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JUSTIFICATION, LA DOCTRINE AVANT LE PÉLAGIANISME

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etiam donum fidei asserit (Apostolus) per Spiritum Sanction tribui. In Rom., iv, 5, P. G., t. xiv, col. 974. Voir pour des références postérieures l’art. Grâce, t. vi, col. 1574, et Tixeront, Hist. des dogmes, t. ii, p. 144-148 pour les Pères grecs, p. 280-281 pour les latins. La controverse pélagienne pourra provoquer plus d’insistance et de clarté ; mais elle ne mettra pas en jeu d’autres principes que ceux dont vécurent paisiblement les siècles primitifs.

2. Cas particulier de la première grâce.

- Faut-il étendre cette nécessité de la grâce à la toute première direction de l’âme vers Dieu ? C’est la question délicate de l’initium fidei.

Les meilleurs historiens catholiques du dogme admettent qu’elle était encore mal éclaircie avant le ve siècle et donc imparfaitement résolue. « Saint Hilaire, saint Optât et même saint Jérôme ont émis des propositions que nous qualifierions actuellement de semi-pélagiennes. » Tixeront, op. cit., p. 282. Il en est de même pour saint Grégoire de Nazianze et saint Jean Chrysostome, dont se prévalaient les adversaires de saint Augustin. Ibid., p. 146-147. Cf. Schwane, Hist. des dogmes, traduction Degert, t. iii, p. 85-86, 91-94, 102-101, 113-116, 127-129, qui s’applique à réduire la portée de ces textes, tout en y reconnaissant « des formules très inexactes », p. 127.

Ce problème d’histoire sera traité à l’article Semipélagianisme. Voir déjà Grégoire de Nazianze, t. vi, col. 1843 ; Hilaire, ibid., col. 2450-2451, et, pour saint Basile, Scholl, op. cit., p. 74-97. Il suffît de noter ici que ces imperfections indéniables sont compensées par les déclarations de principe formelles et illimitées que l’on trouve chez les mêmes Pères sur la nécessité générale de la grâce et qu’on ne saurait, en bonne méthode, juger l’Église sur une époque où sa doctrine n’avait pas encore atteint son plein développement. L’essentiel est que soit bien posé le dogme de la grâce comme principe nécessaire de salut — et il n’y eut jamais de doute sur ce point — en attendant que les progrès de l’analyse en fassent mieux ressortir toute l’ampleur.

II. NATURE ET EFFETS DE LA JUSTIFICATION.

Du

moment que le problème do la justification n’était pas encore traité d’une manière distincte, il ne faut pas demander aux Pères des premiers siècles des éclaircissements précis sur l’essence de cet acte divin et ses effets en nous. Cependant les lignes générales de leur sotériologie, dans lesquelles s’encadrent quelques touches concrètes sur la grâce impartie au chrétien, font apparaître avec toute la clarté désirable la direction de leur pensée. Quelques rapides indications suffiront à montrer, non seulement qu’ils n’ont rien su de cette imputation tout extérieure que devait imaginer la Réforme, mais que toute leur théologie postule le concept d’une véritable régénération de l’âme dans et par le Christ.

1° Principe de la justification : Sens et portée de l’économie rédemptrice. — Sans entrer dans des détails qui appartiennent à l’art. Rédemption, on se contente de rappeler ici comme un fait notoire que la théologie patristique aimait envisager ce mystère sous l’aspect d’une restauration spirituelle. L’harmonie providentielle de notre nature ayant été rompue par le péché, le Fils de Dieu est venu la refaire en se l’unissant. Économie de salut qui comporte un aspect négatif, savoir la destruction de la mort qui était devenue la sanction de notre déchéance, et un aspect positif, c’est-à-dire le don de la vie et de l’incorruptibilité qui rétablit en nous l’image divine dans sa primitive splendeur.

