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    1. JUSTIFICATION##


JUSTIFICATION, LA DOCTRINE DEPUIS LE PÉLÀGIANISME

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rvmiltere. Il est vrai que, plus loin, l’auteur précise son point de vue en disant que la foi ne suffit pas sans les œuvres, In I Tim., ii, 15, col. 021 : Sola fldes ad salutem ei qui post baptismum superoixerit non suffi-iat nisi sanctitatem mentis et corporis habeat. Cf. In Gal., m, 10, col. 848 : Fides ad hoc proftcit ut in primitiis credulilatis accedentes ad Deum justificet si deinceps in fustificatione permaneant. Ceternm sine opcribus fldei, non legis, moiiua est /ides.

Seules ces dernières déclarations correspondent au système pélagien. Il faut donc croire que les autres, où s’affirme le rôle de la grâce rédemptrice, n’ont qu’une porté.- cxégétique, à moins qu’elles ne puissent passer pour le rappel des formules catholiques dont l’auteur évacuait par ailleurs le contenu. L’hypothèse n’est du reste pas exclue de remaniements postérieurs qui auraient permis de conserver à cette œuvre d’origine hérétique son crédit dans l’Eglise. De toutes façons, il n’y a pas lieu d’amender de ce chef l’impression vivante que les premiers témoins ont eue du pélagianisniu, originel.

2. Laxisme moral.

A l’opposé de ce moralisme, où tout le salut dépend de l’homme, on rencontre, sous des formes diverses, certain laxisme qui proclamait systématiquement l’indifférence ou l’inutilité des œuvres.

Les controversistes catholiques ont reproché cette erreur à l’évêque arien de Cyzique, Eunomios. « De la fréquentation des plaisirs l’âme ne retirerait aucun dommage ; la seule foi hérétique suffit à l’homme pour sa perfection. » S. Grégoire de Nysse, Conl. Eunom., i, P. G., t. xlv, col. 281. Renseignement recueilli presque en termes identiques par saint Augustin, De hær., 54, P. L., t. XLn, col. 40 : Nihil cuique obessel quorumlibet perpetratio ac perseueranlia peccatorum, si hujus quæ ab Mo docebatur fidei particeps esset.

En Occident, on devine la même tendance dans l’opposition faite par Jovinien aux pratiques de l’ascétisme. Non content d’enseigner que la virginité n’a pas plus de valeur que le mariagr, il arrivait à dire, au rapport de saint Jérôme, que l’abstinence n’importe pas plus qu’une honnête jouissance des dons de Dieu, que ceux qui ont reçu le baptême plena fuie ne peuvent plus être séduits par le démon et que tous ceux qui en gardent la grâce recevront au ciel la même récompense. S. Jérôme, Adv. Jovin., i, 3. P. L., t. xxiii, col. 224 ; cf. ii, 35, col. 347-348. « Ce que Jovinien prêchait au fond — et ce qui lui a valu toujours depuis les sympathies protestantes — c’est le salut par la foi seule et l’inutilité des bonnes œuvres pour le salut, c’est le salut universel de tous les chrétiens. » Taxeront, Histoire des dogmes, t. ii, p. 24(5. Voir Jovinien, ci-de ; sis, col. 1577. De ces « sympathies protestantes » témoigne en particulier le long et favorable exposé que lui consacre A. Harnack, Zeitschrijt, loc. cit., p. 13815 1. Il reste qu’on doit à Jovinien un premier essai d’appuyer.e relâchement de la vie chrétienne sur une doctrine tendancieuse de la justification.

Plus importante et plus significative à tous égards que cette tentative isolée est l’erreur combattue par saint Augustin dans son traité De fide et operibus. Cf. Relract., ii, 38, P. L., t. xxxii, col. 646. Voir Harnack, ibid., p. 163-172.

L’évêque d’Hippone la résume lui-même en ces termes : Opinio… in qua promitlitur scelestissime turpissimeque viuentibus, etiamsi eo modo vivere persévèrent et lantummodo credant in Christum ejusque sacramenta percipiant, eos ad salutem vitamque œternam esse l’cnluros. De fuie et op., xxvii, 49, P. L., t. XL, col. 229 D’une manière plus nerveuse, souvente fois au cours de son exposé, il condense la conception de ces chrétiens en des formules comme celles-ci : Fidem sine opcribus valere ad salutem… Ad eam obtinendam suf/icere fidem..

DTCT. DE THÉO !.. CATIIOL.

