Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.2.djvu/376

Cette page n’a pas encore été corrigée
2161
2162
JUSTIFICATION, OPPOSITION CATHOLIQUE A LA RÉFORME


ꝟ. 163 v°. Aucun de nos actes ne peut être vraiment cause de la justification : toute notre confiance doit reposer en Jésus et les plus grands saints ne cessent pas de se dire à bon droit des pécheurs. La foi ellemême ne nous justifie que parce qu’elle nous met en mesure de recevoir la divine miséricorde. Elle nous tourne vers Dieu et nous invite à pratiquer sa loi : ce qui nous manque à cet égard est suppléé par la foi qui nous applique les mérites du Christ.

D’où il suit que la vraie cause efficiente de notre justification, c’est Dieu seul. La cause formelle est sa propre grâce ou son amour qui vient renouveler notre cœur : …graiiam Dei nos innovanlem, quæ proprie causa formalis justificationis est, accipiamus, ꝟ. 167 v°. Quant à la foi au Christ, elle joue le rôle de cause instrumentale. La justification ainsi produite nous infuse au cœur une véritable charité et se traduit en œuvres méritoires : malgré leur imperfection, nous devons être assurés qu’elles sont agréables à Dieu à cause du Christ en qui elles sont faites. Gropper ne cesse de reprocher aux protestants de réduire la justification à une simple imputation et de rejeter, en conséquence, les œuvres de la foi avec celles de la loi. Mais il admet que nous soyons justifiés sans celles-là : Constat… operibus noslris causant justificationis delrahi et recle ac vere dici nos sine operibus juslifîcari, ꝟ. 171 v°.

Cette doctrine est par lui reprise et plus clairement résumée dans son Antididagma, f° Il v°-15 v°. Dieu y est toujours donné comme la seule cause efficiente de notre justification : nos actes sont seulement des causse dispositivse et susceptivæ. Quant à la cause formelle, c’est-à-dire l’essence propre de la justification, elle est double. C’est, d’une part, la justice même du Christ en tant qu’elle nous est imputée : Justificamur a Deo justitia duplici tamquam per causas formates et essentiales. Quorum una et prior est consummala Christi justitia…, quando eadem nobis, dum tamen fide apprehenditur, ad justiliam imputatur. Telle est la cause principale, præcipua et summa justificationis nostrse causa. Mais, en même temps, il y a place aussi pour une justice qui nous devient inhérente. Aliter vero justificamur formaliler per justiliam inhserenlem, quæ… remissione peccalorum simul cum renovalione Spiritus Sancti… nobis donatur, injunditur et fit propria. Justice toujours imparfaite et qui ne saurait être notre principal appui : cui…, quod sit imper jecta, non innilimur principaliler, ꝟ. 13 v°. Cf. Dôllinger, Die Rejormation, t. iii, p. 309-310.

Il y aurait donc lieu de distinguer deux éléments dans l’acte total de la justification : l’un intrinsèque et déficient, le seul qui nous soit propre ; l’autre extrinsèque et imputé, savoir la justice même du Christ qui vient s’ajouter à la nôtre et en suppléer les défauts.

2. Appréciation.

Dès l'époque, cette doctrine fut suspectée de connivences, au moins involontaires, avec le protestantisme et l' Enchiridion finit par être inscrit au catalogue de l’Index. Gulik, op. cit., p. 53-57. h' Antididagma fut censuré par l’Université de Louvain, le 9 juillet 1544, spécialement pour avoir enseigné que nos péchés nous sont remis per imputationem justitia ; Christi, que celle-ci nous est obtenue par la foi tamquam per causam susceplivam, que nous sommes justifiés par la justice du Christ tamquam (per) causam formalem potiorem, alors que la justitia inhærens ne serait qu’une sorte d’indice secondaire, une garantie d’expérience intime que la justice du Christ nous est imputée : tamquam inleriori quodam expérimente ceriificamur nobis… dimissionem peccalorum jactam et Christi consummalam justiliam imputari. Pièces éditées par Fr.Dittrich, Lovaniensium et Coloniensium theologorum de Antididagmate Joannis Gropperi judicia, Braunsberg, 1896, et résumées dans Gulik, op. cit., p. 102-105.

