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    1. JUSTIFICATION##


JUSTIFICATION, LA DOCTRINE DEPUIS LE PÉLAGIANISME

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In Joan., hom. xiv, 2, P. G., t. ux, col. 94, et In Rom., | hom., x, 4, t. lx, col. 478.

S’il n’est pas de source plus abondante pour avoir la pensée de l’Eglise en matière de justification, est-il besoin d’ajouter qu’il n’en est pas non plus de plus sûre, parce qu’aucune n’tst mieux faite pour refléter la commune foi ?

Agents de la justification.

 Cette foi s’exprime

aussi par ce que les Pères nous disent ou nous laissent entendre sur la manière dont l’homme est justifié. Sans développer encore ce que, l’école appellera plus tard les « causes » de la justification, ils en ont posé çà et là les principes fondamentaux.

Les théologiens modernes ont discuté pour savoir si la grâce, dans la théologie patristique, est rapportée simplement à une opération de Dieu ad extra ou si elle doit être formellement identifiée avec la présence du Saint-Esprit, et l’on a cru remarquer une nuance entre les Pères latins qui se tiendraient à la première conception et les Pères grecs qui professeraient la seconde. Voir Adoption, 1. 1, col. 426 et 434-135. On peut estimer que ces subtiles précisions sont encore étrangères au génie d’une époque où le souci de la technique s’efface devant l’affirmation des réalités. Ce qui expliquerait que les diverses écoles aient cru trouver chez les Pères des témoignages favorables à leur thèse. Il n’est pas nécessaire, en tout cas, de trancher cette controverse pour recueillir de cette doctrine mystique les données substantielles qui seules intéressent le présent sujet.

Il est certain, en effet, que, d’une manière générale, la grâce est regardée comme une participation de l’âme à la vie même de Dieu. C’est ce que réclame la théorie de la divinisation rappelée plus haut et c’est pourquoi saint Ignace d’Antioche appelle déjà le chrétien 6eoçopoç. En ce sens la justification aboutit à une présence spéciale de Dieu en nous. Voir pour les références l’art. Grâce, t. vi, col. 1614. Quand on veut préciser la caractéristique de cette grâce, les souvenirs de l’Ecriture ouvrent des voies différentes devant le mysticisme des Pères. Tantôt, avec saint Paul on aime y voir la justice même du Christ transmise à sa postérité spirituelle, par exemple saint Pacien, De bapt., 5-6, P. L., t. xiii, col. 1092-1093 : tantôt et plus souvent encore, à la suite de saint. Jean, on y montre l’œuvre du Saint-Esprit. Cette doctrine, qui s’énonce comme un fait chez les Pères des trois premiers siècles, voir Esprit Saint, t. v, col. 693-691, 703 et 708, devait plus tard, quand surgirent les controverses, servir de plateforme pour établir la nature divine de la troisième personne de la Trinité. Comment ne serait-il pas Dieu celui qui nous fait enfants de Dieu ? Tel est l’argument capital que les Pères du iv° siècle opposent aux ariens. Ibid., col. 720, 724, 726, 733-734, 737 et 712 pour les Pères grecs : col. 748-749 pour saint Ambroise, leur principal disciple en Occident. Voir Scholl, op. cit., p. 125-212, et Aufhauser, op. cit., p. 178-200.

Quelle que soit la forme prise par cette doctrine, elle signifie toujours une effusion dans l’âme de la vie divine. N’est-ce pas dire qu’elle implique nécessairement que la grâce soit un don effectif de sainteté ? Plus tard quelques spéculatifs ont entrepris d isoler la justifie ition, au moins comme premier moment théorique, de la sanctification qui en serait seulement une conséquence. La tradition patristique n’a pas connu ers raffinements. Seul l’Ambrosiaster distingue deux périodes dans l’économie surnaturelle : avant la passion, le baptême n’aurait procuré que la rémission des péchés ; la Justification aurait été accordée seulement après la résurrection, grâce à la profession de foi trinitaire et à la communication du Saint-Esprit que le Clirist avait réservées jusque-là. In Hom., iv, 25, P. /-., t. xvii, (édit. de 1866), col, 92. Cette exégèse compliquée, imaginée pour éclaircir un passage difficile de

saint Paul, outre qu’elle n’a rien de commun avec la théologie de la Réforme, ne saurait prévaloir contre l’impression de réalisme salutaire que laisse avec un parfait ensemble la théologie de cette époque, pour laquelle justification fut toujours synonyme de grâce et la grâce comprise comme une régénération de notre âme par le retour à son principe surnaturel.


