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JUSTIFICATION, OPPOSITION CATHOLIQUE A LA RÉFORME


ficari necesse est. J. Fisher, a. 1, p. lxviii. Car, sans mettre en cause la première grâce, il reste toujours à se défaire des restes du péché. Ibid., a. 13, p. ccxxxix. Et chaque fois que nous sommes absous du péché, c’est pour nous une nouvelle justification. Cochlée, Philipp., iii, 40.

Non seulement cette œuvre est toujours inachevée, mais r.otre fragilité la rend incertaine pour nous. Certissima quidem est Evangelii promissio secundum se, sed incertvm nobis et singulis an ea promissione digni simus. Cochlée, ibid., 46. Et J. Fisher de montrer la contradiction de Luther, qui, d’une part, promet à la foi l’assurance du pardon, tandis que, d’autre part, il afilime que nous ne sommes jamais sûrs de ne pas pécher mortellement par strite de quelque secret orgueil, a. 35, p. dxxxiv. La vérité est dans une modeste confiance qui n’exclut pas le recours à la miséricorde de Dieu.

S’ils n’ont pas épuisé le problème de la justification, ces premiers controversistes ont du moins bien aperçu l’essentiel des erreurs protestantes et commencé à mettre en œuvre les éléments de la théologie traditionnelle pour les réfuter.

/ ; I. ÉCOLE DE COLOGNE ; THÉORIE DE LA DOUBLE JV&T1CE. — Plus original, et d’ailleurs beaucoup moins heureux, fut l’effort de l’école de Cologne, qui crut pouvoir gagner les protestants en s’établissant sur le terrain contestable et assez mal défini d’une double justice.

La première manifestation littéraire en est due à Jean Gropper, dans VEnchiridion christianæ instituiionis qu’il joignit à l’édition des canons du concile provincial de Cologne, Canones concilii provincialis Coloniensis…celebrati anno 1536, Cologne, 1538. Un petit chapitre y développe sa théorie spéciale de la justification, ꝟ. 163-177, système qu’il reprit bientôt dans son Antididagma seu christianæ et catholicæ religionis per rev. et M.. :. Eccl. Coloniensis canonicos propugnalio, Cologne, 1544. Mais il en devait les principes à son maître, Albert Pighius, qui les avait publiés seulement dans l’intervalle, Controversiarum pracipuarum in comiliis Ralisponensibus traclatarum… explicatio, ouvrage dédié à Paul III, édité d’abord en 1541, puis de nouveau en 1542. La justification y occupe la seconde controverse tout entière en 41 grandes pages non foliotées.

Aux mîmes influences obéit le « traité de la justification t composé à Ratisbonne, en 1541, par le cardinal Contarini, publié ensuite dans l’édition complète de ses œuvres, Paris, 1571, p. 588-596, et reproduit dans A. M. Quirini, Epistolarum Reginaldi Poli…, pars III, Brescia, 1748, f° cic-ccxvi. C’est d’après ces trois témoins que nous avons à reconstituer les grandes lignes du système.

Doctrine de Pighius.

Victime du nominalisme

alors régnant, A. Pighius ne concevait le péché originel que tomme la simple imputation qui nous est faite du péché d’Adam. Linsenmann, Alberlus ] J ighius und sein theologischer Slandpunkt, dans Theol. Quurtalschrifl, 1866, p. 623-624. Ce qui le préparait à porter le même extrinsécisme dans sa théorie de la justification.

1. Exposé, — Strictement parlant, la justice ne se trouve qu’en Dieu : en nous, elle ne peut jamais exister que dans une mesure imparfaite et par voie de participation ; mais celle-ci même est réduite par suite de notre incurable misère. Et l’auteur d’emprunter à l’Écriture les passages qui soulignent notre état de péché pour conclure : Verum reperietur de hac ipsa, quanwis imperjetia, justitia quod non justificabitiir in conspeetu Dei omnis vivens. Ne pouvant trouver la justice en nous-mêmes, nous sommes invités a la chercher dans le Christ, qui interpose ses mérites entre le jugement du

Père et nos péchés, nous couvre d’abord de sa propre justice et par là nous met à l’abri de la colère divine, puis nous communique cette justice et la fait nôtre. Ainsi couverts, nous pouvons nous présenter devant Dieu et, non seulement paraître justes, mais l’être en réalité. Car nos péchés sont ensevelis avec le Christ et nous renaissons assimilés au nouvel Adam. Mais de nous-mêmes nous ne sommes jamais rien qu’impureté : c’est le Christ seul qui est notre justice.