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

Gropper se défendit contre ses censeurs. Mais, quand sa doctrine fut portée au concile de Trente par Séripando, elle y fut l’objet d’une réprobation unanime, bien que le respect dû à l’auteur pour ses éminents services lui ait évité toute espèce de condamnation. Et. Ehses, Johannes Groppers Rechlferligungslehre auf dem Konzil von Trient, dans Rômische Quartalschri/l, t. xx, 1906, section d’histoire, p. 175-188. Il n’en sentit pas moins l’obligation d’abandonner ses positions anciennes, ainsi qu’il ressort de la lettre qu’il écrivit en 1552 à l'évêque Pflug de Naumbourg, qui l’avait questionné à ce sujet, Chr. G. Millier, Epistulse… ad Julium Pflugium, Leipzig, 1882, p. 114-116, encore que, dans cette lettre même, il nourrisse la suprême illusion de se croire d’accord avec l’esprit, sinon avec la lettre, du décret conciliaire.

Doctrine de Conlarini.

Légat pontifical à la

conférence de Ratisbonne, Contarini y eut l’occasion d’approcher les théologiens de Cologne et le thème de la justification tint une grande place dans leurs doctes entretiens.

A Pighius il adressait des observations très pénétrantes sur sa théorie, qu’il combattait au nom des principes mêmes par lui reconnus : savoir esse quoddam immanens per modum habitus infusum nobis divinilus quo ut forma quadam quæ menti inhæret vivimus vila christiana, et encore quod id animée inhærens a Deo inditum sit justitia qua possimus dici formaliter justi. Cette double notion, qu’il établit rapidement sur l'Écriture, la philosophie et les Pères, lui paraît atteindre la thèse fondamentale du maître de justitia qua sumus justi apud Deum quam tolam constituis extra nos in Christo. Lettre n. 88, dans Fr. Dittrich, Regesten und Briefe des Card. G. Conlarini, Braunsberg, 1831, p. 349-353.

Cette attitude de critique très avertie à l'égard du système n’a pas empêché Contarini d’en subir l’influence dans son propre traité sur la question.

1. Exposé.

Après avoir donné la définition des divers termes qui interviennent dans le problème, l’auteur aborde la justification proprement dite : ea qua impius adultus-ex impio fit justus, Quirini, f° cch. De ce changement l’Esprit Saint est la cause efficiente par le moyen des dispositions qu’il inspire à l'âme en vue de sa conversion. La principale est la foi, avec la confiance qui s’ensuit quod Deus remiltat peccata et jusliftcet impium per myslerium Christi. Quand cette foi se traduit en charité, Dieu ne nous donne pas seulement l’esprit du Christ, mais le Christ lui-même, et nous impute sa justice : Donat nobis cum Spiritu Christi Christum ipsum et omnem justiliam ejus gratis… nostram jacit, nobis imputât qui induimus Christum, f° ccm. Ainsi la justification n’est pas due aux œuvres, mais à la foi, en ce sens que celle-ci est le moyen par lequel nous recevons celle-là. Non quod mereamur justi ficationem per fidem et quia credimus, sed quia accipimus eam per fidem. f° cciv. Ce qui permet de dire que la foi nous justifie, mais à titre de cause efficiente, non de cause formelle, f° ccv.

Le terme est une double justice : alteram nobis inhserentem qua incipimus esse justi…, alteram vero non inhserenlem, sed nobis donalam cum Christo, justitiam inquam Christi et omne ejus merilum, f° cciv. Bien entendu, la première est toujours imparfaite et ne doit pas être notre principal point d’appui : les saints nous donnent partout l’exemple de la défiance et de l’humilité. C’est la seconde seule qui peut nous donner confiance : Justitia Christi nobis donala est, vera et perfecla justitia… Hac ergo sola, cerla et stabili nobis nilendum est et ob eam solam credere nos justificari coram Deo, id est justes haberi et dici justes, f° ccvi.

Contarini emploie côte à côte les termes de justilia nobis donala et imputala. Mais c’est le second qui com VIII. — 69