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JUSTIFICATION, LA DOCTRINE DEPUIS LE PÉLAGÏANISME


opus extra fulem vacuum est, juxta Paulum… Quid ergo ? Utrique se destruunt ? Absit. Sed utrique nos instruunl. Di/fcr., ii, 35, F. L., t. lxxxiii, col. 91-92. Cf. De nat. rerum, xxvi, 4 : Fide et operibus homo justificatur. Ibid., col. 998.

On trouverait difficilement un résumé plus complet et plus heureux de la doctrine de l’Église sur le Tapport de la foi et des œuvres, en même temps qu’une meilleure harmonisation des textes scripturaires qui en énoncent le rôle respectif.

2. En Orient.

Indépendante de l’augustinisme, la théologie orientale n’eut qu’à puiser dans sa propre tradition pour y trouver les mêmes principes.

Sans avoir été touchés par la controverse pélagienne, ni peut-être en avoir adéquatement saisi l’importance, les Pères grecs du v° siècle s’accordent à mettre la grâce à la base de notre vie surnaturelle. Voir fixeront, Hist. des dogmes, t. iii, p. 212-214. Du côté de l’homme, son premier devoir est la foi, que saint Cyrille d’Alexandrie appelle « la racine de toute vertu et le fondement de la piété, » In Joa., IV, vii, 24, P. G., t. lxxiii, col. 676, parce que seule elle nous donne le moyen de participer à la grâce du Christ. Liese, op. cit., p. 166-169. Mais il y doit ajouter les œuvres, sous peine d’être une branche inutile et bonne à jeter au feu. Si la foi nous donne la connaissance de Dieu, la charité nous inspire, d’obéir à ses commandements. « Ainsi donc nous avons beau lui être unis par la foi, si nous la faisons consister en une profession pure et simple (du symbole) et ne serrons pas ce lien par les bonnes actions de la charité, nous serons bien des sarments sans doute, mais morts et stériles… Que par conséquent à la rectitude de notre foi s’ajoute la splendeur de nos œuvres et que nos actes correspondent, à nos paroles au sujet de Dieu. Alors nous serons avec le Christ, i Ibid., X, xv, 2, t. lxxiv, col. 348-353. Voir d’autres références à l’art. Cyrille d’Alexandrie, t. iii, col. 2521, et Ed. Weigl, Die Heilslehre des ht. Ci/rill von Xlexandrien, Mayence, 1905, p. 128-1 10.

Le célèbre ascète saint Nil proclame, d’une part, que « seule la foi au Christ Sauveur est notre justice. » Epist., i, 8, P. G., t. lxxix, col. 85. Mais il reproduit par ailleurs cette maxime, empruntée à saint Cyrille de Jérusalem, Cntech., iv, 2 : < La piéié véritable se ompose de ces deux éléments : dogmes pieux et bonnes actions. Il ne faut pas séparer l’un de l’autre. » Epist., ii, 165, col. 280.

Un autre moine du ve siècle, l’ermite Marc, a laissé un petit écrit « au sujet de ceux qui pensent être justifiés par leurs œuvres, » P. G., t. i.xv, col. 929-966, qui a retenu, au moins par son Litre et soi : objet, l’attention des protestants. Thomasius. op. cit., p. 427. Plusieurs des maximes qui le composent affirment, en effet, la gratuité du salut, la nécessité de la rédemption et de la grâce et condamnent, en conséquence, les œuvres faites dans un esprit pharisaïque de suffisance ou de marchandage. Cependant l’auteur veut aussi que la foi se traduise par l’obéissance aux préceptes du Christ ; il écarte du royaume aussi bien ceux qui s’estiment orthodoxes sans pratiquer les commandements et ceux qui, en les pratiquant, attendent la récompense céleste comme un salaire qui leur serait dû, » n. 5 et 17, col. 932 ; il tient que « la grâce opère dans la mesure où nous pratiquons les commandements, » n. 56, col. 937 ; cf. n. 85, col. 944 et n. 210, col. 964. On y lit même que < la justification vient des œuvres, des paroles et des pensées <, tout autant que i de la foi, de la grâce et du repentir procèdent des trésors de salut. » n. 1(11, col. 945. C’est dire que le mysticisme de l’auteur se meut dans les voies bien connues du catholicisme normal.

