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JUSTIFICATION. LA DOCTRINE AVANT LE PÉLAGIANISME


qui énoncent tous dos croyances et les expriment en termes de plus en plus précis, ainsi que du commentaire détaillé qu’en donnaient les catéchèses baptismales. « Précieuse, comme s’exprime saint Cyrille de Jérusalem dès le début de son œuvre, est la connaissance des dogmes. Il est besoin pour cela d’une âme attentive ; car plusieurs font des victimes par la philosophie et ses vains prestiges. » De ces faux docteurs il signale aussitôt trois catégories : les gentils avec leur beau langage, les juifs avec leur attachement servile à la lettre d’une Loi dont ils méconnaissent l’esprit, les hérétiques habiles à dissimuler sous le nom du Christ leurs doctrines impies. « C’est pourquoi, concluait-il, il y a un enseignement et une explication de la foi, » tcÎcttscûç StSocaxaXta xal eîç aù-rijv h^txh ae KEt pour rendre cette tâche plus facile à ses auditeurs, il consacre cette conférence introductoire à un résumé succinct du Credo catholique, dont les suivantes reprendront ensuite point par point le détail. Catech., iv, 2-3, P. G., t. xxxiir, col. 455-457.

On a dans ces lignes de l'évêque de Jérusalem comme une miniature de toute l’action pastorale de l’ancienne Église, également soucieuse depuis saint Clément et saint Ignace, saint Justin et saint Irénée, Origène et Tertullien, d’assurer à ses fidèles le bienfait de la vérité et de la garantir contre les altérations ou les oppositions diverses de l’erreur. Croire signifiait donc admettre et garder les doctrines constitutives du christianisme traditionnel. Voir par exemple S. Justin, Dial., 44, P. G., t. vi, col. 509-572 ; S. Irénée, Demonslr., Prolog., 1-2, dans Patrol. Orient., t. xii, p. 756-757, et autres références à l’art. Irénée, t. vii, col. 2492-2493 ; Origène, De princ, Prsef., P. G., t. xi, col. 115-121 ; S. Basile, De fide, P. G., t. xxxi, col. 676684 ; Pseudo-Basile, De baptismo, , 1-2, ibid., col. 15131517 ; S. Grégoire de Nazianze, Orat, xl, 45, t. xxvi, col. 424.

Parce qu’elle a pour objet une révélation, cette foi a pour note distinctive l’acceptation du témoignage divin. En quoi elle s’oppose aux conceptions et recherches de la raison : au lieu de spéculer sans fin et sans règle, le propre du chrétien est de croire. Celse n’avait pas tort quand il recueillait comme caractéristiques des propos de ce genre : « Ne recherche pas, ne critique pas, mais contente-toi de croire. Ta foi te sauvera. » Origène, Cont. Cels, i, 9, P. G., t. xi, col. (572. Voir de même Tertullien, De presser hier., 9-14, P. L., t. ii, col. 22-28, dont on retrouve encore de lointains échos jusque dans saint Jean Chrysostome, In I Tim., hom., i, 2-3, P. G., t. lxii, col. 506-507. Être sauvé par la foi, et la foi seule, ne signifie pas autre chose, dans ce contexte, que la profession fidèle des dogmes chrétiens et la soumission qu’elle implique à l’autorité de Dieu.

b) Sa valeur monde. — Ainsi comprise, la foi suppose un acte de volonté, fait de confiance à l’origine et stabilisé par la persévérance, c’est-à-dire une vertu de l’ordre moral et qui, de ce chef, a sa valeur méritoire.

On peut voir cet aspect s’avérer déj ; 'i formellement dans saint Irénée. Werner, op. cit.. p. 206-207. Ainsi par exemple, Cont. hær., IV, xxxix, 2, P. G., t. vii, col, 1110 : Si Iriulideris ei quod limm est, id est (idem cl subjectionem, recipies ejus artem et eris perjectum opus Dei. De la sorte la foi devient, par elle-même, une œuvre agréable à Dieu et peut entrer à un nouveau titre parmi les conditions préalables de la justification. Elle sera toujours nécessaire, parce que la grâce divine ne peut être accordée qu’a l'âme qui la sollicite avec une humble déférence ; mais il peut aussi arriver des cas ou elle s’affirme avec une telle plénitude qu’on puisse la dire suffisante.

