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JUSTIFICATION, LA DOCTRINE AU CONCILE DE TRENTE


nation et de la persévérance finale. Le concile tient à protéger contre toute « présomption téméraire » le mystère de l’une et de l’autre : Prædestinationis temerariam prxsumplionem cavendam esse, c. xii : De perseverantiæ munere, c. xiii.

Par analogie, les erreurs protestantes sur ces deux derniers points avaient été rapprochées, can. 15-17, de celles qui visent la certitude initiale de la justification, can. 14. Il ne restait plus au concile qu'à rejeter ici celles qui portent sur l’observation des commandements divins, can. 18-21, puis sur la valeur des œuvres morales qui sont le moyen d’obtenir le don de la persévérance et de réaliser notre accroissement spirituel, can. 22-26.

2. Récupération de la justification (c. xiv-xv). — Au lieu de ce perpétuel progrès que tout rend possible et nécessaire, c’est trop souvent la défaillance qui se produit. Voilà pourquoi le concile ajoute aussitôt le moyen de retrouver la grâce perdue par le péché : De lapsis et eorum reparatione, c. xiv. Simple esquisse de cette doctrine de la pénitence qui devait faire, cinq ans plus tard, l’objet de la session xiv (25 novembre 1551). Après l’avoir ici touchée en quelques mots, le concile écarte la conception protestante, qui solidarise tellement la justification et la foi qu’on ne perdrait jamais l’une sans l’autre. Ce qui lui fournit l’occasion de distinguer les deux plans de la foi et de la charité dans l'édifice surnaturel : Quolibet mortali peccato amitti gratiam, sed non fidem, c. xv.

Deux canons reprennent la condamnation de cette erreur, can. 27-28, tandis que les deux suivants visent celles qui portent atteinte au principe même de la récupération, can. 29-30.

4° Conclusion du décret : Fruits de la justification (c. xvi). — « Aux hommes ainsi justifiés, soit qu’ils aient toujours conservé la grâce une fois reçue, soit qu’ils l’aient perdue et recouvrée, » il reste à faire fructifier le don de Dieu par des œuvres saintes, dont la vie éternelle sera la récompense.

Par cette transition qui ouvre le c. xvi : De fruclu justificationis, hoc est de merito bonorum operum deque ipsius meriti ratione, le concile marque bien que cette doctrine du mérite est le couronnement de toute la foi catholique en matière de justification. Une fois de plus s’y affirme, dans la perspective du terme final, cette collaboration de Dieu et de l’homme qui est la loi de la vie spirituelle pour l’humanité régénérée par le Christ.

Les deux canons 31 et 32 vengent la notion du mérite contre les objections et préjugés des protestants.

Telle est « la doctrine catholique en matière de justification, » dont le concile de Trente, dans une antithèse expressive calquée sur la finale du symbole de saint Athanase, déclare en terminant qu’il est indispensable de la croire pour être justifié : …calholicam de juslificatione doclrinam, quam nisi quisque fidclilcr firmilerque reccperit justificari non poterit. A tous les canons qui ont condamné dans le détail les erreurs opposées le décret en ajoute encore un dernier, can. 33, qui tend à la couvrir contre un grief d’ensemble.

Si quis dixerit per hanc doctrlnam catholicam de justiflcatione, a sancta synodo hoc præsenti decreto expressam, aliqua ex parte gloria : Dei vel meritis Jesu Chri.stl Domlnl nostri derogari, et non potius verltatem fidei nostra :, Dei denique ac Christl Jesu gloriam illustrari, anathema

Ml.

Si quelqu’un dit que cette doctrine catlioliquede la justification, exprimée par le saint concile dans ce présent décret, déroge en quelque mesure à la gloire de Dieu ou aux mérites de Jésus-Christ Notre -Seigneur, et non pas plutôt qu’elle met en lumière la vérité de notre toi, la gloire do Dieu en lin et celle du Christ Jésus, qu’il soit anathème.

