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JUSTIFICATION, LA DOCTRINE DEPUIS LE PELAGIANISME


aurait intérêt à grouper également ceux de la première, non moins abondants ni moins explicites. Ce rapprochement suffirait à montrer comment l’Église n’a

jamais séparé ce que 1 >ieu voul t unir.

II. SATURE ET f.FFETS DE LA JUSTIFICATION. — Pasplusqu’à l’époque précédente, la justification n’est encore l’objet d’analyses approfondies que rien ne provoquait ; mais la théologie du surnaturel continue à s’affirmer et à se développer suivant la ligne que déjà nous lui connaissons.

1° l’.n Occident, la controverse pélagienne allait amener un supplément d’insistance, sinon de précision, sur les elïets de la grâce sanctifiante.

1. Erreurs pélagiennes.

Parce qu’il niait la réalité de la grâce et attribuait aux seules forces de la nature la possession du surnaturel chrétien, le système pélagien ne comportait pas de place pour une régénération intérieure de l’âme. Tout au plus les pélagiens consentaient-ils à appeler grâce la rémission des péchés. A vestro doymale non recedis, disait saint Augustin à Julien d’Kclane, i/uo putatis gratiam Dei… sic in sola peccalorum remissione versari ut non adjuvet ad vitanda peccata et desideria vineenda carnalia, diffundendo charitatem in cordibus noslris per Spiritum Sanclum. Cont. .lui.. VI, xxiii, 72, P. L., t. xuv, col. 866-867. Conclusion extrême, où se révèle suivant l’observation de Schwane, Hist. des dogmes, trad. Degert, t. iii, p. 148, une parenté inattendue entre « le système rationaliste du pélagianisme et le surnaturalisme extrême de Culher.

Mais en même temps cette rémission des péchés devait être complète, puisque, d’après les pélagiens, la nature humaine n’avait rien perdu de son intégrité. Aussi reprochaient-ils aux catholiques d’avoir une conception insuffisante du baptême. Du moment que ce sacrement laissait subsister la concupiscence, le péché ne serait pas vraiment effacé, mais seulement rasé, et donc toujours prêt à renaître. Dicunt, opposait Julien à ses adversaires catholiques, baptisma non dure omnrm indulgentiam peccatorum, nec au/erre crimina, sed radere, ut omnium peccatorum radiers in mala carne teneantur quasi rusorum in capite capillorum. Rapporté par S. Augustin. Contra duus epist. Pelag., I, xiii, 26, ibid., col. 562. Cf. III. m. 1. col. 589.

Cette erreur et cette calomnie des pélagiens allaient commander la conduite de saint Augustin et celle de toute la théologie catholique après lui.

2. Doctrine catholique : Effets de la justification. — a) Tout d’abord, pour enlever aux pélagiens leur arme calomnieuse, l’évêque d’Hippone affirme que le baptême nous assure la rémission effective de nos péchés. Dicimus ergo baptisma dure omnium indulgent iam peccatorum et au/erre élimina, non radere. I.a concupiscence qui survit en nous n’a pas, à parler proprement, le caractère de péché. Etiamsi vocatur peccatum, non utique quia peccatum est. sed quia peccalo facta est sic vocatur. Op. cit., 26-27, col. 562-563. Cf. III, iii, 5, col. 590 : Baptismus igitur abluit quidem peccata omnia, prorsus omnia. factorum, dictorum, cogilatorum, sive originalia, sine addita, sire quæ ignoranter sii<e que scienter admissa sunt ; sed non aufert inftrmitatem. Voir Augustin, t. i, col. 2395-2396. De même il refuse d’admettre que nos péchés soient « couverts », comme s’ils continuaient à exister encore. In Ps. I w. ii, ’.), 1’. L., t. XXXVI, COl, 261. Celle in/irmitas elle-même est appelée à disparaître progressivement ; mais la rémission de la faute est immédiate : In quo (Christo) l)-u régénérât Imminent generatum sanatque viliatum a re du statim, ab inflrmitate paulatim. Cont. Julian. 1 1, i, 8, t. xi iv, col. 679.