III. Depuis la controverse pélagienne. —

Il fallait insister sur cette période primitive pour y saisir, jusque dans l’éparpillement de ses énoncés, l’expression de la foi catholique en matière de justification et les premières amorces de la théologie qui se dessine en vue de l’expliquer. Ce qui nous permettra de glisser plus rapidement sur les siècles qui suivent, en nous contentant de relever ce que la controverse pélagienne devait ajouter de neuf sur un fond désormais acquis.

I. conditions de la JUSTIFICATION.

A la différence

de la période qui précède, le ve siècle naissant s’est trouvé ici en présence d’un problème. Car des tendances extrêmes, où l’on peut soupçonner l’aboutissement d’une longue incubation, commencèrent à se faire jour, qui menaçaient en sens inverse l’équilibre de la tradition catholique, dont saint Augustin allait se faire l’infatigable et glorieux défenseur.

1° Le milieu : erreurs inverses. — Étant donné que la justification intéresse essentiellement deux facteurs, l’homme et Dieu, la nature et la grâce, le danger est toujours possible de méconnaître l’un ou l’autre. Cette éventualité s’affirme, vers la fin du ive siècle et le début du ve, comme une double réalité.

1. Rationalisme pclagien.

D’une part, en vertu de son rationalisme anthropologique, le pélagianisme était amené à faire dépendre le salut des seuls efforts du libre arbitre.

Si Pelage consentait à parler de grâce, dans un sens d’ailleurs équivoque, c’était pour la faire dépendre tout entière de nos mérites : Apertissime dicit gratiam secundum mérita nostra dari, rapporte saint Augustin, De gratia Christi, I, xxii, 23, cf. xxxi, 34, P. L., t. xliv, col. 371, 376 ; Contra duas epist. pelag.. II. vm, 17, ibid., col. 583, et Contra JuL, IV, iii, 15, ibid., col. 744. Ce principe s’applique même à la première grâce, puisque Pelage disait des infidèles : llli ideo judicandi atquc damnandi sunt quia, cum habeant liberum arbilrium per quod ad fulem venire passent et Dci gratiam promereri, maie utuntur libertate concessa. Hi vero remuncrandi sunt qui, benc libero ulentes arbitrio, merentur Domini gratiam. S. Augustin, De gratia Christi, I, xxxi, 34, coi. 376-377.

Célestius allait jusqu’à dire que la rémission des péchés était due aux mérites du pénitent : Quoniam pœnitentibus venin non datur secundum gratiam et misericordiam Dei, sed secundum mérita et laboremeorum qui per psmitentiam digni juerint misericordia. S. Augustin, De geslis Pelagii, xviii, 42, ibid., col. 345. Mais il était en cela désavoué par Pelage et par le gros des pélagiens. Ibid., 13. Cf. De gratia et lil>. arbitrio, vi, 15, ibid., col. 890. Pour plus de détails voir Pelage et déjà Augustin, 1. 1, col. 2380-2382.

I >és lors on peut se demander quelle est la valeur des nonibn-ux passages où il est question de notre justification « par la seule foi » dans ce commentaire pseiicln hiéronymien de saint Paul où l’on s’accorde à voir une œuvre de Pelage. Ces textes ont été soigneusement collines par F. Loofs, art, Pelagius, dans Realencyclop &die, t. xv, p. 753-754, pour aboutir à cette conclusion : « Il n’y a pas eu avant Luther de défenseur aussi énergique du sola fuie. » Cf. Dogmengeschichie, P édit., Hall-, 19(Ki, p. 387 et 119-120. Voir en particulier Ps. llicronyni., In Rom., IV, 5, P. L., t. xxx, col. 688 : Convertentem impium per solam fldem justificat Deus… Proposuit gratis per solam /idem peecata