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JUSTIFICATION, OPPOSITION CATHOLIQUE A LA RÉFORME


tisme ne se trouvaient pas encore en présence d’une doctrine nettement définie. Leur principal guide était la série des 41 propositions condamnées en 1520 par Léon X et la réponse apologétique opposée par Luther à la bulle de celui-ci. Or la justification ne s’y trouve pas directement touchée, encore qu’on l’y aperçoive à l’arrière-plan. En dehors de là, il ne restait, pour orienter leur elïort, que la connaissance personnelle des œuvres si toufïues où s’affirmaient les principes de la Réforme. Ce qui permet de comprendre que la doctrine de la justification ne soit guère chez eux l’objet que d’expositions occasionnelles, au milieu de beaucoup d’autres, mais suffisantes toutefois pour établir que l’essentiel du problème ne leur a point échappé.

Naturellement c’est en Allemagne que la controverse devait surtout se développer. Il y a peu à glaner dans les premiers écrits de Jean Eck, voir t. iv, col. 2056-2057 : mais on trouve déjà un chapitre sur la foi et les œuvres dans VEnchiridion controversiarum qu’il opposait, en 1525, aux Loci communes de Mélanchthon. Plus importante encore est la contribution fournie d’abord par Jacob Hochstraten, voir t. vii, col. 11-17, dans ses Cum divo Augustino colloquia conlra… Lutheri errores, 1522, et dans son petit traité spécial sur les bonnes œuvres publié sous ce titre : Calholicæ aliquol disputationes contra lutheranos, 1526 ; puis par Conrad Wimpina, dans sa volumineuse Anacephalœosis, publiée en 1528, où le livre IX de la deuxième partie traite De fide et operibus d’après la doctrine de saint Augustin.

A ces doctes représentants de l’École il faut ajouter les apologistes qui s’adressaient au peuple dans sa langue, pour le prémunir contre les nouvelles erreurs. Ainsi le dominicain Jean Dietenberger, voir t. iv, col. 756. dans les opuscules intitulés : Der Bauer. Obe die Christen mùgen durch iere gûlen Werk das lu/melreich verdienen, 1523, et encore Der leye. Obe der gelaub allein selig mâche, paru en 1524 avec une préface de Jean Cochlée ; le cistercien Berthold Pirstinger, évêque de Chiemsee, dont la Tewlsche Theologey, 1528, traduite en latin par l’auteur trois ans plus tard, est une véritable somme sur les matières de controverse. Voir Lâmmer, op. cit., p. 27-30.

En dehors de l’Allemagne, il faut signaler la Condemnaiio doctrinæ lulheranæ per Facultatem theologicam Parisiensem, du 15 avril 1521, texte dans Duplessis d’Argentré, Collectio judiciorum, t. n a, p. i-iv, cꝟ. 1. 1 a, p. 365 sq., rédigée par Josse Clichtoue. voir ici t. iii, col. 236-243, et surtout la célèbre Assertionis lutlicranæ conjutatio, 1523, due à l’illustre John Fisher, voir l. v, col. 2555-2561, évêque de Rochester et chancelier de Cambridge, dont on a dit qu’elle est la plus remarquable production polémique de la première moitié du xvie siècle. Lâmmer, p. 19.

Autour de la Confession d’Augsbourg.

Ces

efforts isolés prirent corps au moment de la fameuse diète d’Augsbourg, 1530, quand il s’agit d’opposer à la Confessio présentée au nom des protestants par Mélanchthon un exposé de la foi catholique.

Une commission de vingt théologiens, parmi lesquels figuraient la plupart des controversistes déjà nommés, fut chargée de ce travail. De leur collaboration sortit une Catholica et quasi exlemporanea responsio, qui suivait pas à pas la confession luthérienne et s’accompagnait de neuf appendices documentaires sur les erreurs de la secte. Ce document, parce que trop long et trop agressif, fut diversement remanié à quatre reprises pour aboutir à un texte définitif, qui fut accepté le 3 août et dont Jean Cochlée se bâta de faire un résumé populaire en allemand. Voir Lâmmer, p. 33-46, et Hefele, Hlst. des conciles, trad. Leclercq, t. vin b, p. 1117-112(1

Les novateurs étant restés irréductibles, la con troverse continua après comme avant. Aux champions déjà connus de l’orthodoxie s’ajoutèrent alors Jean Cochlée, voir t. iii, col. 264-265, avec ses quatre Philippiques. parues en juin 1531, dont la troisième répond aux art. 4-6 de V Augustana et porte, par conséquent, sur la justification ; plus tard, Jean Faber, qui devait devenir évêque de Vienne, avec son traité en trois livres De fuie et operibus, 1536.

