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JUSTIFICATION, DOCTRINE DE LA RÉFORME


art. 18-20 relatifs au libre arbitre et aux bonnes œuvres. Ibid., p. 43-46.

De la Confessio augustana est inséparable YApologia qu’en écrivit tout aussitôt son auteur. Elle fut présentée à l’empereur le 22 septembre, comme réponse à la Confutatio pontificia dont il avait été saisi le 3 août, et publiée au printemps de 1531, avec de notables remaniements, en même temps que la Confession elle-même dont elle constitue le commentaire autorisé. Texte dans J. T. Muller, p. 71-291. L’article 4 de V Augustana y est longuement justifié au double point de vue polémique et positif, ibid., p. 86-109, sans préjudice des détails complémentaires provoqués par l’art. 2 : De peccalo originali, p. 77-86, et surtout par l’art. 3 : De dilectione et implelione legis, p. 109-152. Il suffit de songer aux nombreuses monographies protestantes consacrées à la doctrine de la justification d’après YApologia, bibliographie à la fin de l’article, pour se rendre compte de l’exceptionnelle importance qui revient ici à ce document.

Telles sont les sources principales auxquelles l’histoire peut demander l’expression authentique des conceptions luthériennes sur la justification. Elles offrent une double valeur puisqu’elles sont les symboles officiels de la Réforme et que c’est d’après elles que le concile de Trente a connu et jugé le système des novateurs.

Documents relatifs à l’Église réjormée.

En

regard de la théologie luthérienne, la théologie réformée n’est qu’un sous-produit dont le principal intérêt réside dans les confirmations qu’il apporte ou les comparaisons qu’il autorise.

Les premières positions officielles des îéfc-Mués sont marquées par les 67 articles de Zwingle (152.i), commentés par deux petits écrits postérieurs : la Ftae > xatio adressée à l’empereur Charles-Quint le 3 juillet 530, donc contemporaine de la Confession d’Augsbourg, et Y Expositio christianæ fldei, écrite par Zwingle peu de temps avant sa mort et publiée par Bullinger en 1536. Texte dans H. A. Niemeyer, Collectio con/essionum in ecclesiis re/ormatis publicatarum, Leipzig, 1840, p. 3-77. La Confession de Bâle (1532 ?), ibid., p. 85-104, et la première Confession helvétique de 1536, ibid., p. 115122, en sont directement inspirées.

Mais c’est à Calvin que la théologie réformée doit surtout son empreinte. Deux monuments caractéristiques de sa pensée remontent à cette époque primitive : Y Institution chrétienne, dont la première édition parut en 1536, et que son auteur n’a plus cessé de reprendre dans la suite, voir Calvin, t. ii, col. 1381, et le Catéchisme de Genève, publié peu de temps après pour donner au peuple l’esprit et les éléments de la nouvelle doctrine. Texte dans Niemeyer, p. 123-168. Sa destination populaire ne lui permet pas d’être autre chose qu’un écho atténué de Y Institution. Il faut donc chercher dans celle-ci la synthèse du système calviniste. Voir Calvinisme, t. ii, col. 1398-1399.

D’après ces diverses sources, dont les premières sont de beaucoup les plus importantes, nous pouvons reconstituer les traits distinctifs de la justification selon la nouvelle foi.

/II. exposé synthétique. — Comme la justification est le centre du christianisme, surtout dans la conception protestante, on ne saurait bien la comprendre sans rappeler les principes qu’elle suppose à titre de postulats.

Présuppositions théologiques.

Elles sont au

nombre de deux principales, qui marquent les deux pôles opposés du problème. Voir Th. Harnack, Luthers Théologie, Erlangen, 1862, t. i, p. 253-401, et mieux J. Kôstlin, Luthers Théologie, 2e édit., Stuttgart, 1901, t. ii, p. 110-172.

1. Péché originel.

C’est d’une part le péché ori ginel qui grève l’humanité et la rend incapable de réaliser les conditions du salut.

