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JUSTIFICATION, LE MOYEN AGE : TRADITION DOGMATIQ1 I.


concupiscence reste un mal que te mariage a seulement pour Imt d’atténuer et d’excuser. De suer.. Il, xr, 7. P. L., I. ci. xxvi, col. 194, n’en étudie pas expressément le rapport avec la grâce de la régénération. Des théologiens de son école le complètent sur ce point, en expliquant que la concupiscence demeure, non tamen ail reatum quia in his qui renati suul non imputatur. Sam. sent., III. ii, ibid., col. 107. Cl. Quiest. in Epist. Pauli, q. 159, P. /… t. clxxv, col. 171-472 : Xon plenarie adhuc ablalus [velus homo), porro secundum reatum originalem ci lato non imputât us ; Robert Pullus, Sent., ii, 27. V. ].., t. clxxxvi, col. 755 : Reatus erg.) originis, licei non habeat undc diluiilnr, luibet unde exeusetur. Voir encore ibid., vi, 1, col., sii : ’, , s(i l : Post baptismam… habet utique (homn peccatum concupiscentiæ et motuum, sed non imputafur. VA l’on voit combien est encore déficient ce concept d’une justification censée compatible avec un reste aussi effectif de péché.

Dans ces conditions, ce n’est plus seulement avant la grâce de la régénération, mais encore après, que l’œuvre humaine est foncièrement imparfaite et inadéquate aux vouloirs divins sur nous. Le contact de saint Paul était bien fait pour développer le pessimisme qui découle des princ pes augustiniens.

Ainsi, par exemple, Hervé de Bourg-Dieu, pour qui cependant universus reatus særamento baptismalis est solutns, appuie-t-il, après l’apôtre, sur le poids de la concupiscence qui ne cesse de peser sur nous, alors même que nous lui refusons notre consentement : Fil ex atiqua porte bonum quia concupiscentiæ malee non consent itur, et ex atiqua porte remanet malum quia eoncupiseitur… Quod donge in nobis eompleatur (ut non concupisceremus) semper nos debemus agnoscere peccatores et in bono imperjecto. Com.in Epist. ad Rom., vn, P. L., t. ci.xxxi. col. 692-693. Aussi insiste-t-il ailleurs ut quidquid habet homo non sibi sed Deo adscribat. ibid., iii, col. 639.

Le pessimisme est beaucoup plus accentué chez l’auteur anonyme de ces Qusestiones in Epistolas Pauli que tout le Moyen Age lut sous le nom de Hugues de Saint-Victor.

Il admet que « Dieu nous défend ce que nous ne pouvons pas éviter » (savoir la concupiscence) « et nous ordonne ce que nous ne pouvons pas accomplir » (savoir l’aimer de tout notre cœur) : en un mol, que, depuis la chute, l’homme reste impolens non concapiseere vel Deam per/eete diligere. Aussi n’y a-t-il pour lui d’autre ressource que de recourir à la miséricorde divine : Quid enjo restât nisi ut homo amplius de se non pro sumeiis ad gratiam Confugiai et dicat : Domine respomie pro me. In Rom., q. 17 : 5, 1’. I… I. clxxv, eo). 471-17.">. Cf. in Gal., q. 47, col. 565. Heureusement nous avons pour suppléer a noire déficit la grâce du Rédempteur : Quod minait agimus ip$e supplet et pro nobis respondet. In Rom., q. 188, col. 17<S. C’est la foi (pu nous l’approprie et Dieu nous l’impute à justice : liens per gratiam suam dot komini /idem, quant item />er eumdem gratiam reputai pro illa perfectione, ac si justifia perfeetionem haberet. Ibid.. q. loi. col 159.

b) Scolasliq’M nu 1 1 / s.iie. Mais l’École n’a pas persévéré dans ces voies où la grâce de la justification tendait : i nous devenir de plus en plus extrinsèque. Elle a progressivement élimine la concupiscence du

concept de péché originel, VOÎr Arcrsnisii. I. i, col., 530-2531, el conçu des lors la grâce comme une

puissance effective de régénération.

