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2119 JUSTIFICATION, LE MOYEN AGE : TRADITION DOGMATIQUE 2120

testants, on a souvent donné cette doctrine comme caractéristique de l’école franciscaine. R. Seeberg, op. cit., p. 415. De fait, Alexandre de Halès est formel là-dessus, Sum. theol., II a, q. xcvi, m. 1 : Noluit dure graliam nisi prseambulo merilo congrui per bonum usum naturee. Ce qu’il précise ailleurs en ces termes, III a, q. i.xix, m. 3, a. 3 : Non præcedit gratiam ut meritum seu meritoiïe… ; prævenit tamen actio illa gratiam ut disponens ad illam… Non præcedit ipsam sicat causa gratiæ sed sicut dispositio habiliians ad recipiendam graliam. Cꝟ. 111% q. lxi, m. 5, a. 3, et IV a, q. xvii, m. 5, a. 2. Voir Heim, op. cit., p. 71-74. Saint Bonaventure admet, lui aussi, le meritum congrui, comme étant aliqua dispositio congruitatis respectu cjus ad quod illa dispositio ordinatur, In II Sent., dist. XXVII, a. 2, q. 2, p. 6C5, et ne craint pas de l’appliquer aussitôt a la première grâce : Et sic peccator per bona opéra in génère facta extra carilatem meretur de congruo primam gratiam. Cf. ibicl., dist. XXIX, a. 2, m. 2, p. 703.

Mais on aurait tort d’imaginer, comme le font Seeberg, ibid., p. 415-416, et A. Harnack, Dogmengeschichte, t. iii, p. 643, une opposition de saint Thomas sur ce point. Le P. Stufler a pris soin de réunir, Zeitscliri/t fur kath. Théologie, 1923, p. 161-184, tous les textes où ce dicteur s’explique surla préparation loinlaine de la justification. Il résulte de cette enquête que saint Thomas admet l’adage Facienti quod in se est dès son Commentaire sur les Sentences, In II Sent. dist. XXVIII, q. i, a. 4, Opéra omnia, t. viii, p. 381, et qu’il le conserve encore dans la Somme théologique, I" II*, q. cxii, a. 3, en marquant bien qu’il s’agit d’un mérite de convenance : Yidetur enim congruum ut homini operanli secundum suam virtutem Deus recompenset secundum e.rcellentiam suse virtutis. Ibid., q. exiv, a. 3.

c) N iture des icwres préparatoires. - - Encore peut-on se demander s’il s’agit d’œuvres préparatoires purement naturelles. Ainsi l’entendent volontiers les historiens protestants, qui reprennent à ce sujet leurs accusations familières. Il ne s’agirait pas seulement d’un « erypto-semipélagianisme », mais d’un véritable « néo-pélagianisme ». Loofs, op. cit., p. 539-547. A. Harnack parle également de « semipélagianisme » à propos de P. Lombard, op. cit., p. 619, et laisse entendre dans la suite que le même reproche pèse à bon droit sur ses successeurs, ibid., p. 621-623 et 644, y compris Scot, bien entendu, mais encore saint Thomas, p. G50-054. D’autres ont rendu meilleure justice à la pensée médiévale et reconnu que tout le processus de la préparation à la grâce s’accomplit lui-même sous l’action d’une première grâce. Seeberg, op. cit., p. 404-405, 415-417, et Heim, p. 117122.

Ainsi Alexandre de Halès s’approprie ce mot de saint Augustin : Ipse ut velimus operatur incipiens qui volentibus cooperatur perficiens, qu’il commente de la sorte : Dicendum juxla auctoritates sanctorum quod liberi arbitrii conatus ad bonum otiosi sunt si a gratia non adjuvantur, nulli si a gratia non excilantur. Et parmi ces auctoritates, il se réclame, outre saint Augustin, de saint Anselme et de saint Bernard, à qui tes derniers mots sont empruntés. Sum. theol., III », q. lxix, m. 1, a. 2. Cf. S. Bernard, De gratia et libero arbitrio, xiii, 42, I’. I… t. clxxxii, col. 1021. Saint Bonaventure cite également le même texte, In II Seul., dist. XXVIH, a. 2, q. 1, p. 682, dont il adopte formellement la doctrine : Sine hac (gratia gratis data) concedendum est libcrum arbitrium nunquam sufficienter disponi nec posse se disponere ad gratiam gratum facienlem. Cf. In IV Sent., dist. XVII, pars i, a. 1, q. 2-3, et a. 2, q. 2-3, t. iv, p. 121-122 et 428-430. Voir également le petit irai lé De gratia et jusiifleatione hominis du franciscain Robert Grossetête, qui se I

résume en cette thèse : Nullum est bonum quod ipse (Deus) non velil esse, et ejus velle est jacerc ; non est igitur bonum quod ipse non facial…, sali’o tamen jure liberi arbitrii quod in homine creauit. Publié par Ed. Brown, Appendix ad fasciculum lerum expelendarum et fugiendarum, Londres, 1690, p. 282.

