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JUSTIFICATION, LA DGCTR1NE DANS SAINT PAUL
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une allusion manifeste au baptême, et c’est la causalité baptismale que décrivent pareillement ces trois termes : purifier, sanctifier, justifier, et cette seule remarque sullit à rendre invraisemblable le sensus /orensis pour justifier. « Quoi de plus clair, écrit le P. Lagrange, pour prouver que la justification n’est pas une déclaration extérieure distincte de la sanctification qui est intérieure. » Ép. aux Rom., p. 131. C’est qu’en effet ces trois termes par où saint Paul décrit l’action du baptême dans le croyant semblent bien avoir foncièrement le même sens. Tel est également le sentiment des PP. Cornely et Prat. Un passage, parallèle pour le sens principal, Eph., v, 20 : Christus dilexit Ecclesiam, et seipsum tradidit pro eu, ut illam sanctificaret, mundans luvacro aquæ in verbo vitæ, où sanctificaret est déterminé par mundans, montre que l’ordre : purifier, sanctifier, justifier, n’a pas pour saint Paul d’intérêt particulier et n’exprime ni une gradation ni une succession qui ne se peut changer. Le sens de justificuti estis est donc dans cet endroit, I Cor., vi, 11 : « constitués justes » (Cornely) ou « devenus justes » (Lagrange). — Gal., 11, 1C, 17 : Scienles autem quod non justificatur homo ex operibus legis, nisi per (Stà) fidem Jesu Christi ; et nos in Christo credimus (credidimus) ut juslificemur ex fide Christi et non ex operibus legis, etc. La formule per fidem, énonçant l’idée de la causalité instrumentale de la foi dans la justification, suggère pour justifucmur le sens, non pas d’être déclarés justes, mais de devenir justes (Cornely, Lagrange). — Gal., m, 11 : Quoniam autem in lege nemo justificatur apud Deum. Le sens d’être déclaré juste est exclu parla finale apud Deum. Déclaré juste par qui ? « Établir sa justice devant Dieu « (Lagrange), plutôt que « être rendu juste devant Dieu » (Cornely). — Gal., ni, 24 : Ut ex fide juslificemur. « Devenir justes » (Lagrange). — Gal., v, 4, 8 : Evacuati estis a Christo, qui in lege juslificamini (cherchez la justice)… Nos enim spiritu ex fide spem justifiée exspectamus. Spein justitiæ n’est pas l’espérance qui a pour objet la justice (Tobac) mais les biens que la justice espère (Cornely, Lagrange). La conclusion de M. Tobac tombe donc : « La justice et sa reconnaissance par la sentence de justification sont certainement présentées ici, ainsi que dans toute l’Épître aux Galates, comme eschatologiqru.es, comme objet d’espérance. » Op. cil., p. 236, note. — Tit., iii, 7 : Ut justificati gralia ipsius. D’après le contexte, cela se passe au baptême. Le sens de : devenus justes ou même de : rendus justes est donc certain.

2. Sens du mot « justifier ». — Le verbe Sixotioûv à l’actif se rencontre Rom., iii, 26 : Ut sit ipse jus tus cl ju.stip.cans qustifttando) eum qui est ex fric Jesu ( hnsli La mention de la foi (ex fide) et le contexte, ꝟ. 25, 28, suggèrent le sens de rendre juste plutôt que déclarer juste, qui est trop faible (Cornely, Lagrange). — Rom., 111, 30 : Qui juslificat (Sixauonei = juslificabit) circumeisionem ex fide et privpulium per fidem. Le sens eschatologique et donc forenslque, suggéré par le futur, est exclu par la mention de la foi comme instrument <Ie justification. « Futurum…normam déclarai generalem, quæ nunc adhibetur semperque adhibebitur. » Cornely, l’.p. ad Rom., p. 202. Loin., iv, 5 sq. :

