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    1. JUSTIFICATION##


JUSTIFICATION, LE MOYEN AGE : TRADITION DOGMATIQTJ

2 ils

col. 210’.). Mais la majorité de l’École refusait de suivre te Maître des Sentences dans cette voie.

L’échelle des certitudes à cet égard est bien marquée par saint Bonaventure. II commence par établir quod graliu divina aliquid ponit circa gralificalum sive acceptation. La raison en est que la grâce, qui signifie une disposition bienveillante de la part de Dieu, doit répondre à une réalité et, comme cette réalité, quand il s’agit du pécheur, ne saurait être un changement en Dieu même, il s’ensuit qu’elle doit être un changement dans l’âme du justifié. Cum aliqais de novo incipit approburi vel aeceptari, et nulla cadit mutatio ex parte Dei acceptants vel approbantis, necesse est quad uliqua cadat mutatio ex parte aceeptati et approbati. Sed hoc non est quia aliquid ei aufertur : est ergo mutatio quia aliquod donuin sibi a Deo conjertur. In IV Sent., disl. XXYI, a. unie, q. i, p. 631.

Mais cette réalité est-elle aliquid creatum vel inerealum ? Le docteur séraphique connaît et respecte la diversité des opinions sur ce point : circa banc quæsttonem sapientes opinantur conlrarium sapienlibus. Il faut, d’après lui, tenir pour certain, au nom de la foi et de l’Écriture, que l’on ne peut plaire à Dieu sans le don de la grâce et que celle-ci vient du Saint-Esprit. Quant à la question de savoir s’il faut admettre en outre un don créé, elle relève de la libre discussion. Pour lui, il admet l’existence d’un don créé pour ne pas abaisser le rôle de Dieu : quoniam nec est possibile nec decens Deum esse jormam perfectivam alieujus creaturse. Et il ajoute ce renseignement précieux au point de vue historique, c’est que cette opinion est la plus commune dans son milieu : Doclores enim parisienses communiler hoc sentiunt et senscrunt ab antiquis diebus. Ibid., q. ii, p. 635.

Saint Thomas se rallie à la même conception. A la différence de l’amour humain, qui est provoqué par un objet préexistant, l’amour divin est créateur. Quamlibet Dei dilectionem sequitur aliquod bonum in creatura causatum quandoque, non tarnen dileetioni seternæ coxternum. Et ce « bien » ne peut être qu’une qualité, c’est-à-dire un principe permanent par lequel il est mû vers le bien surnaturel, comme il l’est vers le bien naturel par des formes inhérentes à son être. Crealuris autem naturalibus sic providel ut…etiam largiatur eis formas et virtutes quasdam qu.se sunt principia aetuum… Multo igitur mugis illis quos movet ad consequendum bonum supernaturede aiernum infundit aliquas formas seu qualilates supcrnaturales secundum quàs suaviter et prompte ab ipso moveantur ad bonum œternum consequendum. Où l’on voit que cette conception n’intéresse pas seulement la notion de la Providence divine, mais aussi celle de l’anthropologie surnaturelle. D’autant que cette qualité ne doit pas s’entendre seulement d’une vertu, mais d’une participatio divina naturse. Sum. theol., I » H*, q. ex, a. 1-3.

En vertu du même principe, il s’oppose nettement dans la suite à la conception de F. Lombard. Xullus actus perfecle producitur ab aliqua potentia activa nisi sil ei connaturalis per aliquam formam quæ sil principium actionis. S’il en est ainsi dans l’ordre naturel, l’ordre surnaturel ne saurait lui être inf rieur ; Unde maxime necesse est quod ad actum caritalis in nobis existât aliqua habilualis forma superaddita potentiæ nathrali, inclinons ipsam’ad caritatis actum. IIa-IIæ, q. xxiii, a. 2. Voir de même Qusest. disp., de caritale, a. 1.

De cette controverse et des précisions qui en furent la conséquence il y a lieu tout d’abord de retenir le scrupule avec lequel les docteurs du Moyen Age avaient soin de maintenir la réalité ontologique de la grâce et, par conséquent, de la justification qui en est le point de départ. Elle montre aussi comment l’ÉCole utilisait les cadres aristotéliciens pour exprimer la théologie du surnaturel.

