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JUSTIFICATION, OPPOSITION CATHOLIQUE A LA RÉFORME


tiflcari, cumnon ignoremus sed faleamur aperle homines non per mérita sua sed per graliam Dei justiftcari et consequi remissionem peccatorum. Cochlée, Philipp., iii, 5, édition non paginée, Leipzig, 1534. Cf. ibid., 10 : Non enim ex noslris viribus, sed ex gralia Dei miserentis justificatio nostri est. La Con/utatio pontificia s’associe volontiers à l’art. 4 de la Confession d’Augsbourg pour condamner les pélagiens qui font fi de la grâce. Texte dans C. A. Hase, Libri sijmbolici, Leipzig, 1846, p. lvii. C’est dire que, du côté de l’homme, il ne saurait être question que de conditions préalables.

Parmi ces conditions le premier rang appartient à la foi, que Jean Faber appelle déjà « le commencement du salut ». De fide et op., i, 10. Cf.Wimpina, Anacephal, ii, 9, ꝟ. 87a : Fidem… inilium nostree salutis et auspicium jundameniumque agnoscere’debemus. Mais la foi seule n’est pas suffisante pour justifier le pécheur. Cet aspect de la doctrine luthérienne est celui qui a le plus frappé nos controversistes, qui abondent en développements pour la réfuter.

Quod… justificationem soli ftdei tribuunt ex diametro pugnal cum evangelica veritate opéra non excludente, prononcent les auteurs de la Confutatio, i, 6, p. lviii-Lix. .Un petit dossier de textes scripturaires et patristiques appuie cette affirmation. C’est aussi à l’exégèse fécondée par une dialectique vigoureuse que John Fisher demande de rétablir ici Y evangelica veritas. Sa thèse générale est celle-ci : Prseler fidem exiguntur etiam cetera cuncta sine quibus frustra de juslificatione quis gloriatur. Ces « autres choses » se ramènent à notre apport moral : la foi qui justifie est celle qui est féconde en œuvres ou bien, si parfois elle justifie toute seule, c’est qu’elle est déjà par elle-même un commencement de justice, qui doit d’ailleurs être ensuite consommée par les œuvres effectives : Quoniam poieslate quadam intra se continet opéra quæ nundum in lucem édita sunt iccirco per eam iniliari solum justus dicitur, non autem consummari. Assert, luth, conf., art. 1, édition de 1524, s. 1., p. lxiv-lxv. Cf. art. 11, p. ccxxvi : Aliud est fidem exigi et aliud hanc solam sufficere.

Toute la troisième philippique de J. Cochlée est consacrée à ce point fondamental, qu’il s’applique à éclairer par les Pères et la raison, en même temps qu’il le soutient par de vives polémiques contre le crimen falsi dont se rendent coupables les protestants, ibid., 32, et contre les funestes effets de leur doctrine. Ibid., 59-63.

b) Méthode. — Sans insister sur un thème aussi fécond, il peut être intéressant de noter les principes de méthode posés à ce sujet.

Pour rendre compte de la doctrine de saint Paul, Wimpina distingue entre justice commencée et justice consommée : la foi seule suffit pour celle-là, mais les œuvres sont nécessaires pour celle-ci. La grande erreur des protestants est, à son avis, de méconnaître cette distinction. Anacephal., ii, 9, ꝟ. 87 a-b, 91 6-93 a, dans Làmmer, p. 151-153. J. Fisher s’inspire de vues toutes semblables. Assert., art. 1, p. lxv-lxix.

La synthèse exégétique vient à l’appui de cette analyse théologique. Car Fisher, par exemple, lit dans saint Augustin que certains passages de saint Paul isolés de leur contexte ont donné lieu à nier la nécessité des œuvres, p. lxxvii et lxxx-lxxxi. Aussi s’applique-t-il d’abord à rétablir le sens exact de ces passages, où il est question d’oeuvres légales et non pas d’œuvres tout court, puis à éclairer saint Paul, soit par lui-même, soit par les autres livres de l’Écriture et en particulier par l’Épitre de saint Jacques, p. Lxxmi sq. : Projecto sane intelligendus est et omnino cum divo Jacobo conciliandus. Neque enim hos inter se dissidere, neque horum alterulrum non dixisse verissima cuivis opinandum est, p. lxxxii. Pour Faber égale ment. De fide et operibus, i, 11, saint Paul trouve en saint Jacques son « très fidèle interprète ». L’accord des deux apôtres est un des lieux communs de nos controversistes. Làmmer, p. 154-156.

