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JOB (LIVRE DE). UNITÉ FONDAMENTALE DU LIVRE

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expressément désignée dans xxv, 5a en parallélisme parfait avec les étoiles — ou astres dans 5b.

Il paraît plus logique d’admettre ici une réminiscence de l’antique croyance populaire — bien établie pour les Babyloniens — que les astres brillants du ciel étaient des êtres animés et constituaient les « armées » de Dieu de moitié avec les esprits célestes — cf. avec tant d’autres, le passage significatif de Juges, — v, 20 (cantique tic Débora) :

lies cicux combattaient les astres,

De leurs orbites ils combattaient Sisara…

réminiscence introduite non assurément par manière de doctrine, mais comme élément figuratif ou descriptif de comparaison littéraire. Deux et trois siècles après l’époque présumée du livre de Job, les rabbins auteurs d’apocryphes croient encore que les anges sont de nature ignée et astrale. Secrets d’Hénoch, 29 ; Apoc. de Baruch, i.ix, 11 ; que des astres ont enfreint les ordres de Dieu et en ont été punis, Hénoch, xviii, 13-16 ; xxi, 3-6 ; les anges-veilleurs de ces apocalypses, Hén., xii, 2-3 ; xx, 1. etc., sont les astres-veilleurs babyloniens, signes du zodiaque, Enuma élis, lab. iv, 139, que Nabuchodonosor voit et entend dans le songe de l’arbre. Dan., iv, 13 et 23, conçu de toute évidence à la manière babylonienne.

IV. Composition et histoire du livre. — Conclusions les plus certaines, ou les plus probables des études critiques, touchant l’unité fondamentale du livre de Job, l’âge et l’auteur du livre, son texte et ses versions.

Unité fondamentale du livre.

Le livre de Job a

résisté à toutes les tentatives de dislocation exercées contre lui en vue de prouver qu’il avait subi depuis sa rédaction première divers remaniements et d’importantes interpolations. La critique lui reconnaît volontiers aujourd’hui qualité d’œuvre solidement construite et parfaitement équilibrée dans toutes ses parties, où se rencontrent assez peu de gloses rédactionnelles et de minimes additions sans grande conséquence. La plus considérable de celles-ci se trouverait constituée par xli, 4-26 dans la description du crocodile, et encore peut-elle bien être attribuée sans difficulté à l’auteur même du livre. Voir, sur ces questions de caractère purement critique, Dictionnaire de la liible, t. iii, col. 1567-1568 ; Budde, Das Bucli Hiob, Gœttingue, 1913, p. xxi-xxix (Einleilung) et le commentaire ; Cornely, Introductio, 11, t. ii, p. 55-61.

La seule de ces questions qui pourtant nous intéresse particulièrement ici, à cause de son rapport étroit avec l’intelligence du livre, est celle de l’appartenance à l’œuvre primitive des discours d’Elihu, c. xxxnxxxvii. On admet néanmoins — voir les ouvrages ci-dessus mentionnés — que ces discours se relient aisément au reste du livre, et que leur forme au point de vue de la langue, du style, de l’ait oratoire ne fait plus difficulté. H es te leur contenu qui, dit-on : 1. ou bien les rend inutiles en eux-mêmes, 2. ou bien rend inutiles ceux de Jahvé, 3. ou bien contredit le dessein de l’auteur du livre de laisser non résolu pour les hommes le problème si longuement posé. Examinons i es arguments qu’apportent certains critiques.

1. Elihu est i le seul des interlocuteurs qui enseigne la valeur expiatoire et purificatrice de la souffrance, ou, du moins, qui l’enseigne expressément. » Le c. xxxin i apprend à reconnaître dans la souffrance une manifestation divine ayant pour but de purifier le souffrant. « Le c xxxvi, « qui s’applique spécialement a la souffrance du juste, l’apprend également. Or ces discours sont hors du sujet ; car ils supposent Job coupable, contrairement à la donnée du livre qui le

donne pour parfaitement Juste. De plus, ils sont Inu lile et n’apportent rien de nouveau, ni de concluant,

aux débats : partant de la culpabilité de Job, ils res" tent dans le ton de ceux des trois amis ; bien plus, Eliphaz a lui-même parlé de la salutaire efficacité de la souffrance :

« Oui, heureux l’homme que Dieu châtie.

