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JOB (LIVRE DE). THÉOLOGIE, LA COUR DIVINE

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Cet échec à l’opinion des trois amis n’est point réparé dans les discours d’Elihu ; et la question de la rétribution de l’impie n’y fait pas un pas de plus que dans ceux de Job : c’est un dessein providentiel que la souffrance et la ruine du juste ; c’est pour le purifier, ou même, si l’on veut, le châtier de l’orgueil qu’il conçoit de sa propre justice, xxxiii, 15-19 ; xxxvi, 7-10. Mais il n’y est point répondu à la question que soulève l’anomalie du sort heureux du méchant : celui-ci est puni toujours ici-bas, parfois tardivement peut-être — c’est toute la concession qui est faite — xxxiv, 17-24, 29 ; xxxvi, 13-14. La justice distributive est établie par voie de raisonnement, sans que le problème particulier soit le moins du monde résolu.

La question de la rétribution ou rémunération finale n’est donc pas résolue dans le livre de Job. La conversion y est sans doute présentée comme un moyen, le seul à vrai dire, pour le coupable, et même pour l’innocent, d’éviter ou plutôt de faire cesser le châtiment divin, avec réintégration dans la félicité antérieure, v, 17-27 ; viii, 20-22 ; xi, 13-19 ; xxii, 21-30 ; xxxiii, 23-30 ; xxxvi, 10-12 ; mais il est évident que le moyen lorsqu’il est inemployé laisse subsister le problème de l’existence fortunée et de la fin tranquille de l’impie.

La morale personnelle de Job — règle de conduite de l’homme droit et craignant Dieu, établie point par point à rencontre des accusations hasardeuses ou erronées des trois amis, au c. xxxi — s’élève à une remarquable hauteur du triple fait des fondements religieux qui lui sont donnés, de son application aux dispositions ou aux mouvements les plus intérieurs de l’âme, du sentiment profond de justice qui lui fait réclamer la sanction la mieux appropriée à la faute. Ainsi Job a garanti le droit de ses serviteurs ; car

« Que ferais-je si Dieu se levait,

Que répondrais-je s’il me demandait compte ? » 14.

Il n’a pas attaché son cœur aux richesses ; car

« C’eût été péché que doit punir le Juge,

Ainsi j’aurais menti au Dieu Très-Haut. » 28.

Il a secouru le pauvre, la veuve, l’orphelin ; car

« Ne sommes-nous point du même créateur,

Ne nous a-t-il tous formés au même sein ? Ne m’a-t-Il pas nourri comme un père, Et soutenu dès le sein de ma mère ? » 15, 18.

Job affirme surtout sa droiture et sa loyauté non seulement dans les rapports sociaux, les affaires, ou l’exe cice de la justice, 5-6, 7-8, mais jusque dans ses pensées à l’égard de ses ennemis ou de ses proches, 29-30, 31-32, comme aussi à l’égard des séductions exercées sur l’âme par le> cultes étrangers, 26-27, 29. — Les sanctions qu’il envisage pour les manquements à toutes ces obligations morales auxquelles il s’est astreint, sont l’expression de la loi même du talion :

« Si j’ai dévié du droit chemin,

Porté la main sur le bien d’autrui ; Qu’un autre dévoie mes semences, Qu’on déracine mes plantations ! » 7-8.

« Si j’ai désiré la femme d’autrui,

Guetté à la porte du voisin ;

Puisse ma femme moudre pour un autre,

Un autre briser mon honneur conjugal ! » 9-10.

« Si ma main brima l’orphelin,

Parce que j’avais parti à la porte ;

Que mon épaule se détache du tronc,

Et que mon bras sorte de sa jointure ! » 21-22.

« Si mon champ cria contre moi.

Contre moi gémirent les sillons ; Si j’ai mangé, insolvable, de ses produits, Oté la vie à son premier possesseur ; Que lèvent les ronces pour le froment, Et les chardons au lieu de l’orge ! » 38-40.

Rarement l’humanité, l’équité et la loyauté s’exprimèrent en plus nobles termes,

« Sous l’appréhension de la colère de Dieu,

Dans l’attente de sa solennelle entrée. < 23.