Dans ses écrits de jeunesse, saint Thomas d’Aquin ramenait volontiers cette grâce excitante, soit aux événements providentiels de la vie, soit au libre arbitre lui-même, qui est en nous un don de Dieu : Islam gratiam (gratis datam) ponere non videtur necessarium, nisi ipsa libertas arbitrii gratia dicatur, quæ procul dubio nobis a Deo est, vcl aliquie occasiones quæ quandoque dantur hominibus a Deo ad conversionem. In II Sent., dist. V, q. ii, a. 1, t. viii, p. 80. Cf. ibid., dist. XXVIII, q. i, a 4, p. 380-381 ; In I Sent. dist. XVII, q. a, a. 3, t. vii, p. 219 ; In IV Sent., dist. XVII, q. i, a. 1, sol. 4 et a. 2, sol. 2, t. x, p. 470172 ; De veritate, q. xxiv, a. 15, t. xv, p. 235.

-Mais, dans la suite, il précise que nos bons mouvements intérieurs procèdent d’un secours divin spécial. Quodl., i, a. 7, t. xv, p. 364, et In Rom., x, lect. iii, t. xx, p. 531. C’est cette doctrine qui est fixée dans la Somme théologique, I » -IIæ, q. cix, a. 6 : Ad hoc quod se præparet homo ad susceptionem (gratia’habitualis), … oportet præsupponi aliquod auxilium gratuitum Dei intrrius animam moventis sire inspirantis bonum propositum. Cf. ibid., a. 2-3 et q. exiv, a. 5. Sur son évolution à cet égard, voir Stufler, loc. cit., p. 161-184, qui ne craint pas de dire, p. 180, après Scheeben, Handbuch der kath. Dogmatik, Pribourg-en-B., 1878, t. il, p. 413, que le docteur angélique a commencé par se mouvoir « dans une ligne qui se rapproche notablement des erreurs semipélagiennes. ».Mais, au terme de sa pensée, la lumière s’est faite dans son esprit sur le caractère entièrement surnaturel des œuvres qui préparent le pécheur à sa justification, et c’est pourquoi F. Loofs lui fait la grâce de ne lui imputer qu’un « erypto-semipélagianisme. op. cit., p. 552. Ce qui est une manière embarrassée de reconnaître que saint Thomas est l’interprète correct et mesuré du catholicisme traditionnel. En quoi d’ailleurs on a pu voir qu’il est substantiellement d’accord avec toute la théologie de son temps. Voir les textes réunis dans Denifle, trad. Paquier, t. iii, p. 109-175, et Augtjsti NISMK, t. I, col. 2.~>.">.~).

Ici encore l’aristotélisme fournissait ses cadres aux docteurs chrétiens. Quand il veut préciser le rapport exact de nos œuvres à la première grâce, Alexandre de Halès parle de disposition, Sum. theol., IIP, q. lxix, m. 3, a. 3 : Prsevenit actio illa gratiam ut disponens ad illam. Ce qui s’entend au sens d’une disposition matérielle, comme de celui qui en se tournant vers le soleil se met en mesure de recevoir sa lumière. Ibid., m. 5, a. 3. Voir Heim, p. 115-116. Or saint Thomas, au moment où il accorde le plus à la nature, ne parle pas un autre langage : Sicut enim natura humana se habet in potentia materiali ad gratiam, ita actus virtutum naturaliùm se habent ut dispositiones materiales ad ipsam. In II Sent., disl. XXVIII, q. i, a. I. Aussi n’y a-t-il en définitive, entre nos dispositions et le don de la grâce, aucun rapport de nécessité, niais seulement un lien extrinsèque fondé sur l’immutabilité de la Providence divine. Sum. theol., Ia-IIæ, q. cxii, a. 3. Ce qui rentre encore dans le système aristotélicien : l’.tiam in rébus naturalibus dispositio materise non ex necessitute consequitur jonnam. nisi per virtutem agentis qui dtspbsitionem causal. Ibid., ad 3wn.

.’! " Chez les mastiques. - Au milieu d’un ensemble doctrinal aussi nettement caractérisé les mystiques feraient-ils exception ?

Renouvelant la tactique de Tertulllen, déjà les anciens protestants en appelaient à l’âme naturel-