Le décret se clôt sur ces paroles solennelles, où le concile, en même temps qu’il énonce la suprême protestation de l'Église contre les calomnies passionnées de ses adversaires, dégage l’inspiration fondamentale et le but dernier de sa définition.

IV. PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS DU DÉCRET. —

Relever et commenter toutes les doctrines contenues dans un document d’une telle envergure équivaudrait à écrire un vaste traité De ente supernaturali. Plusieurs parties en ont été étudiées en leur temps aux art. Attrition, 1. 1, col. 2239 ; Foi, t. vi, col. 82, 280, 395 ; et surtout Grâce, ibid., col. 1569, 1608-1609, 1618-1619, 1626-1629, 1631-1635, 1640, 1654-1655, 1659, 1678, 1684-1685 ; Indifèles, t. vii, col. 1772-1779. D’autres le seront aux art. Libre arbitre, Mérite, Péché originel, Persévérance, Prédestination, Rédemption. Il nous suffit de noter ici les points qui précisent la tradition catholique sur la question proprement dite de la justification, à rencontre des innovations introduites par les premiers réformateurs.

Préparation de la justification.

 Un des points

fondamentaux de la Réforme était que la justification est absolument gratuite, sans autre concours de notre part que la foi, et que le libre arbitre y joue un rôle purement passif sous l’action de la grâce. Ce qui amène le concile à définir l'égale nécessité de la grâce et de notre libre coopération.

1. Question de principe.

Elle est tranchée auc. v, Denzinger-Bannwart, n. 797, et Cavallera, Thésaurus, n. 877.

Déclarât præterea (sancta synodus) ipsius justificationis exordium in adultis a Dei per Jesum Christum præveniente gratia sumendum esse, hoc est ab ejus vocatione qua nullis eorum exsistentibus meritis vocantur, ut qui per peccata a Deo aversi erant per ejus excitantem atque adjuvantem gratiam ad convertendum se ad suam ipsorum justificationem eidem gratiae libère assentiendo et cooperando disponantur.ita ut, tangente Deo cor hominis per Spiritus Sancti illuminationem, neque homo ipse nihil omnino agat inspirationem illam recipiens, quippe qui illam et abjicere potest, neque tamen sine gratia Dei movere se ad justitiam coram illo libéra sua voluntate possit.

En outre, le saint concile déclare que le commencement de la justification chez les adultes doit être cherché dans la grâce prévenante de Dieu par Jésus-Christ, c’est-à-dire dans cet appel qu’ils reçoivent sans aucun mérite de leur part, de telle sorte que, détournés de Dieu par leurs péchés, au moyen de sa grâce excitante et adjuvante ils se disposent à se tourner vers leur propre justification en consentant et coopérant librement à cette même grâce. Ainsi Dieu touche le coeur de l’homme par l’illumination du Saint-Esprit de telle façon que l’homme lui-même ne reste pas absolument inerte sous le coup de cette inspiration, car il peut aussi bien la repousser, et que cependant sans la grâce de Dieu il ne peut se mouvoir vers la justice devant lui par le libre effort de sa volonté.

L’objet de ce chapitre est visiblement double : c’est, d’une part, d’opposer à toutes les formes de seinipélagianisme l’initiative de la grâce divine ; mais, en même temps, d’affirmer contre les protestants la possibilité et la nécessité de notre libre coopération. Suivant son habitude, le concile indique à l’appui de cette doctrine deux catégories de textes scripturaires : les uns, tels que Lament., v, 21, qui soulignent la part de la grâce ; les autres, tels que Zach., i, : t, qui marquent celle de la liberté.

De ces deux points le premier ne souffrit pas de difficultés : V exordium jusliflcationis, comme au concile d’Orange l’inttlum fldei, ne pouvait qu'être reporté à Dieu. Pour bien préciser, le concile Introduit ici les termes de grâce prévenante ou excitante depuis longtemps adoptés par l'École.