Il ce n’élail pas seulement là pour Augustin une

ogétique de circonstance. Car, en dehors de toute

controverse, son mysticisme doctrinal se plaît à assi miler le baptême au mystère du Christ Rédempteur, dont il est l’adéquate reproduction : Nihilaliud esse in

Christo baplismum nisi mortis Christi similitudinem

ut quemadmodum in illo vera mors facta est sic in nobis vera remissio peccalorum, et quemadmodum in illo vera resurreclio ita in nobis vera justificatio. Enchir., 52, P. /… t. xl, col. 256. CI. ibid., 64, col. 262 : hominis renovalio in qua solvitur omnis reatus.

b) Mais ces derniers textes montrent déjà que cet aspect négatif de notre justification ne va pas sans un aspect positif qui en est inséparable. Augustin insiste ailleurs expressément, à rencontre des pélagiens, sur cette sanctification réelle de notre âme : Non per solam peccatorum dimissionem juslificatio ista confertur nisi auctoribus robis. Justifical quippe impium Deus non solum dimitlendo qux mala facil, sed etiam donando charitalem. Opus imperf. contr. Julian., ii, 165. P. I., t. xlv, col. 1212. Quid est enim aliad justificali quum justi facti, ab eo scilicel qui juslifical impium ut ex impio fiât juslus ? De spir. et lill., xxvi, 45, t. xliv, col. 228. Cf. In Psalm. Vil, 5, t. xxxvi, col. 100. La théologie du baptême l’amène à traiter souvent de la régénération spirituelle qui en est l’effet et dont bénéficient même les enfants, sauf à bien marquer qu’elle ne sera complète que dans la vie future par la résurrrection du corps. Voir en particulier. Confess., 1, xiii, 5, l. xxxii, col. 004 ; Serm., ccxxiv, 1. t. xxxviii, col. 1093-1094 ; In Ps. cxrm, iii, 2, t. xxxvii, col. 1507 ; De nuptiis et conc, i. 33-34, t. xliv. col. 434-435 ; Opus imp. cont..lui., ii, ’.17-112, t. xlv, col. 1179-1188.

Les protestants eux-mêmes ont dû rendre hommage sur ce point à la doctrine augustinienne : < Car. l’ail observer Calvin, combien qu’il despouille très bien l’homme de toute louange de justice et l’attribue toute à Dieu, neantmoins il réfère la grâce à la sanctification dont nous sommes regtnerez en nouveauté de vie. > Insl. chrel.. III, xi, 15. dans Opcra omnia. édition Baum, Cunitz et Reuss, t îv. col. 2 18. Luther également n’en était qu’à demi satisfait ; Quamquam imperfeete hoc adhuc sit dielum ac de impututionc non clare omnia explicet, placuil lamen juslitiam Dei doeeri. Préface générale de 1515, dans Opéra lai. var. arg., édition d’Erlangen, t. i.p. 23. Et de même Mélanclilhon, Lettre à Brenz, mai 1531, Corpus Reform., t. ii, n. 935, col. 502. Plus maussade. A. Harnack lui impute une conception toute matérielle — c’est-à-dire pour nous réelle — de la grâce. Dogmengeschichte, 1’édition., t. m. p. 83. Cf. p. 88. Ces aveux nous dispensent d’insister ; et l’on ne saurait en exagérer l’importance, quand on se rappelle l’influence capitale que l’évêque d’Hippone devait exercer sur les siècles suivants.

Avec les gîtes, saint Augustin envisageait volonliers la grâce sous les espèces d’une adoption divine. Cont. Faust. Munich., iii, 3, t. xui, col. 215-216 ; De serm Dom, in monte, I. xxiii, 78, t. xxxiv. col. 1268 ; Serin., cxxvi, 9. I. xxxviii, col. 720 ; mieux encore, comme une divinisation de notre âme, Serm., cix, 5, ibid., col. 675 : cccxiii, 5, t. xxxix. col. 1504 : In l’s. XLIX, 2. t. xxxvi, col. 565. Cette idée tonne le thème

fondamental de la théologie de l’Incarnation que saint Léon oppose à la fois aux nestoriens et aux monophysiies. Voir.). Rivière, Le dogme de la Rédemption. Essai d’étude historique, p. 266-269. Aussi a-t-elle pour fruit noire complète régénération. Redit in innocenliam iniquitas et in novitatem vetustas… De tmpits fusti, de aoaris bénigni, de incontinentibus castt, de ierrenis incipiunt esse cselestes. Sam., xxvii.2. I. uv, col. 217218. Cf. Serm., xxi, 3, el xxiv, .i. col. ! 92-193et205-206. C’esl ainsi que les diveisescontrovcrscs dogmatiques

de l’époque aboutissaient à donner un nouveau relief

a cette t l’ausl’ormal ion spirituelle OÙ la foi Catholique

a toujours vu le fruit suprême de la Rédemption.