Cette conception, dont on trouverait le germe dès saint Paul et saint Jean, est à la base des premières synthèses construites par l.s Pères grecs, depuis saint

Irénée, Cont. hær., III, xvin-xix et V, i-ii, jusqu’à saint Athanase, De Incarn. Verbi, 3-10, et saint Grégoire de Nysse, Orat. catech. magn., 5-16. Moins exclusive, elle n’est pourtant pas négligée par les théologiens postérieurs. Voir, par exemple, saint Basile, Epist., viii, 5, et cclxi, 2 ; saint Grégoire de Nazianze, Orat., xx, 19 ; xl, 45, et xlv, 8-9 ; saint Épiphane, Ancorat., 93 ; saint Jean Chrysostome, In Joan., hom. xi, 1-2. Elle n’est même pas entièrement absente des Pères occidentaux. On la trouve, par exemple, chez saint Hippolyte, De Christo et antichr., 26 ; Contr. hær. Noeli, 17 ; Philosophoumena, x, 33-34 ; saint Hilaire, In Ps. sir, 3-4 et De Trin., ii, 25. Voir J. Rivière, Le dogme de la Rédemption. Essai d’étude historique, Paris, 1905, p. 117-126 et 142-159 ; J. Chaîne, Le Christ Rédempteur dans saint Irénée, Le Puy, 1919, p. 64-84 ; J. Kôrber, S. Irenseus de gratia sanctifteante, Wurzbourg, 1865, p. 7-88 ; J.-B. Aufhauscr, Die Heilslehre des hl. Gregor von Nyssa, Munich, 1910, p 105-120 ; H. Strâter, Die Erlbsungslehre des hl. Athanasius, Fribourg-en-B., 1894, p. 140-162 ; et ici même, Irénée. t. vii, col. 24692472 ; Athanase, 1. 1, col. 2169-2174. ï,

Il est aisé d’apercevoir la portée de cette doctrine par rapport au problème, de la justification. Elle a tout entière comme axe le renouvellement effectif de notre nature et il est bien évident que le but providentiel de l’incarnation ne serait pas atteint si le péché continuait, après comme avant, à régner sur notre nature ou si notre sanctification se ramenait à l’imputation juridique d’une grâce qui nous demeurât étrangère. Cette théorie de la divinisation — et il n’en fut pas de plus classique — suffirait à faire voir combien sont profondes les attaches du dogme défini au concile de Trente avec la pensée des Pères les plus anciens.

2° Application : La régénération baptismale. — Acquise à l’humanité par l’avènement du Rédempteur, la grâce divine se transmet à chacun des hommes par le baptême. Il est inutile d’insister sur l’importance de ce sacrement dans la synthèse théorique du dogme chrétien et dans la vie pratique de l’Église.

Or, déjà par elle-même, la liturgie baptismale contenait tout un enseignement. L’ablution corporelle signifiait à tous les yeux la purification de l’âme ; l’onction visible du saint chrême, le don invisible de l’Esprit : double rite de régénération que l’Église traduisait à l’extérieur par l’habit blanc qu’elle imposait au nouveau baptisé. Est-il besoin de dire que ce symbolisme est largement exploité dans les innombrables traités ou homélies que les Pères ont consacrés au baptême ? Partout s’affirme la croyance ardente à la rémission du péché et à la transformation du vieil homme en un homme nouveau par son incorporation au Christ. Voir pour la preuve les art. Baptême, t. ii, col. 200-204, et Chrême, ibid., col. 2411. On peut y ajouter Clément d’Alexandrie, Strom., ii, 13, P. G., t. viii, col. 993-997 ; Origène, In Joan., vi, 17, P. G., t. xiv, col. 257, et 26-30, col. 276-285 ; cf. In Rom., v, 8, ibid., col. 1037-1043 ; S. Basile. In Ps. xxviii, 7, P. G., t. xxx, col. 81, et Hom., xiii, 3, P. G., t. xxxi, col. 429 ; S. Grégoire de Nazianze, Orat., xl, 8, t. xxxvi, col. 368, et 32, col. 404-405 ; S. Grégoire de Nysse, Orat. cat. magn., 35, t. xlv, col. 85-92, et De bapt., t. xlvi, col. 416-417 ; S. Jean Chrysostome, Ad illum., i, 3, t. xlix, col. 226-227 ; S. Pacien, De bapt., 5-6, P. L.. t. xiii, col. 1092-1093 ; S. Ambroise, De mysL, vii, 34-35, P. L., t. xvi (édit. de 1866), col. 417 ; anonyme De sacram., II, vi, 16-19, ibid., col. 447-448. Cf. III, ii, 12, col. 454 : Qui venit ad baplismum hoc ipso imple.t con/essionem omnium peccalorum guod baplizari petit ut juslificetur, hoc est ut a culpa ad gratiam transeat. Et l’onprécise.aubesoin, quelagrâce baptismale ne comporte pas seulement l’effacement des péchés, mais une véritable régénération. Voir saint Jean Chrysostome,