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JUSTIFICATION, LA DOCTRINE AU CONCILE DE TRENTE


I. histoire du DÉCRET.

Il est peu de textes conciliaires qui aient été aussi longuement et aussi soigneusement élaborés que le décret du concile de Trente sur la justification. Tous les* documents en sont aujourd’hui à la portée de l’historien, depuis la publication intégrale des actes de la vie session, Conc. Trid., t. v, Act., pars 2 a, édit. Elises, Fribourg-en-B., 1911, p. 257-833, auxquels il faut ajouter de nombreuses pièces contenues dans les volumes consacrés aux diaires, spécialement t. ii, 1901, p. 428-432, et aux épîtres relatives à cette période, t. x, 1916, p. 531-789. Bien qu’il ait paru avant cette publication, le volume de J. Hefner, Die Enlslehung gseschichte des Trienter Rechtferligungsdekretes, Paderborn, 1909, écrit d’après les papiers du cardinal Cervino, reste indispensable et toujours très précieux pour débrouiller cette vaste matière. Il annulé en tout cas les vieilles esquisses de B. Seeberg, dans Zeitschrift fur kirchliche Wissenschafl und kirchliclies Leben, 1889, p. 546-559, 604-616, 643-700, et de W. Maurenbrecher, dans Hislorisches Tasclienbuch, 1890, p. 237-330.

Préparation du décret.

Dès le 30 janvier 1546,

le légat Marcel Cervino, cardinal de Sainte-Croix, qui devait être « l'âme du concile en cette matière, » Hefner, p. 33, écrivait à Borne qu’il lui paraissait opportun de mettre au programme de l’assemblée d’abord la question du péché originel, puis celle de la justification. Conc. Trid., t. x, p. 352 ; cf. p. 459 et 470. Le 13 mai, le cardinal Farnèse faisait, de son côté, savoir aux légats que le pape était impatient qu’on arrivât sans retard aile cose sustanliali corne è l’articolo délia giustificazione, p. 487. A quoi ceux-ci répondaient, le 19, que, per andare ordinatamente, il leur paraissait logique de commencer tout d’abord par le péché originel, p. 492 ; cf. p. 496 et 526.

Il en fut ainsi fait et ce décret préalable fut mis à l'étude, puis promulgué à la ve session (17 juin 1546). Dès le 21, les légats proposaient à l’assemblée d’aborder le point de la justification. Articulas… salis difficilis, observait le cardinal Cervino, cum alias decisus non fuerit in conciliis. Conc. Trid., t. v, p. 257. Quelques évêques inclinaient à attendre l’arrivée d’un plus grand nombre de prélats, per essere (queslo punlo) il più importante che si possa traltare in queslo concilio, t. x, p. 532. Ils se rendirent pourtant aux raisons des légats et adoptèrent, tutti ad unum, le plan proposé, t. v, p. 357-360.

1. Préparation éloignée.

Très sagement, l'évêque de Belcastro avait demandé que, pour ne pas se perdre en disputes inutiles, la question fût d’abord soumise à des spécialistes. Cervino décida, en effet, qu’on commencerait par entendre les théologiens : ante omnia theologi minores audientur quibus aliqui articuli proponentur hanc materiam comprehendentes. Ibid., p. 260. Ces « articles » furent au nombre de six, qui portaient sur la notion de la justification, ses causes du côté de Dieu et de l’homme, le sens de l’expression justificari per fidem, la valeur des œuvres ante et post, les circonstances antécédentes, concomitantes et subséquentes de la justification elle-même, les autorités scripturaires et traditionnelles relatives à ces divers points. Ibid., p. 261. « Et parce que l’importance de ce concile en matière dogmatique, dépend principalement de cet article, » les légats suppliaient le pape de le faire étudier également à Borne par ses propres théologiens, t. x, p. 532.

Les consulteurs conciliaires ne tinrent pas moins de six longues séances du 22 au 28 juin, t. v, p. 262-281, per essere la maieria importante et di lunga discussione, comme en rendaient compte les légats, t. x, p. 536. Trente-trois docteurs de tous les ordres y prirent part : seuls les mémoires du jésuite Alphonse Salmeron et du franciscain Antoine de Pignerol, celui-ci naturelle ment d’inspiration scotiste, se sont intégralement conservés, t. v, p. 265-272 et 275-277.

