel est déjà constituée dans le projet du 23 septembre, p. 422423. Il fut successivement retouché dans les séances des 10, 13 et M décembre, p. 695 698 et 704-708, des 8 et 9 janvier, p. 763 et 776. Dans l’intervalle, on avait remplacé les substantifs per fidem, per spem, prévus tout d’abord, par les participes enduites, etc., qui

avaient l’avantage de ne pas préjuger l’existence <l<s

vertus infuses, on avait primitivement écrit que le

pécheur est justifié a Deo SOLO ; cet adjectif fut supprimé comme équivoque. En revanche, à per odium

on ajouta aliquod, p. 713, pour sauvegarder l’attrition ; mais un passage contesté sur la crainte de l’enfer et son rôle dans la vie morale fut remplacé par la formule plus atténuée : quo (timoré) utiliter concutiuntur. Voir Attrition, t. i, col. 2254-2255. On discuta fort pour savoir si la crainte précède l’espérance ou vice versa, p. 704-705 : le 14 décembre, l’archevêque d’Armagh soutenait encore que l’espérance doit précéder ; mais les prélats théologiens convinrent de donner le premier pas à la crainte, p. 708.

Thomistes et scotistes s’affrontèrent plus sérieusement sur la question de l’amour naturel de Dieu, de telle sorte que le commencement d’amour mentionné dans le projet du 23 septembre, p. 423, avait disparu dans celui du 31 octobre, p. 511, et du 5 novembre, p. 636. Il fut rétabli le 10 décembre, p. 695, et définitivement conservé : mais il n’y est question que d’un amour ébauché, diligere incipiunt, et l’on évite d’y parler d’un amour super omnia. Ainsi le concile se tenait, ici encore, au-dessus des controverses d'école. Voir Charité, t. ii, col. 2236-2251.

Les canons correspondants ne condamnent, eux aussi, que les erreurs protestantes sur l’extinction du libre arbitre, can. 5-6 ; sur la malice radicale de toutes les œuvres faites avant la justification, quacumque ralione facta sint, can. 7 ; sur le caractère coupable de la crainte de l’enfer, can. 8. Denzinger-Bannwart, n. 815-818 et Cavallera, n. 892.

De cette psychologie de la conversion prise dans son ensemble il est d’ailleurs entendu qu’elle représente une sorte de type abstrait, dont le concile n’a pas prétendu dire qu’il soit indispensable ni toujours réalisé. Ainsi en témoigne formellement Véga, Trid. decreti de juslificatione exposilio, Venise, 1548, p. 89 : Non ila patres harum sex dispositionum hoc loco meminerunt ut asserere voluerint eas omnes necessarias esse et neminem vel una earum déficiente justifleari. Neque eo animo eas ordine slatim expresso numerarunt ut eum ordinem semper servari a Deo aut a nobis crediderinl in prœparando nos ad gratiam. Noverant mine ordinem hune, nunc illum a Deo servari et mine pluribus, nunc paucioribus dispositionibus trahi peccalores et venire ad gratiam Dei.

Nature de la justification.

Plus encore que la

préparation de la justification, c’est sa nature même qui était mise en cause par la Réforme. Aussi le concile est-il particulièrement étendu sur cet article. Il fait l’objet du c. vu tout entier, Denzinger-Bannwart, n. 799-800, et Cavallera, n. 879-880, qui devient ainsi « le point culminant de tout le décret ». Hefner, p. 2 17.

1. Notion générale de la justification.

Tout d’abord le concile y pose une définition de la justification, qui anticipe sous une forme générale ce qui sera dit plus loin de son essence.

liane dispositionem seu præparationem justificatio ipsa consequitur, quac non est sola peccatorum remissio, sed et sanctificatio et renovatio interioris huminis per voluntariam susceptionem gratias et donorum, unde homo ex injusto fit jusi us. et ex inimico amicus.

Cette disposition ou préparation est suivie de la justification elle-même, qui ne consiste pas seulement dans la rémission des péchés, mais encore dans la sanctification et le renouvellement de l’homme intérieur par la réception volontaire de la grâce et des dons, par quoi l’homme d’injuste devient juste, et d’ennemi ami.

On ne trouve cette définition sommaire de la justification que dans le projet du 5 novembre, p. 636, et encore en quelques mots seulement qui furent un peu plus développés dans la suite, à la demande surtout de l’archevêque de Torrès, p. 64 i et 681. Elle est évidemment conçue pour exprimer en gros le concept catholique et l’opposer au système protestant. Il en