Ei vero <P" """ operatur, credenti autem in eum qui justifleai impium, reputatur fuies ejus ml justiliam… Sicul et David dicit beatitudinem hominis cui Dcus accepta fat justiliam sine operibus : Beati quorum vernissa sunt iniquitates, quorum tecta suni peccata. Déclarer juste l’impie sans que rien soit changé dans son étal réel est un défi au bon sens. Juslificat impium a d’ailleurs pour parallèle Beati quorum remissæ sunt iniquitates, rappelant lui-même, pour autant <iu moins qu’il s’agit de saint Paul, les textes relatifs à la purifl cation des péeliés. Les expressions reputatur (députa lur) fiiles ad justiliam et accepto jcrl justiliam (XoyiÇe-roa)

sont elles-mêmes fortes et d’esprit réaliste. L’idée d’une action dont la justice réelle est le terme est présente partout dans ce passage. — Rom., viii, 30 : Hos et justifleavit ; quos autem justificaint hos et glorificauit. Le sens de « rendre juste 1 est recommandé par le glorifl.cavit qui suit et qui est causatif (Lagrange). — Rom., vm, 33 : Dcus qui juslificat, quis est qui condemnabil. Déclarer juste par sentence judiciaire (Cornely). Le P. Lagrange trouve ce sens trop fort. A ce compte, l’hypothèse même d’une condamnation serait inconcevable. Il préfère la traduction : soutenir la cause ou mieux donner la justice. — Gal., iii, 8 : ex fide justificat Génies Deus. Cf. Rom., v, 17 ; ix, 30. Le sens est certainement : confère la justice.

3. Sens du mot « justification ». — Quant au substantif verbal Sixxitoatç nous le rencontrons deux fois. Rom., iv, 25 et v, 18. Il signifie, la première fois vraisemblablement, la seconde fois sûrement, la collation de la justice. — Rom., iv, 25 : et resurrexit propler juslificationem noslram. Il est significatif cjue la justification soit liée à la résurrection du Christ au lieu de l’être à sa mort. « La résurrection suggère l’idée de vie, » (Lagrange) et donc celle de justice réelle. — Rom., v, 18 : Sic per unius justiliam (SixaiwpiaTOÇ opposé à TCapot7T7a)ji.aToç = acte juste ou de justice) in ornnes homines in juslificationem vitæ, c’est-à-dire la justification qui donne la vie. La pensée est d’ailleurs confirmée au ꝟ. 19 : Sicut enim per inobedientiam unius hominis peccalores constituti sunt mulli, ila per unius obedilionem justi constiluentur, seront faits justes.

Le langage de saint Paul apparaît donc en parfaite harmonie et continuité avec celui de la Bible grecque. Le sens de « devenir juste » pour St, xaio’jaOai est seulement plus fréquent chez lui et celui de « recevoir ou de conférer la justice, » qui sont corrélatifs, y prend un relief, nouveau sans doute, mais que ne condamnait point l’usage ancien et que la doctrine paulinienne appelait et éclairait.

Le concept de justification.

Les trois lignes

distinctes suivant lesquelles s’est développée notre recherche en regard de ces trois concepts : justic ! de la loi, justice de la foi, justification, aboutissent donc à la notion d’une justice réelle conférée par Dieu au croyant. Le. fait ne peut vraiment être contesté.

1. Justification et rédemption.

- Mais comment se peut-il faire que Dieu confère ainsi la justice, sans œuvres, sur le seul titre de la foi et, ce qui est encore plus déconcertant, à des impies ? Car pour saint Paul, il s’agit bien d’impies, de pécheurs. Il était réservé à l’Apôtre de formuler explicitement, le premier, cette doctrine du péché originel, dont ni l’Ancien Testament ni la théologie juive au premier siècle de 1ère chrétienne, bien qu’elles en contiennent l’amorce ou, si l’on veut, l’écorec, a savoir la déchéance de l’humanité entière en suite du péché d’Adam, ne nous livrent la notion précise et certaine. On la peut lire Rom., v, 12 sq. Ce péché du premier homme, qui fait tous les hommes pécheurs, dont tous les hommes sont coupables, les a livrés, surtout lorsque la loi est intervenue, à l’empire du péché, dont ils ont fait personnellement les œuvres, .Juifs et Gentils. Rom., iii, 9 : « Nous venons de prouver que Juifs et Gentils sont s tus le péché, » Rom., iii, 23 : « Tous ont péché et sont dépourvus de la gloire de Dieu. » La vraie formule de la justification est donc bien pour saint Paul, Rom., IV, 5 : credenti in eum qui justifiait impium, qui rend juste l’impie.

Cette justification de l’impie a été rendue possible par « la rédemption qui est dans le Christ Jésus. » Rom., iii, 21 : Justificati gratis per graliam ipsius, per redemptionem qurn est in Cliristo Jesu, quem proposuit Drus propitiationem per fidem in sanguine ipsius, ad ostensioncm justitiæ su : c propler rrmissioncm (toleran-