Car, à vrai dire, elle n’est plus seule alors et le philosophe peut légitimement voir en elle les vertus dont elle est la synthèse ou dont tout au moins elle contient virtuellement la promesse. On a vu plus haut, col. 2085, qu’Origène entendait dans ce sens la justification par la foi seule qu’il lisait dans saint Paul. C’est tout de même en moraliste que saint Jean Chrysostome envisage la foi d’Abraham, plus méritoire, à son sens, que toutes les œuvres parce qu’elle suppose un plus grand abandon à Dieu, In Rom., hom. viii, 1, P. G., t. lx, col. 455, et saint Maxime de Turin la foi du bon larron en croix qu’il oppose à l’infidélité des apôtres au même moment. Hom., lii, P. L., t. Lvn. col. 349. Ici la foi est si peu exclusive des œuvres qu’elle leur est équiparée.

Mais l’expérience oblige à constater que cette fides viva, pour normale et nécessaire qu’elle soit, risque aisément de faire défaut. Comme les pharisiens, et avec la même superficielle sincérité, beaucoup de chrétiens imparfaits n’ont-ils pas tendance à réduire leur foi à une profession tout extérieure et verbale des symboles ecclésiastiques ? Attentifs à ce danger, qui fut de tous les temps, on a vu que les Pères ont éprouvé le besoin de rappeler aux croyants cette vérité primordiale que la foi doit inspirer la conduite, sous peine d'être dénuée de toute valeur pour le salut.

La distinction entre les divers aspects sous lesquels la foi se présente à l’esprit des premiers Pères fournit la clé des divergences constatées dans leur langage et supprime la tentation de transformer en flottement de leur pensée les hésitations d’une terminologie encore imprécise. Tentation particulièrement paradoxale, quand elle aboutit à mettre à peu près chacun des Pères en contradiction avec lui-même. En réalité, la foi correspond chez eux à l'élément surnaturel qu’implique la justification ; mais, loin de s’opposer jamais à l'œuvre morale de l’homme qui doit en retirer le profit, elle en est le principe et le germe. C’est pourquoi ils peuvent revendiquer l’une et l’autre comme une égale nécessité.

3° Nature des œuvres justifiantes. — Chaque fois qu’il est question de bonnes œuvres antérieures et préparatoires à la justification, les protestants affectent de croire à un empiétement sur les droits de Dieu. Aussi l'Église a-t-elle eu grand soin de préciser qu’il s’agit d'œuvr ?s faites avec le concours de la grâce. La position des Pères anciens n’est pas douteuse sur ce point.

1. Nécessité générale de la grâ e. — Déjà le fait de réclamer expressément et avant tout la foi au Rédempteur indique suffisamment que l'économie entière de la justification est suspendue à une première grâce. Mais, en plus de cette action lointaine, on voit s’affirmer son rôle immédiat à l’origine des actes qui relèvent de l’homme.

Il suffira de quelques témoignages. Saint Justin, admet que la grâce de Dieu est nécessaire pour donner l’intelligence des prophéties à l'âme de bonne foi qui cherche la vérité. Dial., 76, 90, 118-119, et tout autant pour en réaliser les exigences. * Nous prions ensemble avec ferveur et pour nous-mêmes et pour le nouveau baptisé…, afin d’obtenir, après la connaissance de la vérité, la grâce d’en bien pratiquer aussi les œuvres. » Apol., i, 65. Cf. Dial., 30. Voir.1. Rivière, Suint Justin cl les apologistes du second siècle, Paris, 1907, p. 1 19153 et 301-302. Non enim ex nobis, précise saint Irénée, neque ex nostra natura vita est, sed secundum gratiam J)ci datur. Cont. luvr., II, xxxiv, 3, P. G., t. vii, col. 836. Voir Werner, op. cit., p. 208-210, et art. [renée, t. vii, col. 2487-2188. Origène, s’il demande la foi comme première œuvre de l’homme, ne manque pas d’ajouter, pour répondre à une objection possible, qu’elle est elle-même un don de Dieu : Inter cetera doua