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Il STIFICATION, LA DOCTRINE AVANT LE PÉLAGIANISME


In Rom., iii, 27, P. L., t. xvii (édition de 1866), col. 84 ; mais, à l’exemple d’Abraham, on l’est par la foi seule, ibid., iv, 5, col. 87 : …. cum videant Abraham non per opéra legis scd sola fide justification. Non ergo opus est lex quando impius per solam fidem justificatur apud Deum. Marius Victorinus, spécialement exploité par Harnack, loc. cit., p. 158-160, et Dogmengeschichte, t. iii, p. 35, après Gore, dans Dict. of Christian biographg, t. iv, p. 1137, écrit de même sur Gal., ii, 15 : Scimus non justificari hominem ex operibus legis, sed justificari per fidem… Ipsa enim fides sola juslificationem dut et sanctificationem. P. L., t. viii, col. 1164. Cf. In Phil, iii, 9, col. 1219 et In Eph., ii, 7-11, col. 1255-1256. Où l’on voit que ces exégètes, à la suite de saint Paul, opposent la foi chrétienne aux œuvres de la Loi, celles-ci étant absolument insuffisantes et inutiles sans celles-là. Ce qui est une manière d’affirmer que le salut nous vient, non de nos propres mérites, mais uniquement de notre rédemption par le Christ. Il s’ensuit que croire au mystère de cette économie rédemptrice est la première et la plus indispensable condition pour être sauvé, sans qu’il faille nécessairement conclure que cette disposition est la seule requise de notre part.

Cette même doctrine se retrouve ailleurs, en dehors de toute exégèse, comme une vérité dogmatique. Ainsi saint Basile disait à ses fidèles pour les exhorter à l’humilité : « Il n’y a pour vous de glorification parfaite et complète que dans le Seigneur, lorsque, au lieu de se prévaloir de sa propre justice, on se reconnaît dénué de la justice véritable et justifié par la seule foi au Christ. » Hom., xx, 3, P. G., t. xxxi, col. 529. Saint Jean Chrysostome ajoute, contre les tenants attardés du judéo-christianisme, que cette foi au Christ exclut formellement tout autre moyen de salut : « Les observances judaïques sont doublement des fables, et parce que simulées, et parce que superflues… Si, en effet, tu crois à la foi, pourquoi introduire autre chose, comme si la foi ne suffisait pas à justifier ? » In TH., hom. iii, 2, P. G., t. lxii, col. 679. Cf. In Matth., hom. xxvi, 4, P. G., t. i.vn, col. 338. Chez les latins, saint Ambroise souligne pareillement. l’insuffisance de la loi et de ses œuvres pour faire éclater le bienfait de la rédemption : Venit Dominus Jésus… in cuius morte juslificali sumus. De Jacob et vita beala, I, v, 17, P. L., t. xiv (édit. de 1866), col. 636. D’où il s'élève à ces effusions : Non habco igitur unde gloriari in operibus meis possim, non habeo unde me jactem, et ideo gloriabor in Christo. Non gloriabor quia juslus sum, sed gloriabor quia redemptus sum. Ibid., vi, 21, col. 637. Cf. Epist., lxxiii, 10-11, t. xvi, col. 1307-1308 : Nemo glorietur in operibus, quia nemo factis suis justificatur : sed qui juslus est donalum habet, quia per lavacrum juslificalus est. Fides ergo est qux libéral per sanguinem Clirisli.

A la suite de Mélanchthon, Apolog., iv, 103-105, les protestants s’emparent volontiers de ces déclarations et A. Harnack lui-même y trouve un accent « évangélico-paulinien » très marqué. Loc. cit., p. 156. En réalité, ces textes ne sont pas ad rem. Ils opposent la foi aux œuvres légales du judaïsme ou, d’une manière plus générale, au fruit de nos activités naturelles. C’est dire qu’ils affirment la nécessité de la rédemption et de la grâce, mais sans préciser pour autant la manière dont la rédemption nous est appliquée, Un aspect de l'économie du salut est indiqué là, qui appartient à la plus authentique essence du chris tianisme, mais qui n’en exprime pas la totalité. La preuve en est que les mêmes auteurs, lorsqu’ils en viennent à envisager sous son aspect pratique l’appropriation de cette grâce rédemptrice, font appel avec la même énergie à la coopération de l’homme par les bonnes œuvres.

