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JUSTIFICATION, DOCTRINE DE LA RÉFORME


quam non suffuiat sola fides et lamen sola juslificel. La foi, en effet, doit être active ; elle a pour but les oeuvres : Juslitia fidei… ad opéra et propter opéra datur, cum sit res qutedam viva nec possit esse otiosa. Sermon du 1 er janvier 1517, édition de Weimar, t. i, p. 119. On ne peut pas plus les séparer que, dans le feu, la flamme et la lumière. Œuvres, édition d’Erlangen, t. Lxiii, p. 125. C’est dire que non seulement les œuvres accompagnent nécessairement la foi (nécessitas prœsenliœ), mais que normalement elles en découlent (nécessitas consequenlise).

Aussi Luther corrige-t-il la « liberté du chrétien » en ajoutant qu’il doit accomplir par une sorte de spontanéité d’amour cette loi à laquelle il n’est pas tenu. De lib. christ., 19-22, trad. Cristiani, p. 45-49. L’essentiel est que toute la valeur des œuvres soit due à la personne et non l’inverse. Ibid., 23, p. 50-51. Dans cette voie, il arrive à Luther de professer la nécessité des œuvres pour le salut : Propter hupocrilas dicendum est quod bona opéra sint etiam necessaria ad salutem. Disp. de just., dans Disputationen, édit. Drews, p. 47. Il est vrai que, plus loin, il ne veut plus entendre parler de nécessité à cause de l’idée d’obligation et de mérite qu’elle inclut. Ibid., p. 159.

Nulle part on ne saisit mieux le caractère de « cette nature impressionnable et versatile, dont l’éloquence unilatérale souligne avec le même exclusivisme tantôt un aspect et tantôt l’autre des choses. » Loofs, Dogmengeschichle, p. 782. Et l’on voit assez par là combien difficile est la tâche des apologistes, tels que K. Thiemc, Die sitlliche Triebkraft des Glaubens, Leipzig, 1895, p. 265-314, qui s’efforcent d’établir la vertu moralisatrice de la foi dans le système luthérien.

2. Mélanchthon et la Concession d’Augsbourg.

Au milieu de cette confusion, Mélanchthon s’employa à introduire un peu d’ordre et de clarté. Son humanisme le prédisposait d’ailleurs à une moindre sévérité envers la nature humaine.

Dès 1521, alors que toute sa pensée se développe encore dans le sillage de Luther, il ne veut pas séparer la foi des œuvres qui en sont le fruit : Summam habes vniversa’vitæ christianæ, ftdem cum (ruclibus suis. Loc. com., dans Corp. Re/orm., t. xxi, col. 182. Il est seulement bien entendu que c’est la foi qui fait toute la valeur des œuvres : Fides distinguit opéra. Ibid., col. 181. Aussi précise-t-il que seule la loi cérémonielle est abolie : le décalogue demeure donc en vigueur, sauf que l’âme régénérée l’accomplit spontanément et nécessairement sous la pression de l’amour divin qui vit en elle, comme la clarté du jour suit nécessairement le lever du soleil. Ibid., col. 199-200.

La même doctrine se traduit dans la Confession d’Augsbourg. Falso accusantur nostri quod bona opéra prohibeant, art. 20, 1, Millier, p. 44. On voit que le reproche n’est pas d’aujourd’hui. Pour y répondre. Mélanchthon évoque d’abord le fait des nombreux traités consacrés par les réformateurs aux diverses obligations du chrétien, dont il se plaît à opposer la haute Inspiration éthique aux puerilia et non necessaria opéra qui absorbaient jusque-là le zèle des moralistes et des prédicateurs. Mais autre chose est le fait de prêcher la morale, autre chose de la rattacher logiquement aux principes de la Kéforme.