Ad vitam veniriper solam fidem. xiv, 21-xv, 25, col.211214. Et l’on voit, par la discussion qu’en fait Augustin, que les tenants de cette idée invoquaient, non seulement les textes classiques de saint Paul, tels que Rom., iii, 8 ; iv, 5, et. v, 20, mais les paroles de l’Évangile où est soulignée l’importance de la foi, comme Matth., xv, 26-28, et Joan., xvii, 3, l’invitation pressante que le père de famille adresse aux bons et aux mauvais pour les 1 noces de son fils, Matth., xxii, 2-10, la souveraineliberté que vaut aux croyants d’après l’apôtre le mystère de la rédemption, Gal., iv, 31, ou la sécurité que leur procure l’intercession du Rédempteur. I Joa., n, 1-2. On ne fait pas tort à ces laxistes du ve siècle en les donnant comme d’obscurs ancêtres du système de la justification par la seule foi.

Doctrine de saint Augustin.

Ces errreurs inverses

dont il a nettement senti la menace expliquent la position moyenne prise par saint Augustin.

1. Nécessité de la grâe.

Son premier et principal effort fut de maintenir contre les pélagiens l’action de Dieu à la base de notre justification.

En effet, la nécessité de la grâce, qui jusque-là ne s’affirmait guère qu’en passant, est mise par lui au premier plan de la foi catholique. Voir Augustin, 1. 1, col. 2384-2387. Et ceci doit s’entendre d’un don divin absolument gratuit, que ne précède aucun mérite de notre part. Quomodo est gratia si non gratis datur ? Quomodo est gratia si ex debito redditur ? De gratia Christi, I, xxiii, P. L., t. xliv, col. 372. Cf. ibid., xxxi, 34 : Nisi gratuila non est gratia, col. 377. Tel est, sous mille formes variées, le leil-motiv de sa controverse contre les pélagiens. On sait que ce principe est étendu par l’évêque d’Hippone jusqu’au tout premier commencement de la foi. De div. quæst. ad Simplic., I, q. ii, P. L., t. xl, col. 1Il sq. En quoi il corrigeait consciemment l’erreur contenue sur ce point dans divers écrits antérieurs à son épiscopat.De præd.sanct., ni, 7, P. L., t. xliv, col. 964. Voir Tixeront. Hist. des dogmes, t. ii, p. 489-490.

2 Paît de l’homme. — Cependant l’action de Dieu ne va pas, chez Augustin, sans le concours de l’homme.

Il suffit, pour en avoir l’assurance, de rappeler l’adage célèbre : Qui fecil te sine te non te justi/icat sine te… Fecit ncscienlem, justificat volentem. Serm., clix, c. xi, n. 13, t. xxxviii, col. 923. Voir Augustin, t. i, col. 2387-2392. La première forme de cette coopération humaine, c’est la foi : Initium bonee vitse, cui vita eliam œlerna debetur, recta fides est. Est autem fides credere quod nondum vides. Serm., xliii, c. i, ibid., col. 254. Où l’on voit sans conteste que la foi signifie essentiellement une adhésion de l’intelligence aux dogmes chrétiens. Voir Augustin, 1. 1, col. 2337-2338. Parce qu’elle est un acte de soumission à l’autorité, divine, cette foi a déjà par elle-même une valeur morale — saint Augustin ne craint pas de dire : un « mérite » — mais à condition de ne pas oublier qu’elle est tout d’abord un don de Dieu : Fidei meritum etiam ipsumesse donumDei. Relract., I, xxiii, 3, P. L.. t. xxxii, col.G22. Cf. Epist., cxciv, c. iii, n. 9, t. xxxiii, col. 877.

Une fois implantée dans l’âme parla grâce, cette foi y doit fructifier en bonnes œuvres. Souvent affirmée en passant, voir Augustin, 1. 1, col. 2435, cette nécessité des œuvres fait l’objet spécial de l’opuscule De fuie et operibus. L’évêque d’Hippone l’établit en exégète et* se charge d’énumérer en faveur de sa thèse innumerabilia per omnes Scripturas sine ambiguitale dicta ou encore evidenlissima leslimonia Scriplurarum. xv, 26, t. xl, col. 214. Non seulement il se réclame des épîtres apostoliques, qu’il estime destinées à réagir contre certaines fausses interprétations de saint Paul ; non seulement il remonte aux passages de l’Évangile où le Maître réclame l’observation des commandements et promet de juger chacun suivant ses œuvres :

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