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JUSTIFICATION, LA DOCTRINE DANS SAINT PAUL


tiam) præcedenlium delictorum in suslenlalione Dei — ad oslensionem (dico) justitiie ejus in hoc tempore ut sit ipse juslus et justiftcans eum qui est ex fide Jesu Christi. « Tous ont péché et sont dépourvus de la gloire de Dieu, lequel les justifie (désormais) gratuitement par sa grâce, moyennant la rédemption qui est en le Christ Jésus, que Dieu a disposé comme un instrument de propitiation par la foi en son sang ; afin de montrer sa justice, ayant supporté les péchés passés sans les punir dans le temps de la patience de Dieu ; pour montrer (dis-je) sa justice dans le temps présent, afin qu’il soit établi qu’il est lui-même juste et qu’il justifie (rend juste) celui qui a eu foi en Jésus. » — De même Rom., v, G-10 : « Le Christ, lorsque nous étions encore impuissants, au temps voulu, est mort pour des impies… Dieu prouve (ainsi) son amour pour nous en ce que, nous étant encore pécheurs, le Christ est mort pour nous. A plus forte raison donc, justifiés que nous sommes maintenant dans son sang, serons-nous sauvés par lui de la colère. En effet, si, étant ennemis, nous avons été réconciliés à Dieu par la mort de son Fils, à plus forte raison, réconciliés, nous serons sauvés dans sa vie.

Gal., i, 3 : « A vous grâce et paix de la part de Dieu notre Père, et du Seigneur Jésus-Christ, qui s’est donné lui-même pour nos péchés, afin de nous arracher au mauvais siècle présent. » — Eph., i, 7 : « En lui (Jésus) nous avons la rédemption acquise par son sang, la rémission des péchés, selon les richesses ele sa grâce. » - — Enfin Rom., iv, 23 : « S’il a été écrit que cela lui fut compté à justice (la foi d’Abraham) ce n’est pas seulement à son propos, mais aussi à cause de nous, auxquels cela doit être compté, à nous qui croyons en celui qui a ressuscité des morts Jésus, notre Seigneur, lequel a été livré à cause de nos iniquités et ressuscité à cause de notre justification. » Saint Paul connaît donc deux moyens ou instruments de justification, moyens associés et dont le second dépend du premier, la mort rédemptrice et la résurrection du Christ, moyen externe, et la foi, moyen interne.

Qu’est-ce donc que cette justice conférée à des impies, cette justice dont la collation par Dieu est devenue possible grâce à la rédemption accomplie par le Christ, cette justice sans œuvres et pour laquelle la foi est, du côté du pécheur, la seule condition et préparation requise, la foi paulinienne s’entend, dont nous avons dit la complexité psychologique ? Ce n’est pas pour saint Paul une qualité de l’ordre purement moral, mais de l’ordre moral et mystique tout ensemble. Nous avons déjà vu qu’il faisait de la foi, commencement dans l’homme de la justice, quoique non pas la justice encore, un don de Dieu, une « grâce », c’est-à-dire une réalité de l’ordre mystique ou divin. Mais il n’est pas moins évident que la foi est une qualité de l’ordre moral, puisqu’en elle et par elle, le pécheur commence de recouvrer vis-à-vis de Dieu et du bien moral dont il est la réalisation suprême et la norme première, des rapports normaux, de justes et droites dispositions ou intentions. Nous apercevons pareillement dans la justice paulinienne, à la fois un don de Dieu, une réalité de l’ordre mystique et une valeur de l’ordre moral.

2. Justification et baptême.

« La justification, écrit le P. Lagrangc, se produit à un moment déterminé, normalement au baptême qui est aussi un acte très concret… La justification est donc, d’après Paul, le don de la justice fait par Dieu à celui qui a cru, demandé et reçu le baptême. » Ép. aux Rom., p. 140. Ce n’est pas la foi toute seule mais la foi avec le baptême, et plus spécialement le baptême, qui est, entre les mains de Dieu, l’instrument de notre justification. La foi la commence, mais c’est le baptême qui la consomme. Nous avons signalé cette liaison de la justification avec le baptême, où nous sommes purifiés.

sanctifiés et, pour tout dire, justifiés. I Cor., vi, 11 ; Tit., iii, 7. Au moment décisif, la doctrine de saint Paul sur la justification rejoint donc sa théologie du baptême et se confond avec elle. L’idée très positive qu’il se fait de la justice se confond, pour ce qui regarde du moins la réalité qu’elle entend traduire, avec sa conception des effets du baptême dans le croyant.

