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JUSTIFICATION, LA DOCTRINE DANS SAINT PAUL


lable, se réfugier en lui, ètù 6e6v, comme en un asile assuré, tendre vers lui, eîç Geôv, comme à sa fin. suprême. » La théologie de saint Faut, t. ii, p. 286. Mêmes constructions avec le mot Christ : Nous avons dans (èv), le Christ, Gal., iii, 20 ; I Tim., iii, 13 ; au (eîç) Christ, Rom., x, 14 ; Gal., ii, 16 ; Phil., i, 29 ; Col., ii, 5 ; en prenant appui sur (eut) le Christ, Rom., x, 11 ; avoir foi au (tw) Christ, II Tim., i, 12 ; envers (rcpôç) le Christ, Phil., 5. La formule : foi de Jésus-Christ, Rom., m, 22, 26 ; Gal., ii, 16, 20 ; iii, 22 ; Phil., iii, 9, dit tout cela à la fois. L’exégèse de Haussleiter interprétant foi de Jésus-Christ dans le sens de foi qu’avait Jésus-Christ lui-même, au lieu de foi dont Jésus-Christ est l’objet, qui est l’explication commune, mérite à peine d’être mentionnée et n’a trouvé aucun accueil. Cf. Prat, La théologie de saint Paul, t. ii, p. 543. — Le mot d’Eph., m, 17 : Christum habitare per (Sià) fidem in cordibus vestris, implique une étroite liaison de la foi avec le Christ son objet. — De même Hebr., xii, 2 : Aspicientes in auctorem fidei et consummatorem, Jesum, où nous voyons reparaître d’autre part, avec consummatorem, le concept de foi-espérance. Parmi les endroits qui assignent à la foi un objet spécial, ceux-ci méritent d’être signalés : Rom., iii, 25 : Quem proposuit Deus propitialionem per fidem in sanguine ipsius. In sanguine détermine à la fois propitialionem et per fidem ; Rom., x, 9, cf. iv, 24 : et in corde tuo credideris quod Deus suscilavit illum (Christum) a morluis ; Col., ii, 12 : Resurrexislis (in baptismo) per (Sià) fidem operationis (génitif d’objet) Dei qui suscitai>it illum (Christum) a morluis ; IThess., iv, 13 : Si enim credimus quod Jésus mortuus est et resurrexit.

Le concept paulinien de foi renferme donc, se référant à un objet lui-même complexe, tout un ensemble d’éléments psychologiques divers, désir, confiance, obéissance, reliés, comme à leur centre, à cette créance que notre esprit accorde à Dieu et au Christ, laquelle définit premièrement la foi mais n’en épuise point la richesse. Nous sommes loin de la notion luthérienne de la foi pure confiance, qui d’ailleurs embarrasse de plus en plus, par son étroitesse anti-psychologique et son opposition aux textes, les exégètes protestants. Cf. Prat, La théologie de saint Paul, t. ii, p. 539.

2. Justice et foi.

Mais il est temps de revenir à notre dessein principal qui est d’analyser le lien qui, pour saint Paul, rattache la justice à la foi. Voyons les textes. Ils nous ofïrent, pour ce qui regarde la justice et la foi, des constructions diverses, analogues à celles que nous avons rencontrées pour les mots foi et croire.

a) Analyse des principales expressions. — La justice est rattachée à la foi par l’intermédiaire de la préposition èx : Rom., ix, 30 : Justitia autem quæ ex fide est ; x, 6 : Quæ autem ex fide est justitia ; Rom., i, 17 : Justitia enim Dei in eo (evangelio) revelatur ex fide ; v, 1 : Juslificati ergo ex fide ; Gal., ii, 16 : Ut justificemur ex fide Christi ; Gal., iii, 24 : Ut ex fide justificemur. Manifestement distincte de la foi, la justice en procède, la justification trouve en elle son point de départ et d’appui. dette dernière idée s’affirme plus nettement encore, Rom., iii, 24 : Et justificans eum qui est ex fide Jesu Christi, et surtout iii, 30 : Qui jusliftcat circumeisionem (les circoncis) ex fide ; Gal., ni, S : Ex fide jusliftcat dentés Deus. Il devient évident que si la justice, distincte de la foi, en procède, ce n’est pas directement et comme une dérivation naturelle, mais par l’intermédiaire d’un acte divin dont elle est l’effet et le terme.