b) Doctrine spéciale des œuvres. — Elle s’affirme pareillement dans les diverses parties de l'Église. Il est entendu que la tradition de Tertullien domine la théologie latine. Ainsi saint Hilaire veut que la récompense éternelle nous soit accordée ex merito. In Ps. ii, 16, P. L., t. ix, col. 270. En conséquence, il s'élève contre ceux qui voudraient se contenter de la simple foi, In Ps. cxviii, ProL, 4, col. 502, et exige l’effort de notre bonne conduite : Operandum et promerendum est et per solliciludinem operum anleriorum œternilalis est requies præparanda. In Ps. *C/, 10, col. 500. Cf. In Ps. L.iꝟ. 6, col. 416 : Ornandum ergo hoc Dei templum…, ut sequitatis ac fidei operibus mirabile sil. Autres références à l’art. Hilaip.e, t. vi. col. 2450. Saint Ambroise rapproche la foi et les œuvres pour en montrer l'étroite corrélation : Ante omnia fides nos commendare Deo débet. Cum fidem habuerimus, claboremus ut opéra nostra perfecta sint. De Caïn et Abel, II, ii, 8, t. xiv, col. 362. Cf. In Luc, vii, 104, t. xv, col. 1814 : Et fide et operibus (fidelis vir) approbetur ; In Luc, viii, 47, col. 1869 : Pro actibus hominis remunerationis est qualitas, et Epist., ii, 16, t. xvi. col. 921. L’Ambrosiaster ne connaît pas non plus d’autre norme au jugement divin que la valeur de nos actes : Unusquisque operibus suis aut justificabitur eut condemnabitur. In Rom., xiii, 2, P. L., t. xvii, col. 171. Cf. ibid., ii, 5, col. 68. Aussi ne veut-il pas séparer la connaissance de Dieu de la fidélité à ses commandements : Prima ergo hsec justitia est agnoscere creatorem, deinde custodire quæ prxccpit. Ibid., ix, 30, col. 147.)

Les meilleurs témoins du christianisme oriental ne tiennent d’ailleurs pas un autre langage. Dans l'Église syrienne, Aphraate enseigne évidemment que tout l'édifice spirituel a comme fondement la foi au Christ : mais par-dessus doivent se placer le jeûne, la prière, la charité, l’aumône. « La foi, conclut-il, réclame tous ces ornements établis sur la base de la pierre ferme qui est le Christ. » Demonst., i, 4, Palrol. syriaca, t. i, p. 11-14. « Fais donc, ô homme, les œuvres qui réjouissent Dieu et tu n’auras pas besoin de dire (à Dieu) : Pardonne-moi. » Ibid., iv, 14, p. 170. Thomasius, op. cit., p. 427-430, s’est longuement réclamé de saint Éphrem, alors peu connu. Mais, dans les textes mîmes qu’il invoque, on voit que le docteur d'Édesse, s’il prêchait une foi ardente au Christ Rédempteur, entendait que cette foi doit se traduire par la pénitence. Voir en particulier Opéra, édition Assémani, t. i, p. 29 sq., 254 sq. ; t. iii, p. 514 ; t. vi, p. 367 sq. Ce qui comprend pour lui, avec le repentir du cœur, les œuvres qui en sont la manifestation, 1. 1, p. 249-254. i |W>

Identique est la doctrine des Pères grecs. Témoin Eusèbe de Césarée, qui reproche aux ébionites leur attachement aux pratiques juives, « comme, ajoutet-il, s’ils ne seraient pas sauvés par la seule foi au Christ et une vie conduite en conséquence. » II. E., U 1, xxvii, P. G., t. XX, col. 273. Saint Basile réclame lui aussi, pourvoir Dieu, l’union d’une foi saine et d’une vie droite. Epist., viii, 12, P. G., t. xxxii, col. 265. « Celui-là, en effet, qui par ses bonnes œuvres rend ici-bas honneur et gloire au Seigneur s’amasse à luimême un trésor d’honneur et de gloire selon la juste rémunération du juge. » Hom. in Ps. XXVlll, 1, P. G., t. xxix, col. 281. Voir Eug. Scholl, Die I.chrc des hl. Basilius pan der Gnade, Fribourg, 1881, p. 212-222, ( t.1. Bi vieil, Saint Basile, dans la collection des Moralistes chrétiens, Paris, 1925, p. 92-95. Saint Grégoire de Na/ianze associe sans effort les données de saint Jacques el. de saint Paul : « De même que sans la foi l’action n’est pas agréable à Dieu…, ainsi la loi est morte sans les œuvres….Montrez donc votre foi par vos œuvres comme le fruit de votre sol. » Oral., XXVI, 5, P. G., t. xxxv, col. 1233. Cf. Oral., xiv, 37, col. 908 et xxxvi, 10, col. 277.