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JUSTIFICATION, LA DOCTRINE AVANT LE PÉLAGIANISME


Ainsi également saint Grégoire de Nysse : « Ni la foi sans les œuvres de la justice ne suffît à nous sauver, ni à son tour la justice de la vie n’est par elle-même une assurance de salut si on l’isole de la foi. » In Ecclesiast., hom. viii, P. G., t. xuv, col. 748. Et à plus forte raison le grand moraliste saint Jean Chrysostome, qui appelle la foi stérile une ombre sans force, ayjnii son [xévov XM/lç Suvdefxea) ; maziç, xoiplc, epywv, In II Tim., hom. vm, 2, P. G., t. lxii, col. 643. et met à plusieurs reprises ses auditeurs en garde contre l’illusion d’être sauvés par la seule foi si la conduite n’y correspond. « Si quelqu’un a une foi droite sur le Père, le Fils et le Saint-Esprit sans avoir une vie droite, sa foi ne lui sera d’aucun profit pour le salut. » In Joan., hom. xxxi, 1, t. lix, col. 176. Doctrine appuyée sur la parole du Maître : Non omnis qui dicit : Domine, Domine, Matth., vii. 21, dont il donne ailleurs le commentaire in extenso. In Matth., hom. xxiv, 1, t. Lvn, col. 321322. Cf. hom. v, 4, ibid., col. 59-61 ; hom., xxvi, 6, col. 340-341, et hom. lxix, 2, t. i.vm, col. 650. Voir de mêmî saint Cyrille de Jérusalem, Catech., iv, 2, t. xxxiii, col. 456.

c) Doctrine qénérale de la vie chrétienne. — En dehors des textes scripturaires et des exhortations morales occasionnelles, deux sujets, l’un et l’autre familiers à la prédication aussi bien qu’à l’ascèse chrétiennes, amenaient régulièrement les Pères à développer ls thème de la nécessité des œuvres.

C’était, d’une part, l’exposition de la liturgie baptismale, si souvent faite aux fidèles, et qui leur apprenait ou leur rappelait avec énergie les obligations contractées lors de leur enrôlement au service du Christ. Voir, par exemple, saint Pacien, Serm. de bapt., 7, P. L., t. xiii, col. 1004 : Ulud homini proprium… vita perpétua, sed si jam non peccamus amplius ; saint Arabroise, De myst, vii, 41 ; P. L., t. xvi, (édit. de 1866), col. 419 : Fides tua pleno fulgeat sacramento. Opéra quoque tua luceant et imaginem Dei præjerant ; anonyme, De Sacram., I, ii, 4-8, - ibid., col. 437-438, et III, il, 8-10, col. 453 ; saint Cyrille de Jérusalem., Catech., xx, 3, P. G., t. xxxiii, col. 1077, et xxi, 7, col. 1093 ; saint Basile, Hom., xiii, 7, t. xxxi, col. 440 ; saint Grégoire de Nazianze, Orat., xl, 45, t. xxxvi, col. 424. « Élève-le bien sur ce fondement de tes croyances ; car la foi sans les œuvres est morte, comme les œuvres sans la foi ; » saint Grégoire de Nysse, Orat. cal. mag., 35 et 40, P. G., t. xlv, col. 88 et 101-104.

Il y faudrait ajouter les exhortations à la pénitence adressées à ceux qui sont retombés dans le péché après le baptême, v. g. saint Cyprien, De lapsis, 7-33, P. L., t. iv, col. 494-506 ; saint Pacien, Par. ad pœnit., t. xiii, col. 1031-1090 ; saint Ambroise, De pœnit., ii, 6-10, t. xvi, col. 528-542 : saint Basile, Hom., i, 4 et 11-12, P. G., t. xxxi, col. 168 et 181-184, qui toutes ont pour but d’inviter les pécheurs à racheter leurs fautes par un surcroît de bonnes œuvres et de sacrifices. Enfin la prédication des fins dernières et, en particulier, du jugement divin était tout naturellement l’occasion de rappeler ce principe de justice et d’espérance que Dieu y rendra à chacun selon ses œuvres. Références à l’art. Jugement, ci-dessus, col. 1765 sq.