Par où il faut entendre une corruption radicale de notre nature, qui l’empêche de connaître et d’aimer Dieu, et la tourne, au contraire, vers l’appétit des créatures. Le libre arbitre, en particulier, n’existe plus en matière morale. Nulla est voluntatis nostrx libertas.., internos affeclus prorsus nego in potestate nostra esse, écrivait Mélanchthon dès 1521. Loci corn., dans Corp. Réf., t. xxi, col. 88 et 92. De son côté, Luther, de qui procédait cette doctrine, voir son Assertio omn. artic. per bullam damnatorum, art. 36, édition de Weimar, t. vii, p. 142-149, allait prendre la plume pour écrire contre Érasme son De servo arbilrio. où s’affirme le déterminisme théologique le plus complet. Analyse dans Loofs, op. cit., p. 757-760.

Le péché originel conçu avec ces terribles effets es., identifié à la concupiscence. Celle-ci nous apparaît dès lors, non seulement comme une peine ou une faiblesse, mais comme une véritable faute : elle est le péché originel vivant et subsistant en nous. D’où il suit que, même après le baptême, le péché originel n’est pas effacé et que notre nature est par là dans un état fondamental de corruption, qui la rend, non seulement incapable do tout bien, mais foncièrement coupable devant Dieu Seeberg, Dogmengeschichle. t. iv, p. 84-89 et 163-169. Voir Péché originel.

Telles furent, comme on l’a vu col. 2132, les découvertes de Luther et telles sont les positions qui s’affirment discrètement dans l’art. 2 de Y Augustana. Muller, p. 38. Le commentaire de Mélanchthon les rend explicites à souhait, Apologia, art. 2, ibid., p. 77-86, et Calvin ne fait que les reprendre avec la rigueur dialectique qui lui est propre. Voir Calvinisme, t. il, col. 1401-1403.

2. Rédemption.

A cette déchéance de l’humanité s’oppose la rédemption par le Christ, qui est venu réconcilier avec nous le Père justement irrité, se faire victime sur la croix et par là offrir à Dieu satisfaction pour nos péchés. Confess. Aug., art. 3, Millier, p. 39, et Apologia, ibid., p. 86. Et il faut ici rappeler en passant que le système fait consister la satisfaction du Christ dans sa double obéissance, active et passive : par celle-là il accomplissait la loi à notre place, tandis que par celle-ci il payait à la justice divine la dette de nos péchés. Ritschl, op. cit., p. 217-235. Voir Rédemption. Ce point est à noter pour comprendre le concept de justification qui en dépend.

Tous les protestants sont d’accord pour insister sur ce dogme, voir Zwingle, art. 1-21, dans Niemeyer, p. 3-7 et Fidei ratio, p. 19-21, comme pour s’en faire un monopole. C’est qu’il leur permet, en proclamant le rôle du Christ comme unique et nécessaire médiateur, en affirmant la pleine suffisance de son œuvre satisfactoire, d’exclure la part des œuvres humaines et de condamner la foi catholique comme entachée de rationalisme pélagien.

3. Plan divin du salut.

On ne donnerait d’ailleurs pas à ces thèses abstraites toute leur valeur si on n’ajoutait qu’elles commandent le plan divin du salut, qui à son tour sert à les illustrer.

L’apôtre saint Paul a décrit en traits vigoureux, Rom., c. i-m, l’impuissance à faire le bien, soit des gentils avec la seule loi naturelle, soit des juifs avec la seule loi mosaïque, pour faire éclater d’autant mieux l’universelle nécessité de la Rédemption dans le Christ. Cette vue religieuse de l’histoire a été reprise et exagérée en fonction de leur système par les protestants. Voir Mélanchthon, Apol., art. iv, Muller, p. 87-95. Ils y voient en acte dans l’expérience séculaire de l’humanité le drame de la justification qui doit se renouveler en chacun de nous : vanité et corruption de nos œuvres propres ; rôle accusateur de la loi, qui fait