A ces deux règles s’ajoute une observation tirée de l’ordre psychologique et moral : c’est que « la foi est elle-même une bonne œuvre, » Berthold, Teivlsche Theologey, iii, 7, édition Reithmeier, Munich, 1852, p. 25, et qui en entraîne d’autres. Sans doute la foi peut être morte et nos auteurs s’accordent pour soutenir la possibilité de la fides in/ormis. Làmmer, p. 144. Mais normalement « une bonne foi ne peut pas être sans de bonnes œuvres. » Berthold, ibid. Elle engendre la charité, et c’est par là qu’elle devient propre n^nt justifiante. Fisher, p. xcv ; cf. a. 6, p. clxxxvi ; a. 9, p. ccxxiii-ccxxiv, et a. 12-13, p. ccxxxiii-ccxxxvi. Dès le premier jour, la pensée catholique a refusé de consentir à la dissociation de l’ordre religieux et de l’ordre moral.

Nature de la justification.

Autant nos auteurs

abondent sur la doctrine des œuvres dans ses rapports avec la justification, autant ils sont brefs sur la nature même de celle-ci. Soit parce qu’elle ne leur paraissait pas encore caractérisée, soit pour tout autre motif, la théorie protestante de la justics imputée n’a guère retenu leur attention. Néanmoins on ne manque pas de recueillir chez eux l’écho indirect et dispersé de la foi catholique sur ce point.

C’est ainsi que Berthold expose comment l’âme justifiée passe de l’injustice à la justice, rappelant que le baptême a pour effet de la laver et justifier. Op. cit., iv, 1-2, p. 29-31. J. Fisher s’attache à établir que, si la concupiscence demeure dans l’âme juste, elle n’est pas un péché, art. 2, p. ex et cxxx : toute la coulpe de nos fautes est effacée par le baptême, p. cxxii et cxxxvi-cxxxvii. Sa principale autorité est saint Augustin, au nom duquel il explique combien sont diverses dans saint Paul les acceptions du mot péché. Sur la foi des Écritures, il oppose à Luther qu’il n’y a pas de non-imputation possible sans véritable pardon, ibid., p. cxlii : Deum non imputare cuique peccatum est eidem remiltere et ignoscere penitus. Mais le péché ne peut être remis que gratiæ pnesentia, a. 13, p. ccxxxviii. Nam has duas, hoc est graliam et culpam, simul cuiquam adesse nequaquam est pDSsibile, a. 17, p. cccii. Cf. a. 36, p. dcxii. Aussi la grâce est-elle synonyme d’un principe de rénovation spirituelle : per Christi graliam renovamur et justificamur, a. 2, p. cxv, qui est infusé dans notre âme, a. 17, p. cccix, et devient sa véritable vie, a. 36, p. DLn.

En même temps que la grâce nous sont infusés les vertus et les dons du Saint-Esprit. J. Cochléa, Philipp. , iii, 15 et 48 ; Faber, De fide et operibus, i, 6 ; Berthold, Teivlsche Theol., xci, 1, p. 629, et autres dans Làmmer, p. 137-138. C’est par là que l’âme justifiés peut devenir féconde en œuvres de salut. J. Cochlée s’indigne comme d’un « blasphème contre le Christ » à l’idée que le juste pécherait dans tous ses actes. Philipp., iii, 60-61. J. Fisher consacre à réfuter cette assertion luthérienne tout l’art. 31, p. cccclxxccccxcvi. Au contraire, la grâce qu’il a reçue doit fructifier en bonnes œuvres, que Berthold, op. cit., Lxxvii-Lxxviii, présente comme une véritable « dette », p. 533-548, que J. Fisher et les autres réclament, comme on l’a déjà vii, tout à l’heure pour la « consommation » de notre justice. D’ailleurs « tous les théologiens sont unanimement d’avis, tous proclament d’une seule voix que la vertu méritoire des œuvres a sa source dans la passion du Christ, » Hochstraten, Aliquot disput. cont. Luth., i, 5, 1, Cologne, 1526, ꝟ. 62.

Ainsi la justification est progressive comme notre vie. Quamvis fide viva et fertili quis juslificatus fuerit, tamen adhuc eumdem per opéra magis et magis justi-