Et l’on voit suffisamment que la nécessité pour l’homme d’être l’ouvrier effectif de son propre salut en faisant fructifier la grâce de la rédemption, loin d’apparaître comme une sorte d’épiphénomène accidentel, s’incorpore chez les Pères des quatre premiers siècles aux principes les plus essentiels du dogme chrétien.

2 U Ncdure de la foi justifiante. — Il n’y a pas lieu d’insister beaucoup sur la manière dont est conçue, dans la même période, la foi requise pour la justification.

Que ce mot, alors aussi bien qu’aujourd’hui, expri mât une somme de réalités diverses et complexes, la chose n’est pas douteuse ; mais nulle part il n’est restreint à ce sentiment mystique de confiance, base de la Réforme, par lequel le pécheur abriterait sa misère derrière les mérites du Rédempteur. D’une manière générale, les anciens Pères, tout comme les théologiens modernes, entendaient par foi l’assentiment aux vérités contenues dans la révélation divine. Voir Foi, t. vi, col. 78-82. C’est à cette lumière qu’il faut lire leurs exposés relatifs au problème de la justification. Il suffît de rappeler que le baptême, rite initiateur de la justification, était préparé par le catéchuménat et que l’élément capital de cette institution était cette explication méthodique du symbole dont la littérature de l’époque nous a conservé de si précieux spécimens. Voir Catéchuménat, t. ii, col. 19791983.

Sous le bénéfice de cette première observation, on peut distinguer, dans l’application de la notion de foi aux conditions du salut, deux aspects complémentaires, qui expliquent la teneur en apparence divergente des textes relevés ci-dessus.

1. Aspect dogmatique de la joi.

Tantôt la foi est prise dans un sens dogmatique et objectif, pour désigner l’économie chrétienne de la rédemption, seule source de la grâce. Dans ce cas, à la suite de saint Paul, elle est mise en rapport, et en contraste, soit avec le judaïsme, soit avec le paganisme. Outre la fidélité aux Écritures dont se nourrissait leur pensée, on conçoit que la considération du milieu mélangé dans lequel écrivaient et vivaient les Pères les ait amenés plus d’une fois à dégager formellement cette base profonde du surnaturel. Voir W. Liese, Der heilsnolwendige Glaube, Fribourg-en-B., 1902, p. 67-140.

A ce point de vue il est élémentaire de dire que la foi au Christ — ou la foi tout court : ce qui est synonyme

— est nécessaire pour être sauvé. Et il est non moins normal d’ajouter, soit, au sens positif, que nous sommes sauvés par la foi, soit, au sens exclusif, que nous ne sommes sauvés que par elle. Ce qui est une façon de répéter, avec les croyants du premier jour, Act., iv, 12, qu’il n’y a pour l’humanité de salut que dans et par le Christ. Dans ce sens, il est évident que la foi s’oppose aux œuvres, soit qu’il s’agisse de l’assiduité aux pratiques de la Loi, soit, d’une manière plus générale, de la valeur inhérente aux produits de notre seule activité morale. Il n’y a pas autre chose, dans la plupart des déclarations citées plus haut, col. 2083 sq., de saint Justin, de saint Irénée et d’Origène, de saint Ambroise et de YAmbrosiaster, de saint Basile et de saint Jean Chrysostome, que ce rappel du mystère de la rédemption. Encore faut-il prendre garde que, dans les plus accusées, l’expression sola fide ou ses équivalents reste assez indéterminée pour autoriser la double traduction « par la seule foi », c’est-à-dire uniquement par la foi, ou « par la foi seule », c’est-à-dire abstraction faite de toute autre vertu.

C’est dire que le problème précis de la justification ne se posait pas encore aux yeux de ces Pères et qu’en tout cas on fausse leur pensée en appliquant à cet acte de notre vie spirituelle ce qu’ils ont dit de ses conditions objectives selon le plan divin.

2. Aspect pratique de la foi.

D’autres fois cependant,

à n’en pas douter, la foi est envisagée par eux dans l’ordre psychologique et subjectif, comme prise de possession personnelle de la grâce obtenue à tous par la rédempteur. Appropriation qui se fait selon ks lois de la nature humaine, c’est-à-dire tout d’abord et essentiellement par un acte de l’intelligence qui prend contact avec la révélation divine et en accepte loyalement le contenu.

a) Son caraclè~e intellectuel. — Cet aspect intellectuel de la foi justifiante ressort du caractère des symboles,