Pour nous en obtenir l’application, il ne suffit pas de la foi : il faut, en outre, le repentir, l’espérance et l’amour de Dieu qui en découlent. Non pas qu’il soit nécessaire d’accomplir tous les commandements : pourvu que nous soyons disposés à le faire, Dieu nous tient compte de cette bonne volonté et nous applique la justice du Christ.

On voit que Pighius tient à s’éloigner des protestants. Il leur reproche d’attribuer la justification à la foi seule, sans tenir compte des autres vertus. Mais il ne veut pas non plus que nous soyons justifiés par elles, pas même par la charité : nous n’avons, en somme, d’autre justice que celle du Christ. Illi sola fide, non charilate nos juslificari affirmant : nos contra dicimus nec fide nec charilate nostra nos juslificari ccram Deo, si formaliter et proprie loquamur, sed una Dei in Christo justitia, una Christi nobis communicala justitia, una ignoscente nobis peccata nostra Dei misericordia.

Même après la justification, si nos œuvres sont méritoires, c’est non ex ipsis aut ex nobis sed ex divina gratia, parce qu’elles sont enveloppées dans les mérites du Christ… Dei hominis meritis, quæ nobis ut membris ejusdem communicantur, quibus nostra involvuntur atque induuntur opéra. Ailleurs Pighius, acceptant une formule caractéristique des réformateurs, disait de nos œuvres qu’elles ne nous justifient pas, mais nous sont imputées à justice : …nec nos vere justificare, sed misericorditer et gratiose nobis impulari a Deo ad jusliliam. Ratio componendorum dissidiorum, Cologne, 1572, p. 524. Voir Linsenmann, loc. cit., p. 640-643.

2. Appréciation.

Cette doctrine est surtout importante par ses conséquences.

Au cours de tout son exposé, Pighius fait moins figure de théologien que de moraliste et de mystique, attentif à minimiser l’œuvre de l’homme pour faire mieux ressortir l’œuvre de Dieu. Le savant cardinal Quirini s’est employé à défendre l’orthodoxie de sa doctrine sur ce point. Epist. Reg. Poli, t. ii, Diatriba ad Epislolas, p. cxxx-cxxxix. Et l’on peut y trouver, en effet, un écho assez fidèle de ce mysticisme pessimiste que la tradition de saint Augustin entretint à travers le Moyen Age. Voir col. 2120 sq. Mais les contemporains en furent choqués et y soupçonnèrent des accointances protestantes. Ruard Tapper, Explic. artic. ven. Facullulis Louan., Louvain, 1557, t. ii, p. 32, et Vega.De justificatione, vii, 21, Cologne, 1572, p. 159.

Doctrine de Gropper.

Élève de Pighius, Jean

Gropper n’eut pas seulement l’honneur de porter les doctrines de son maître aux célèbres colloques de Ratisbonne (1541), pour en faire la base d’un accord avec les protestants. Voir V. van Gulik, Johannes Gropper, Fribourg-en-B., 1906, p. 71-85. Il en reprit en même temps l’exposé systématique et semble leur avoir donné une expression tout à la fois plus théologique et plus modérée.

1. Exposé.

A rencontre des protestants, il affirme que la justification doit signifier une réalité intérieure : Jusliliam Dei tmputaiioam a justitia bomv conscicnti : r… non esse discernendam. Mais il tient à distinguer entre la justice de l’homme et celle de Dieu : Secundum omnium veterum sententiam potius discernendam esse dicimus justitiam Dei a justitia humana. Enchir. »