Ailleurs le rapport de la justice et de la justification a la foi est exprimé par le moyen de la préposition instrumentale Stâ, qui ne prend tout son sens qu’en fonction de l’acte divin justificateur : Hoin., iii, 22 : Justitia autem Dei (quee est) per fidem Jesu Christi ; Rom., iii, 30 : qui jusliftcat… præpulium (les gentils)

per fidem ; Phil., iii, 9 : Serf illam quslitiam) quæ ex fide (per fidem) Jesu Christi. L’homme est justifié, Dieu justifie l’homme par le moyen de la foi, en utilisant la foi comme cause instrumentale. Les constructions avec i-izi, Philip., iii, 10 : Quæ ex Deo est justitia in fide (ènl ttj 71îaTei), et avec xoctoc, Hebr., xi, 7 : Et justitiæ quæ per (secundum) fidem est, introduisent l’idée de la foi base de la justice, de la foi norme et mesure de la justice. De toutes ces formules la plus énergique est sans doute la construction avec le datif, Rom., iii, 28 : Arbitramur enim hominem juslificari per fidem (marsi, fide) ; Rom., v, 1 : Per quem (Christum) habemus accessum per fidem (tîj 7Ûstei) in gratiam islam, celle qui est exposée au chapitre précédent, la justice secundum gratiam.

Cette construction : juslificari fide fait ressouvenir de Rom., iv, 3sq., que c’est ici le lieu d’éclaircir’Etût-TE’jæv 8s’Aopocàfx tù ©Eco, xoù èXoyîgÔïj aù-w eîç Sixaioaûv/]V, Credidit AbrahamDeo et reputatum est ei ad justitiam. C’est une citation de Gen., xv, 6 d’après les Septante. L’hébreu porte : « Il (Dieu) lui compta cela comme justice. » Les Septante ont mis le verbe hébreu au passif èXoyîo-Qt). Ce verbe que la Vulgate traduit tantôt repulatur et tantôt imputatur se rendrait plus justement par deputari (Ancienne Latine, Tertullien, saint Cyprien, saint Irénée latin, etc.), avec le sens de : mettre ou porter au compte de quelqu’un. Ad (sîç) juslitiam, c’est-à-dire comme justice, comme valant justice. Le P. Lagrange a montré que XoyïÇopixi possède, de lui-même et dans l’usage courant, cf. I Reg., 1, 13 ; Job, xii, 23 ; Ps. cv, (evi), 31 ; Is., xxix, 17 ; xxxii, 15 ; xl, 17 ; Os., viii, 12, et dans saint Paul lui-même, Rom., ii, 16 ; ix, 8, cf. Act., xix, 17, un sens fort, celui d’une équivalence réelle entre deux choses. Nulle part la mise en compte d’une valeur ne suppose un défaut de proportion entre ce qui est fourni et l’estimation qui en est faite, sauf, bien entendu, le cas, sans intérêt ici, où il y aurait erreur. Le même exégète écrit à propos de Rom., v, 3 : « C’est presque l’expression de satisfaction que Jahvé accorde à ceux qui observent la loi (Deut., vi, 25 ; xxiv, 13) ; il n’est pas directement question de la justification première d’Abraham, mais du mérite de son acte de foi, mérite tel qu’il équivaut à une œuvre parfaite. Le cas d’Abraham apparaît analogue à celui de Phinéès. Ps., cv (evi), 31, où il s’agit d’un acte de zèle et à celui de Siméon et de Lévi, Jubilés, xxx, 7, 19, qui tirèrent vengeance des gens de Sichem. Lagrange, Ép. aux Rom., p. 84 sq.,

Ce n’est que dans les versets suivants, d’après le P. Lagrange (contre Cornely), que la pensée de. l’Apôtre prend un autre tour ou plutôt se précise et se nuance : Ei autem qui operatur, merces non imputatur (depulatur) secundum gratiam sed secundum débitum. Ei vero qui non operatur, credenli autem in eum qui jusliftcat impium, repulatur (depulatur) fides ejus ait justitiam. Or à celui qui a des œuvres, le salaire n’est pas compté par faveur mais selon ce qui est dû, tandis que celui qui n’a pas d’oeuvres, mais qui croit en celui qui rend juste l’impie, sa foi lui est comptée comme justice. Secundum propositum gratinDei de la Vulgate clémentine est une glose, d’ailleurs exacte. Cille équivalence entre loi et justice, dont leꝟ. 3 nous offre un cas typique, saint Paul précise maintenant qu’elle n’appartient pas à l’ordre du debttum, du droit strict, niais à celui de la gratin, c’est-à-dire de la bienveillance. L’équivalence n’en subsiste pas moins dans cet ordre particulier. Devant la bienveillance divine, quoique non par devant sa justice, foi vaut justice. I.e P. Prat, envisageant les choses d’un point de vue différent, s’attache, non sans quelque excès, à la seule considération de la disproportion qui existe entre la foi et la justice. La théologie de saint Paul, t. ii, p. 206.