De cette Ihéologie plus optimiste sailli Thomas

d’Aqnin est le meilleur représentant. Après l’avoir longtemps ignoré, les protestants oui parfois entrepris de s’en réclamer et luthérien strasbourgeois

du xviie siècle. I (, . Dnrsche, écrivit un volume sous

ce titre tendancieux : Thomas Aquinas eon)essor veritatis evangeliese, Francfort, 1656. La doctrine de la justification y figure naturellement en bonne place, sert. vin. dist. u. p. 495-518, bien que l’auteur, au lieu de citer des preuves directes, ne fasse guère que se référer au témoignage des théologiens nominalisles, p. 512. qui mettaient leurs opinions sous le patronage de saint Thomas.

En réalité, celui-ci conçoit la justification comme une transformation profonde de notre être : transmutatio qua aliquis transmutatui a statu injustitis ad statum justifia per remissionem peeeati. Sum. theol.. D IP, q. cxiii. a 1. l’n peu plus loin, ibid., a. (i, il dislingue dans cet acte quatre éléments logiques : seilieet gratias infusio. motus liberi arbitrii in Deum per /idem, et motus liberi arbitrii in peecatum, et remissio cul pas. Or cette quadruple distinction est un élément traditionnel, qui se rencontre déjà chez Pierre de Poitiers, Sentent., t. III, c. ii, P. 1.., t. c.cxi. col. 1044, et Guillaume d’Auxerre Vo.r R. Seeberg, Dogmengesehiehte. t. iii, p. 422.

La rémission du péché en constitue l’aspect négatif. Car, rendue plus attentive depuis saint Anselme au poids du péché », Cor Deus homo, i, 21, P. L., L ci. viii, col. 393-394, l’École s’habituait à n’en plus considérer seulement la peine, mais aussi la coulpe. Voir Péché. Dès lors, la remissio peeeati, qui autrefois signifiait surtout l’adoucissement de la peine, Richard de Saint-Victor. De pot. ligandi et solvendi, 24. P. L., t. exevi, col. 117(>, s’applique maintenant à l’effacement de la faute, qui doit faire disparait re le désordre constitutif du péché. Et comme celui-ci consiste essentiellement dans une macula inlerior. Alexandre de Halès. Sum. theol., FV », q. i.xx, m. 2. ou encore dans un detrimentum nitoris, S. Thomas. Sum. theol., L II », q. i.xxxvi, a. 1, la rémission du péché doit s’entendre d’un acte divin qui efface la tache contractée et rend à l’âme l’éclat surnaturel que lui procure le rayonnement divin. Voila pourquoi la justification est et doit être, de ce chef, une modification ontologique de notre état spirituel, comme le précise fort bien saint Thomas, ibid., q. cxiii, a. ti : Jastifieatio es quidam motus quo anima movetur a Deo a statu eulpain statum justiliiv. lui quoi le docteur angélique est l’écho fidèle de la théologie du temps. Vote.1. Gottscllick, Zeitsehri/t fur Kirchenæsiiiiiiile. t. xxiir, p. 203-211. et K. Ileim, Dos Wesen der Gnode bei Alexundcr Ilulesius. p. 52-58.

Mai :, la justification comporte aussi le rétablissement de notre dignité surnaturelle. Cet aspect positif est réalisé par l’infusion de la grâce, el la grâce est conçue connue une réalité qui crée ou restaure eu nous la ressemblance de Dieu. Voir Grâce, t. vi, col. 16-12-1615. Qu’il suffise de citer Alexandre de Halès, Sum. theol., lit’, q, i.xi, m. 2, a. 1 : Gratin qua aliquis dieitur esse i/ralus lien neiessurin ponit aliquid bonum in i/rulificato quo est grains Deo : itlud autem quo est gratus Deo est itlud quo est dei/ormis rel ussimilatus Deo. Voir Ileim, op. cit., p. 50-52. Habitas tnfBSUS, enseigne saint Honavenluie en pariant de la grâce par opposition au péché, eoneurrit ad hoe quod fiai morbi curalio et imaginis reformalio. In II Sent., dist. XXVIII, a. 1, ([. 1, édition de Quaracchi, p. 676. Pour saint Thomas également, la grâce de la jusliliealion rentre dans la catégorie de la gratta ijratum læiens. parce que, dit-il, fier hane homo justifieutur et iliijnus elJieitttr voeari Deo i/ralus. Sum. theol.. L 1 1’, q, exi, a. 1, ad l » 1°.

(. Essence de la justification. — Un seul point de

pure spéculation avait suscité quelques controverses

dans l’I'.colc. depuis que P. Lombard avait compris la grâce connue une action directe du Saint Esprit dans l’âme sans intermédiaire créé. Voir ci-dessus