Il en est de même de théologiens comme Théodoret. Si, quand il pense à la rédemption, il déclare que,

dans l’œuvre du salut, « nous n’avons apporté que la foi » — et encore « la grâce en fut-elle l’auxiliaire, » In Eph. il, 8, P. G., 1. i.xxxii, col. 521, et In Rom., m, 25, col. 84 — il remarque ailleurs que « la foi a besoin des œuvres, » In I Tim., ii, 2, col. 797, et qu’elle ne suffit pas à ceux qui en sont dépourvus. In TH., ni, 8, col. 869. Voir encore S. Isidore de Péluse, Epist., iv, 20, 65, 213 et 226, P. G., t. lxxviii, col. 1069, 1121, 1305 et 1321 ; Ps.-Chrysostome, De fide et ley. nat., 1, P. G., t. xlviii, col. 1081-1083.

Cette tradition de l’Église grecque est bien résumée dans saint Jean Damascèm. qui écrit à propos du baptême : < La foi sans les œuvres est morte, et tout de même les œuvres sans la foi. Car la vraie foi se prouve par les actes. » De fide orthod., iv, 9, P. G., t. xciv, col. 1121. Cf. In Rom., iv. 2-3, t. xcv, col. 468 ; In Philip., iv, 8-9, col. 880. Voir Liese. op. cit., p. 174175, et Jean Damascène. ci-dessus, col. 711-742. Il existe même sous son nom, à l’appui de cette thèse, un de ces petits dossiers de sentences patristiques auxquels devait se complaire le Moyen Age byzantin. Sacra Parallela., iitt.il, tit. xxv, t. xevi, col. 533-536. Plus tard Théophylacte commente avec la même énergie le rôle de la foi proclamé par saint Paul, In Gal., m, 5-12, P. G., t. cxxiv, col. 985-988, et le rôle des œuvres revendiqué par saint Jacques, In Jac, ii, 14-25, t. cxxv, col. 1156-1161, en montrant comment les deux apôtres ne se contredisent pas parce que l’un parle de la foi considérée comme simple assentiment et l’autre de la foi envisagée comme principe de conduite.

En un mot, toute l’ancienne Église est d’accord, sans exception ni progrès appréciable, pour affirmer que la justification, si elle est un don de la grâce divine, requiert aussi le concours de notre bonne volonté et que celle-ci doit se manifester par les œuvres aussi bien que par la foi.

3. Textes liturgiques.

D’où le caractère très complexe de la piété catholique, où ces diverses sources de doctrine se réunissent comme en leur confluent. Elle n’est nulle part mieux caractérisée que dans la liturgie, où l’Église exprime, pour les inculquer à tous, les sentiments qui l’animent et qui, dès lors, prend le caractère d’un vaste témoignage collectif.

Or on y peut voir en maints endroits comment le chrétien est, non seulement exhorté au repentir de ses fautes, mais invité à les réparer par les bonnes œuvres, qui seules peuvent lui obtenir le salut. Qu’il suffise de citer cette collecte typique du Sacramentaire grégorien pour le premier dimanche de carême : Deus.., prsesta jamiliæ iuæ ut quod a te obtinere abstinendo nititur hoc bonis operibus exsequatur. P. I… t. lxxviij, col. 57. Ou encore cette autre du dimanche dans l’octave de Xoël, ibid., col 37 : Omnipotens sempiterne Deus, dirige actus noslros in beneplacito luo ut in nomine dilecti Filii lui mercamur bonis operibus abundare. Mais, en même temps, on y affirme à maintes reprises que nous ne pouvons rien sans la grâce et que toute notre confiance repose, en définitive, sur la miséricorde de Dieu et les mérites du Christ. Témoin cette oraison du V* dimanche après l’Epiphanie, ibid., col. 18 : Familiam tuam… continua pietaie custodi, ut quæ in sola spe gratin’cselestis innitilur… Ou bien celleci : Deus, qui conspicis qui ex nulla nostra actione confidirnus. … dimanche de la Sexagésime, ibid., col. 53, cl. cette autre du second dimanche de carême, ibid. : Deus, qui conspicis omni nos virtute destitui…, et enfin cette dernière formule encore plus explicite : … ut qui proprise justifias fiduetom non habemus…, postcommunion pour le commun d’un confesseur, ibid., col. 168

Les textes de celle dernière catégorie ont été réunis soigneusement contre Luther par Deniflc. Luther et le. luthéranisme, trad. J. Paquier, t. ii, p. 327-363. Il y