Et qui ne méprise point cette leçon de Schaddaï !

Car II blesse, mais panse (les plaies),

Il frappe, mais de ses mains guérit. » v, 17-18 ;

et ce fait montre que l’auteur primitif n’envisageait nullement comme idée directrice de son œuvre la doctrine de la valeur purificatrice de la souffrance, puisque les discours des amis sont blâmés en tant qu’ils visent le cas de Job.

Le raisonnement est sans portée, ou, mieux, porte à faux. Car Job est devenu, au cours des débats, bel et bien coupable ; et, dans les chapitres sus-mentionnés, Elihu le dit : le patriarche a commis le péché d’orgueil, nommé « au c. xxxiii par manière d’exemple seulement et à propos des songes révélateurs, t. 17, mais au c. xxxvi reconnu comme étant le péché du juste et attribué expressément à Job » :

« Dieu ne se dispense point de juger les justes…

S’il charge de chaînes les rois (comme Job),

Les tient captifs aux liens de la souffrance ;

C’est pour leur dire ce qu’ils ont fait,

Leurs fautes, qui sont [’orgueil.

Il leur ouvre l’oreille à l’avertissement,

Ainsi leur enjoint de s’écarter du mal.

Que s’ils écoutent et se soumettent,

Alors ils finissent leurs jours en joie.

Et leurs années dans les délices.

Mais s’ils n’écoutent, ils vont au précipice,

Ils périssent dans la déraison…

Il libère le souffrant par sa souffrance,

Il se révèle à lui par l’affliction.

Ainsi te veut-Il hors de l’angoisse,

Non plus ù l’étau, mais au large,

A une table lourde de mets… » ꝟ. 7-12, 15-16.

Il est exact qu’Eliphaz parle, lui aussi, de l’efficacité de la souffrance ; mais il s’agit pour lui de la souffrance expiant des péchés d’action, non de pures dispositions intérieures, encore que coupables et répréhensibles, telles que l’orgueil ; et c’est ce qui fait qu’Eliphaz se place, à l’égard de Job, à un point de vue défectueux et inopérant, tandis qu’Elihu met le doigt sur la plaie et se trouve enfin poser la question sous son vrai jour, quelle que puisse être la valeur de la solution par lui donnée. Si les impies ne sont pas non plus sans concevoir de criminelles pensées — et selon Eliphaz, Job en aurait formulé de semblables :

« Et tu disais : Dieu, que sait-il.

Peut-il juger à travers le brouillard ?

Les nuées l’entourent, il ne voit rien… » xxii, 13-14.

il est trop clair qu’elles sont présentées ici uniquement en excuses des fautes auparavant énumérées, 5-9, comme le firent les pervers d’avant le déluge :

« Ils disaient à Dieu : Retire-toi de nous.

Que pourrait nous faire Schaddaï ?… » 17.

2. Les discours d’Elihu, s’ils renferment vraiment l’explication donnée à la souffrance du juste, et si Job c rend à celle explication, retardent ceux de Jahvé, leur enlèvent d’avance leur portée et dès lors les rendent inutiles.

Il n’en est rien, si justement l’auteur du livre a voulu, en plaçant cette explication dans la bouche d’un nouvel interlocuteur, Elihu, assurer mieux l’humble acquiescement de Job, retarder pour plus de vraisemblance dans l’action l’intervention de Dieu, donner plus (te saveur et de force aux paroles divines, sauvegarder même la suprême dignité du créateur en face de.lob orgueilleusement confiant en lui-même cl de ses amis non moins entichés de leurs opi-