6° La cour divine ; Satan « l’accusateur » ; Anges et Astres. — Dieu est au ciel, assis sur son « trône, » xxiii, 3, entouré de l’assemblée des « fils de Dieu, » i, 6 ; ii, 1 ; xxxvni, 7, ou des « saints. » v, 1 ; xv, 15, ses « serviteurs, » iv, 18a, et ses « messagers, » 186, premier corps de ses « armées » célestes, xxv, 3. Aux c. i et n du livre de Job, ils sont comme les assesseurs du « conseil » divin, xv, 8, constitué en haute cour ou lit de justice, où Job sera « jugé v particulièrement. Ainsi qu’il est naturel de le penser, c’est parmi eux que le patriarche pourrait trouver « avocat » ou défenseur, v, 1 ; xxxiii, 23.

C’est aussi parmi eux que sa cause, devant ce tribunal, trouve « accusateur », l’ange sâlûn, dont c’est précisément l’emploi d’exposer en pareille occurrence les griefs d’accusation, cf. Zach., iii, 1-2 — sâlûn n’étant pas un nom propre, mais l’appellatif d’une fonction, comme l’indique l’article : hassâlân, le sâldn,

« l’accusateur ». Ce personnage « parcourt » comme

d’office le monde créé, afin de « voir » ce qui s’y passe, et se documenter ainsi touchant les diverses causes susceptibles d’être introduites le « jour » de l’assemblée judiciaire, !, 7-8 ; ii, 1-3. Bien que tout à fait enclin de par cette spéciale fonction à trouver l’homme en défaut, cet être angélique n’est donc pas encore décrit comme un esprit mauvais ; et surtout l’on ne peut dire que le livre de Job ait subi à son endroit l’influence du parsisme, qui personnifie le principe du mal et l’oppose à celui du bien : notre sâlân demeure totalement soumis à Dieu, et n’agit pour le mal à réaliser que par expresse autorisation divine, dans des limites expressément fixées, i, 12 ; ii, 6

Il y a dans le livre de Job, comme aussi ailleurs : Ps. viii, 5-6 ; III Reg., xxii, 19 ; Ps. lxxxix, 6-9, corrélation évidente, parallélisme, entre les anges et les astres. Les uns et les autres « applaudissent » et « jubilent » à l’œuvre de la fondation de la terre, xxxviii, 6-7. Les uns et les autres sont dépourvus également de cette absolue perfection morale qui n’appartient qu’à Dieu et qui, a fortiori, ne peut être l’apanage de l’humanité :

« Dieu ne se fie point à ses serviteurs,

Et ses messagers ne sont pas irréprochables… iv, 18.

« Il ne se fie point à ses saints,

Et les cieux ne sont pas purs à ses yeux… » xv, 15.

« Comment l’homme serait-il juste devant Dieu,

Comment serait /> ! ir l’être né de la femme ?

Quand la lune même n’est pas claire,

Et les astres ne sont pas purs à ses yeux… » xxv, 4-5.

Sans doute l’on peut dire avec Dillmann, Hiob, p. 223, qu’il « ne suit point de là que l’auteur ait considéré les astres comme animés et, par suite, capables d’une pureté morale intérieure. S’il a voulu faire, de l’assertion que devant Dieu défaut la plus haute pureté créée, la base de sa preuve, il pouvait bien, sans infirmer la force de cette preuve, passer alternativement de la pureté morale à la pureté physique. » — Mais on peut objecter que s’il s’agit de pureté morale dans Dieu, les anges et l’homme, invoquer le défaut d’éclat purement matériel de créatures telles que les astres, est tout à fait hors de propos dans la comparaison, et ne peut servir de base à un a fortiori.

Faut-il dire, alors, que « les étoiles qui ne sont pas sans tache aux yeux de Dieu (Job, xxv, 5 : cf. xv, 15) désignent les anges, » Dict. de la Bible, Paris, t. ii col. 2037 (H. Lesêtre), et qu’ainsi une seule catégorie d’êtres supérieurs à l’homme soutient la comparaison. — Non, sans doute, puisque la « lune » même est