4. Conditions de la justification.

Quoiqu’elle soit un acte proprement divin, la justification n’en demande pas moins une certaine préparation de notre part, dont le même système allait permettre de faire plus rigoureusement la théorie.

a) Nécessité d’un, - préparation humaine. - — Du moment que la grâce est conçue comme une forme, ce que le sens chrétien avait toujours affirmé devient une nécessité scientifique. Car la forme ne saurait être reç-e que dans une matière préalablement bien disposée. Heim, op. cit., p. 69-70. Aussi Alexandre de Halos enseigne-t-il, Sum. theol., II 1, q. xevi, m. 1 : Deus secundum legem communem requirit aliquam pnvparationem et dispositionem ex parle noslra ad hoc quod infundat alicui gruliam. Et ceci est une loi de nature ; car toute infusion de forme réclame, non seulement, à titre éloigné, une possibililas in maleria ail suscipiendam formam, mais encore des dispositiones quæ disponunt materiam ad susceptionem illius formæ. Ibid., I ! l, q. xi, m. 6.

Saint Thomas recueille le même principe, en précisant bien que cette préparation même est l’œuvre de Dieu. Agenr infinitif virtutis non exigit materiam vel dispositionem materiæ quasi prsesuppositam ex alterius causæ actione ; sed tamen oportet quod secundum condilionem rei causandæ in ipsa re causet et materiam et dispositionem debitam ad formam. D’où suit une importante distinction : c’est que la grâce habituelle, étant seule une « forme », demande seule une préparation du côté du sujet, tandis que la grâce actuelle, qui n’est qu’un secours, est due à la seule initiative de Dieu. Sum. theol., I a Ilæ, q. cxii, a. 2.

Cette préparation comporte une action volontaire de notre libre arbitre ; car Dieu meut toujours les êtres suivant leur nature. Et ideo in eo qui habet usum liberi arbitrii non fit molio a Deo ad justiliam absque motu liberi arbitrii, sed ita infundit donum gratiie justificantis quod etiam simul cum hoc movet liberum arbitrium ad donum gratine acceptandum. S. Thomas, ibid., q. cxiii, a. 3. Le premier mouvement du libre arbitre est de se tourner vers Dieu par la foi ; mais, sous peine d’être stérile, la foi doit être informée par la charité. C’est pourquoi elle s’accompagne d’un cortège d’autres vertus : crainte de Dieu, humilité, charité pour le prochain, contrition pour les péchés commis, ibid., a. 4-5. En un mot, toute l’activité morale de l’homme est requise pour attirer en lui le don divin.

b) Videur de lu préparation humaine. — D’où surgit la grosse question de savoir quelle est la valeur de nos actes humains en regard de la justification. L’École a connu l’adage traditionnel : Facicnli quod in se est Deus non denegat gratiam, qu’Alexandre de Halès semble rapporter à Origène, Sum. theol., IIP, q. lxix, m. 1, a. 1, et a pris soin d’interpréter : ce qui l’amenait à préciser la relation de nos œuvres naturelles par rapport à la grâce.

On avait pu reprocher à Abélard d’enseigner quod liberum arbitrium per se sufficit ad aliquod bonum, Denzinger-Bannwart, n. 373, voir Abélarp, t. 1, col. 47, et saint Bernard trouvait en lui comme un relent de pélagianisme. Epist., cxcii, P. L., t. clxxxii, col. 358. Par réaction, Pierre Lombard avait inséré dans ses Sentences nombre de textes de saint Augustin sur l’impuissance du libre arbitre et la nécessité de la grâce prévenante. II Sent., dist. XXVI, P. L., t. exen, col. 709-714. Mais il s’agissait de concilier ce principe avec cet autre non moins certain que la première grâce comporte et appelle même une préparation. L’École a utilisé pour cela la distinction entre le mérite de condigno et de congrue Voir Mérite,

Il est évident que la justification ne saurait être l’objet d’un mérite de condigno, qui suppose la grâce ; mais elle peut être méritée de eongrao. Chez les pro