Colloques postérieurs.

Malgré leur insuccès

immédiat, les conférences d’Augsbourg avaient amené les protestants à laire quelques concessions, dont leurs adversaires catholiques s’empressaient de profiter. C’est dans les années suivantes que l’évolution de Mélanchthon au sujet des œuvres, col. 2152, alla s’accentuant. En même temps, du côté catholique, quelques théologiens, soucieux de réaliser avant tout l’union de l’Église, s’ouvraient à l’idée qu’on pourrait s’accorder avec les luthériens en distinguant une double justice. Enseignée à Cologne par Albert Pighius et pleinement adoptée par son élève Jean Gropper, voir t. vi, col. 1880-1885, cette doctrine semblait offrir une possibilité de compromis.

Un nouveau colloque se tint, en effet, d’abord à Haguenau (27 juin 1540), puis à Ratisbonne (janvierjuillet 1541). Gropper en lut l’âme et, d’accord avec Bucer, élabora l’Intérim dit de Ratisbonne en vingt-trois articles, dont le cinquième est relatif à la justification. L’idée de la double justice en faisait les principaux frais : ce qui permettait de satisfaire les protestants en parlant d’imputation, moyennant quoi ceux-ci consentaient à entendre le fldes sola d’une foi vive et efficace. C’est au cours de ces tractations, auxquelles il assistait comme légat pontifical, que le cardinal Contarini, voir t. iii, col. 1615-1616, composa son Tractalus de justificatione, daté du 25 mai 1541, qui abondait complètement dans le sens de Gropper et obtint, entre autres, la haute approbation du savant cardinal Pôle. Voir sur ce mouvement Dôllinger, Die Rcjormation, t. iii, p. 308-322. Son ami Ant. Paleario poussait encore plus loin les concessions dans son Trattato utilissimo del beneficio di Giesu Christà, Venise, 1543. Lâmmer, op. cit., p. 66.

Cet accord hybride et quelque peu équivoque eut le sort qui attend en général ce genre de compromis : celui de ne contenter personne et d’être suspect à tous. Aussi, cinq ans plus tard, une nouvelle conférence s’ouvrait-elle encore à Ratisbonne (janvier 1546), où les interlocuteurs catholiques se tenaient fermement sur le terrain traditionnel. Dôllinger, op. cit., p. 322333. Il est vrai que, dans l’intervalle, étaient survenues les définitions du concile de Trente.

Au total, soit les controverses privées, soit les colloques officiels avaient eu pour résultat, sinon de ramener les dissidents, du moins d’attester l’existence d’un double courant dans la théologie catholique : l’un qui se contentait d’opposer aux erreurs protestantes la doctrine traditionnelle, l’autre qui cherchait à frayer entre les deux une sorte de via média. Ces deux tendances, si différentes par leur direction et si inégales dans leur valeur, doivent, de toute évidence, être étudiées séparément.

II, THÉOLOGIE TKAD1TIOSXELLE. — H. LàniIIUT,

op. cit., p. 137-176, a résumé en dix-sept thèses la doctrine de la justilication telle qu’elle s’exprime dans l’ensemble des controversistes énumérés ci-dessus. 11 suffit de les parcourir pour se rendre compte qu’elles représentent très exactement les positions du catholicisme en regard des innovations de la Réforme.

Conditions de la justification.

Leur principal

effort semble s’être porté surles causes et conditions de la justification — a) Doctrine. — Celle-ci n’est pas due à nos mérites, mais à la grâce de Dieu. Nusquam scribimus aut docemus Iwminem propler mérita sua jus-