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2107 JUSTIFICATION, LE MOYEN AGE : DÉVELOPPEMENT HISTORIQUE

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lication y fût traitée comme un problème spécial : aucune controverse ne mettait encore en évidence ce point ; mais cette question ne pouvait que bénéficier peu à peu. comme les autres, de l’effort qui s’accomplissait dans l’Ecole pour classer les données traditionnelles et en préciser le sens.

I. Développement historique. Sans avoir

proprement une histoire, la théologie de la grâce, dont la justification n’est qu’une partie, apparaît en dépendance des courants généraux qui ont agi sur la pensée médiévale.

Période positive.

Il fallut longtemps, après la

ruine de l’empire romain, pour que s’éveillât le goùl de la recherche théologique. La longue période qui s’étend du viie au xie siècle est, à cet égard, si l’on excepte la trop brève éclaircie de la renaissance carolingienne, une des plus effacées. Tout l’enseignement s’y bornait à la lecture et au commentaire des Livres saints. Encore ce commentaire consistait-il surtout â rapprocher les unes des autres les « sentences des Pères, dont les compilateurs successifs se transmettaient la série sans guère l’enrichir.

Cette méthode impersonnelle avait au moins l’avantage de maintenir le contact avec le passé. Et ce contact, sans soulever encore le problème de la justification, en rappelait en tout cas les principaux éléments. La lecture de la Bible faisait forcément rencontrer les textes, au relief si accusé, de saint Paul et de saint Jacques, et la nécessité s’imposait aux moins exigeants d’en expliquer la lettre ou d’en harmoniser la teneur. Pour cela on s’adressait aux Pères : saint Augustin et Y Ambrosiaster étaient les sources préférées, complétées au besoin par le commentaire de Pelage qu’on lisait sous le nom de saint Jérôme. Ainsi, jusqu’en ces époques si pauvres de pensée personnelle, se constituait autour du texte sacré un petit dossier de citations positives, où se révèlent les tendances des glossateurs et, par là-même, la doctrine générale de l’Église dont ils étaient l’écho.

En réponse à une bravade de Luther, le P. Denitle a réuni dans un volume compact, Luther und Luthertum, t. ir, 2e part. : Die abendldndischen Schriftausleger bis Luther, les extraits des commentaires imprimés ou inédits sur l’Épître aux Romains propres à éclairer le sens que l’exégèse médiévale donnait à la fustitia Dei, Rom., i, 17, et, en général, â la justification d’après saint Paul. l’ne bonne partie de ces textes sont relatifs à la période préscolastique, savoir n. 4-19, du pseudo-Primasius au pseudo-Gilbert de la Porrée, p. 9-49. On y peut voir que les paroles de saint Paul provoquaient déjà quelques explications sur la nature ou les conditions de la grâce justifiante. Et il faudrait en rapprocher ce qu’on disait ailleurs, à propos par exemple de Jac, ii, 14-26, sur les œuvres qui la précèdent OU l’accompagnent, Ainsi se conservaient au moins les matériaux traditionnels et parfois même

s’ébauchait un commencement d’analyse pour en tirer parti.

Il > ; i là du reste une indication à retenir pour les périodes suivantes. Les œuvres exégétiques du Moyen Age sont toujours une source précieuse a consulter, surtout en une matière comme celle-ci qui n’a pas retenu spécialement l’attention de l’École. ( >n j t rouve, suivant les cas, la préparation, La répercussion ou le Complément des expositions plus didactiques contenues dans les traités spéculatifs.

2° Débat » <tr la scolastlque. - 1. L</ dialectique. — Cependant, à partir du r siècle la théologie proprement dite commençait à se constituer, qui ne manqua pas de s’appliquer au problème surnaturel. Inaugurée par saint Anselme, développée par Abé lard et son école, l’investigation rationnelle de la foi

s’est portée sut d’autres points du dogme, sans toucher

directement la doctrine de la justification. Cependantces débuts de la méthode scolastique devaient indirectement lui profiler.

Ainsi le Cur Deus homo de saint Anselme, en accen tuant l’aspect objectif de la rédemption, ne devait-il pas faire penser â son appropriation subjective qui en est Le couronnement ? De fait, ce traité se termine, il, 20-21, P. /… t. ci.viii, col. 428-430, par quelques considérations rapides sur la manière dont les mérites infinis du Sauveur nous obtiennent le salut. En niant la satisfaction du Christ et ramenant toute son œuvre salutaire à l’efficacité psychologique de son amour pour nous, Abélard mettait au centn de sa sotériologie le point précis de la justification individuelle, dont son erreur même invitai ! à mieux préciser les rapports avec l’œuvre rédemptrice. Il n’est pas indifférent de remarquer que cette t licoldu salut est justement par lui développée dans son commentaire de l’Épître aux Romains et que déjà, dans sa langue, les deux termes de n rédemption » et de « justification » sont employés comme synonymeou équivalents. In Rom., ii, 3, P. L. t. clxxviii, col. 833 et 83C.

2. La mystique.

Tandis que la dialectique commençait ainsi son travail méthodique de précision et d’analyse, la mystique s’attachait a vivre es réalités du christianisme.

On a voulu souvent et systématiquement opposer entre i lies ces deux tendances : elles se complètent, en réalité, l’une l’autre. D’autant que le même auteur h s associe plus d’une fois toutes deux. A. Ritschl, Die ehristliche Lehre von der liechtfertigung lùid Ver nung, 2e édit., Bonn, 1882, t. i. p. 4C-47, a déjà fait observer que les Méditations de saint Anselme montrent sous un jour d’expérience et de vie la doctrine abstraite du Cur Drus homo. Il en est de même des lettres d’Abélard par rapport â sa théologie.

Encore plus importants sont les auteurs dont le mysticisme, au lieu de s’affirmer par occasion, constitue, si l’on peut dire, la note dominante. Le plus célèbre et le plus in Huent de tous est saint Bernard. Où pourrait-on, semble-t-il, trouver un témoin plus qualifié de la foi et de la piété médiévales ? Cependant on n’oubliera pas que Luther s’est réclamé de lui et que volontiers les historiens protestants du dogme lui accordent, de ce chef, une place â part comme représentant du i subjectivisme pieux. » Voir R. Seeberg, Lehrbuch der Dogmengeschichte, t. m. 2 1’édit.. Leipzig, 1913, p. 127-131.’après Ritschl, op. cit., p. 109-117. Prétention d’où résulte tout au inoins le devoir de consacrer un examen spécial au courant religieux dont la littérature mystique est l’expression.’.'<. l.cs premières synthèses. Car c’est en dehors de lui. d’une manière générale, que l’école entreprenait son œuvre de synthèse.

Le xii siècle a vu naître les premiers essais de Sommes théologigucs ; mais la question de la justification n’y a pas encore de place. Kn vain chercherait-on un traité de la grâce chez Hugues de Saint-Victor, voir t. vii, col. 280. Il n’existe pas davantage dans les

divers ouvrages issus de l’école d’Abélard. tels que la

Summa sententiarum, l’Epitome theologite christianse ou

les Sentences de Roland 1 iandinelli. El rien ne montre mieux que cette lacune de la théologie l’absence

commune de toute préoccupation relative â cet ordre

de problèmes.

Seul Pierre Lombard fait légèrement exception, quand, a propos du premier homme, il réunit quelques i sentences de saint Augustin sur les rapports du

libre arbitre el <ie la grâce des bonnes œuvres, par conséquent, et de la foi dans l’économie du salut. // Sent., dist. l’-l. P. /… t. i soi, col. 701720. Ailleurs, parmi les effets de l’œuvre rédemptrice,