Après avoir longuement exposé que les œuvres ne contribuent en rien à notre justification, qui demeure gratuite, Mélanchthon les réclame cependant parce qu’elles sont commandées par Dieu, Dorent nostri quod necesse sit bono opéra lacère, non ut confldamus per ea gratiam mereri, sed propter voluntatem Det. En effet, la foi donne le Saint-Esprit, grâce auquel l’âme est arrachée au joug (le Satan et revêtue d’affections nouvelles qui la rendent désormais capable de faire le bien.

l)c telle sorte que non.seulement la doctrine protes

tante n’est pas incompatible avec les bonnes œuvres, mais que seule elle expliquerait comment nous pouvons arriver à les produire. Hinc facile apparet hanc doctrinam non esse accusandam quod bona opéra prohibeat, sed multo magis laudandam quod ostendil quomodo bona opéra facere possimus. Ibid., 35, p. 46.

Ces principes assez peu explicites sont repris et développés dans VApologia, où il est exposé comment les œuvres sont fructus et testimonia fidei, m. 63, p. 119, parce que la foi qui régénère le chrétien est active et se traduit, en conséquence, par une nouvelle vie. Quia fides offert Spirilum Sanclum et parit novam vilam in cordibus, necesse est quod pariât spirituales motus in cordibus. Ibid., 4, p. 109. Cette vie nouvelle est d’ailleurs obligatoire, parce que la loi divine s’impose toujours au chrétien et lui devient désormais possible grâce au Christ qui vit en lui : Profitemur igitur quod necesse sit inchoari in nobis et subinde magis magisque fieri legem. El complectimur simul ulrumque, videlicet spirituales motus et exlerna bona opéra. Ibid., 15, p. 111. A cette raison de fond s’ajoutent quelques considérations secondaires, fournies par la psychologie religieuse. Sunt enim facienda opéra propter mandalum Dei, item ad exercendam fidem, item propter confessionem et gratiarum actionem. On peut même reconnaître à ces œuvres un certain mérite : Docemus bona opéra meriloria esse, non remissionis peccatorum, gratise aut justificationis…, sed aliorum præmiorum corporalium et spiritualium in hac vita et posl hanc vitam. Ibid., 68 et 73, p. 120.

L’essentiel est de maintenir que les œuvres suivent la foi, au lieu de la précéder, que par conséquent c’est dans celle-ci qu’il faut placer sa confiance et non dans celles-là. iv, 74 et 77, p. 100. Au nom de cette règle, l’auteur pense pouvoir rendre suffisamment compte des textes si nombreux où saint Paul, par exemple, m, 97-107, p., 123-125, et saint Jacques, iii, 123-132, p. 129-131, réclament l’accomplissement de la loi et la pratique des œuvres pour le salut.

3. Controverse antinomiste.

De ces divergences mal unifiées par la Confession d’Augsbourg, la première controverse antinomiste allait être une publique manifestation.

a) Origine. — La remarque a été faite depuis longtemps que Mélanchthon commença de bonne heure à quitter les voies du luthéranisme officiel. Une des formes de cette indépendance fut l’affirmation du libre arbitre, qui, dès 1528, le rapprocha d’Érasme. Loofs, Dogmengeschichte, p. 787-789. D’où cette doctrine du synergisme, affirmée dans les Loci communes de 1535, qui autorise et réclame, à rencontre du déterminisme orthodoxe, la collaboration de l’homme à l’action divine. Ibid., p. 845-816. Ces nouvelles prémisses métaphysiques ne pouvaient que donner à la doctrine des œuvres un plus grand relief, qui eut pour conséquence de l’exposer à une première et très grave contradiction.

D’une part, dans l’entourage de Mélanchthon et manifestement sous son influence, on voit s’affirmer une école d’extrême droite, que sa tendance rapproche, bon gré, mal gré, du catholicisme. Témoin la thèse, soutenue en juillet 1536 par Caspar Creutziger, d’après laquelle le Christ serait, dans l’affaire du salut, la causa propter quam, tandis qu’à côté d’elle nostra conlrilio et noster conatus sunt causalusti/icationis sine quibus non. On conçoit que les luthériens fidèles en aient manifesté de l’émotion. Voir la correspondance échangée à ce propos entre Conrad Cordatus et Creutziger, Corpus Reform., n. 1460 et 1561, t. iii, col. 1°>'J-Ki 2 et 350-351. Premier germe de la controverse antinomiste que les aimées suivantes allaient voir éclater.

Il n’est plus aujourd’hui contesté par personne que