Dans l’ensemble, les réponses furent concordantes ; mais deux augustiniens, Grégoire Perfecto de Padoue et Aurélius de Boccacontrata, soutenus par le dominicain Grégoire de Sienne et le servite Laurent Mazzochi, se distinguèrent des autres en soutenant que le libre arbitre ne concourt à la justification que mère passive et semblèrent diminuer en conséquence le mérite des œuvres. Qui non satis videntur catholice loculi, note le secrétaire Massarelli. Le dominicain Jean d’Udine se joignit à eux pour dire que « la -foi nous justifie, parce que nous sommas justifiés quand nous croyons fermement recevoir la rémission de nos péchés par les mérites du Christ. » Ibid., p. 280. Doctrines qui paraissent offrir « une certaine parenté avec les conceptions protestantes, » Hefner, p. 91, et que les légats jugèrent, en tout cas, défavorablement. Mais l’ensemble de la discussion, à laquelle beaucoup d'évêques avaient assisté, leur paraissait propre à jeter « une grande lumière » dans l’esprit des prélats appelés à trancher la question. Lettre du 1 er juillet, t. x, p. 516. 2. Préparation prochaine.

Aussi, dès le 30 juin,

les légats proposaient-ils au concile un programma en trois points : première justification ou passage de l’infidélité à la foi, deuxième justification ou conservation et développement de la première, troisième justification ou recouvrement de la grâce perdue par le péché. Chacun était accompagné de brèves formules où étaient condensées les erreurs, en tout vingt-deux, soumises à l’examen des Pères, t. v, p. 281-282.

Approuvé à la réunion générale du 30 juin, ibid., p. 282-285, ce programme fut aussitôt mis en discussion. Tous les prélats devaient donner individuellement leur avis : beaucoup lurent des déclarations écrites, plus ou moins étendues ; mais d’autres se contentèrent de se rattacher en quelques mots à l’un ou l’autre des préopinants.

Les délibérations sur le premier point remplirent huit assemblées du 5 au 13 juillet, ibid., p. 286-336, coupées, le 8, par la réception des ambassadeurs de France et le discours de Pierre Danès, p. 309-316. D’importantes communications doctrinales y furent faites : le 5, par l’archevêque de Matera, p. 287-291 ; le 6, par l'évêque de Feltre, p. 296-298 ; le 7, par les évêques de Vaison, p. 299-302, et de Motula, p. 302308 ; le 10, par les évêques de Badajoz, p. 322-324, et de Bellune, p. 325-327 ; le 13, par le général des augustins, Jérôme Séripando. p. 332-336. Ce dernier fut particulièrement remarqué, bien qu’il manifestât déjà sa tendance à réduire la part de l’homme au profit de la grâce. Hefner, p. 93. Ces divers avis furent résumés à la séance du 14, t. v, p. 337-340.

Pour aller plus vite en besogne et rédiger le décret ainsi préparé, le concile désigna, le 15, une commission de quatre membres. Bobert Vauchop, archevêque d’Armagh, et Benoît de' Nobili, évêque d’Accia, obtinrent chacun 19 voix ; Jacques Jacomelli, évêque de Belcastro, fut élu par 23 suffrages et Cornelio Musso, évêque de Bitonto, par 40. Ibid., p. 310. Entre temps, les délibérations se poursuivaient sur la deuxième et la troisième justification, qui occupèrent encore huit séances, du 15 au 23 juillet. Ibid., p. 340378. Ce furent le plus souvent les mêmes orateurs qui eurent l’occasion de s’y distinguer.

Un incident tragi-comique interrompit la gravité de ces échanges de vues. L'évêque de La Cava, Jean Thomas Sanfelice, qui avait soutenu, le 6 juillet, que nous sommes justifiés per solam fidem, p. 295, reprit la parole, le 17, pour maintenir son opinion, p. 317, et remit un mémoire écrit dans ce sens, p. 352-351. Indigné de ces propos, qu’il avait déjà blâmés en parI ticulier, l'évêque de Chiron, Denys Zannettino, sur-