Ce n’est point ici notre tâche d’analyser les effets du baptême. Rappelons seulement que le baptême, sacrement de notre incorporation à Jésus-Christ, nous associe à sa mort et à sa vie. Rom., vi, 3 sq. : « Ignorez-vous que nous tous qui avons été baptisés dans le Christ Jésus, nous avons été baptisés dans sa mort. Nous avons donc été ensevelis avec lui parle baptême (pour nous unir), à sa mort, afin que, comme le Christ a été ressuscité des morts par la gloire de son Père, nous marchions, nous aussi, dans une vie nouvelle. » Plus clairement encore Col., ii, 12-13 : « Ensevelis avec lui dans le baptême, vous avez été dans le même baptême ressuscites avec lui par votre foi à l’action de Dieu qui l’a ressuscité d’entre les morts. Vous qui étiez morts par vos péchés… il vous a rendus à la vie avec lui, après vous avoir pardonné toutes vos offenses. » Associés à la mort du Christ, qui a été une mort pour (l’expiation de) nos péchés, I Cor., xv, 3 et une mort « au péché », Rom., vi, 10, nous recevons, dans le baptême, la rémission de nos péchés (purification) et nous mourons au péché pour ce qui regarde sa domination ultérieure. Rom., vi, 2, 6, etc. Associés à la vie du Christ ressuscité qui est une « vie en Dieu », « une vie pour Dieu », Rom., vi, 8, 10, nous devenons « saints », au baptême, par notre participation même à la vie du Christ. Gal., ii, 20, dit bien les deux choses : Christo confixus sum cruci (cveaTpaùpo ; |j(.ai). Vivo autem jam non ego, vivit vero in me Christus. Purifié du péché et sanctifié, le baptisé est justifié ; c’est un autre mot pour dire la même chose. C’est dans ce contexte baptismal qu’il faut lire I Cor., i, 30 : « C’est par lui (Dieu) que vous êtes en Jésus-Christ, lequel de par Dieu, a été fait pour nous sagesse et justice et sanctification et rédemption. » et II Cor., v, 21 : « Celui qui n’a point connu le péché, il l’a fait péché pour nous, afin que nous devenions en lui justice de Dieu. »

Une précision cependant s’impose, qui achèvera de dégager la notion propre de justice et de justification. J’en emprunte la formule au P. Lagrange : Cet « argument (à savoir la justification mise au passé et la sanctification présentée comme étant en voie de réalisation, Rom., vi) prouve bien que la justification est un acte initial. Il est vrai que si la sainteté ou l’Esprit est donné et progresse, on en peut dire autant de la justice. Mais nous ne songeons pas à nier que l’idée de justice implique un rapport extérieur plus directement que celle de sainteté. Il est de la nature d’un rapport extérieur qu’il soit établi extérieurement, constaté une fois pour toutes. On ne grandit en justice qu’autant que la justice est identifiée à la sainteté, à la vie intérieure, à l’Esprit donné, à la grâce reçue. Mais la justice entant qu’elle marque la restitution des rapports souhaitables entre Dieu et l’homme se rétablit et ne change plus, à moins que ces rapports ne soient rompus de nouveau. Voilà pourquoi la justification est, plus que la sanctification, liée à l’acte extérieur du baptême. » Ép. aux Rom., p. 140 sq. C’est juste et cela fait entre les trois effets attribués au baptême, sinon une différence réelle, du moins une distinction conceptuelle. Cf. Prat, La théologie de saint Paul, t. ii, p. 302.

Réalité de l’ordre mystique et en premier lieu, puisqu’elle est, pour saint Paul, un effet du baptême, un don positif de Dieu, une « grâce », la justice conférée n’en est pas moins une valeur de l’ordre moral. En elle achèvent de se rétablir les relations normales de