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JUSTIFICATION, LA DOCTRINE DANS SAINT PAUL


e) Rom., x, 3 : « Ignorantes enim jusliliam Dei et suam quærentes statuere justitise Dei non sunt subjecti. Méconnaissant la justice de Dieu, et cherchant à établir la leur propre, ils ne se sont pas soumis à la justice de Dieu. » L’antithèse justiliam Dei et suam qustitiam) invite à entendre cette justice de Dieu de la justice conférée par Dieu à l’homme. Plus clair encore en ce sens apparaît II Cor., v, 21 : « Celui qui n’avait point connu le péché, il l’a fait péché pour nous afin que nous devenions en lui justice de Dieu. » Le verset suivant vi, 1 : « Or donc, étant ses coopérateurs, nous vous exhortons à (ïaire en sJrte de) n’avoir pas reçu en vain la grâce de Dieu, » à savoir lorsqu’ils sont devenus justice de Dieu dans le Christ, traduit justice de Dieu par grâce de Dieu, qui désigne ici, non pas la bienveillance de Dieu (Cajétan), mais un don divin fait à l’homme. Enfin Phil., ni, 9, est parfaitement clair et confirme généralement nos précédentes explications : « J’ai voulu tout perdre… afin d’être trouvé en lui non avec ma propre justice, celle qui vient de la Loi, mais avec celle qui naît de la foi au Christ, la justice qui vient de Dieu par la foi. » Justitia Dei est repris sous la forme justitia ex Deo qui ne laisse place à aucun doute.

2. Idées qui se dégagent des textes.

Nous pouvons donc considérer comme acquise l’existence dans l’homme, d’après saint Paul, d’une justice conférée par Dieu. Dans l’homme : disons mieux, dans le croyant. La plupart des textes que nous avons étudiés nous montrent, en effet, cette justice de Dieu dans l’homme liée à la foi. Le fait n’est pas contestable. Ajoutons seulement que, pour saint Paul, cette liaison de la justice à la foi se vérifie aussi bien pour le temps qui a précédé le Christ que pour celui qui le suit. L’Apôtre voit dans la justification d’Abraham le modèle et le symbole de toute justification. Or celle-ci s’est accomplie en liaison avec la foi. Et il prend la peine de préciser qu’il en a été de même pour tous les justes reconnus qui ont précédé le Christ. Cf. Hebr., xi.

Lien qui unit la justification et la foi.

Avant

d’entreprendre l’analyse du lien qui unit la justice à la foi, il est indispensable d’esquisser celle de la foi elle-même au sens de saint Paul.

1. La foi d’après saint Paul.

a) Les textes. — Le texte capital est Rom., x, 13-17 : « Quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé. Comment donc invoqueraient-ils celui en qui ils n’ont pas cru ? et comment croiraient-ils en celui qu’ils n’ont pas entendu ? et comment entendraient-ils si personne ne prêche ? et comment prêcherait-on si l’on n’avait été envoyé… Mais tous n’ont pas obéi à l’évangile, ÛTCYjxoojav, Vulg., obediunt. Car Isaïe dit : Seigneur qui a cru à notre prédication (tf[ àxof), Vulg. auditui)1 La foi dépend donc de la prédication et la prédication de la parole du Christ. » Ce qui nous donne cette suite : la parole ou l’enseignement du Christ, c’est-à-dire, l’Évangile, la mission de prêcher donnée aux Apôtres, leur prédication, xirjpûaaovToç, àxof), l’audition, àxoûawaiv, et enfin deux actes qui semblent intimement liés et pratiquement équivalents, l’obéissance et la foi, Û7raxor ; v, 7TiaTiç. - — Les textes de Gal., iii, 2, 5 : Ex operibus legis Spiritum accepistis an ex auditu fldei ? Est-ce à cause des œuvres de la Loi que vous avez reçu l’Esprit, ou pour avoir prêté l’oreille à la foi ? suggère pour auditu, àxoï) le sens d’audition (Lagrange) plutôt que celui de prédication (Cornely).ce qui donne : l’audition conduisant à la foi, l’accueil fait à l’Évangile. L’interprétation : prédication de la foi comme nécessaire, proposée par quelques exégètes protestants, est complètement étrangère au contexte. — - 1 Thess., ii, 13 est obscur à force de concision et de plénitude : Quoniam cum accepissetis (71apaXaê6vTeç = recevoir

d’un intermédiaire transmettant ce qu’il a lui-même reçu)ano&(’s verbum auditus De^Xoyov àxovjç rcxp’tjjjlwv too 6eoû ; construction étrange : lier yov à toù 0soô, formule reprise plus loin et détacher àxoîjç nxp’Y)|xà)v, àxoîjç pouvant signifier audition (Lagrange), ce qui est peut-être plus littéral, ou prédication (Cornely), accepistis illud (èô~s ; acr8s = àxor) au sens d’audition et déjà ÛTtaxoïj) ut verbum Dei. » Et l’on peut traduire : « Nous rendons grâces… de ce que, lorsque vous avez reçu par notre intermédiaire la parole de Dieu que vous entendiez de notre bouche, vous l’avez accueillie… comme parole de Dieu. » — Rom., i, 5 et xvi, 26 : ad obediendum fidei, eiç » 7raxo7)V tÛcttswç est bien près de signifier : l’obéissance qui est la foi même. Le P. Cornely comprend : l’obéissance à la foi comme dans Act., vi, 7 : Û7rr)xouov ttj metzi. — H^br., xi, 1 : Est autem, fides sperandarum rerum substantialimôatocoiç = « la réalisation » au sens anglais, ce qui fait « réaliser », ce qui fait apparaître les biens espérés comme « substantiels » ) argumentum (sXsyx ? — ce qui convainc de la vérité) non apparentium. Les deux membres de phrase sont rigoureusement parallèles et, pour le fond de la pensée, de signification identique. Substantia vaut argumentum ; sperandarum rerum vaut non apparentium ; cf. Rom., viii, 24 : Nam quod videt quis, quid sperat ? Sur la première équivalence, cf. M. A. Matins, The Pauline ïliaxiQ-Hnosvyioiç, , Washington, 1920, et sur la seconde saint Thomas, Ep. ad.. Hsebr., c. xi, lect. 1. — Rom. x, 9 : in corde luo credideris, et II Cor., x, 5 : in captiuitatem redigentes omnem intelleclum (ttôcv vot)ixoc) inobsequium(JiTZxy.ai])) Christi, formules suggérant que le cœur et l’esprit (la pensée) s">nt pareillement intéressés dans la foi. — II Th., iii, 2 : Non enim omnium est fides est parallèle à Rom., x, 16 : Sed non omnes obediunt (’J7r/)xojcrav) evangelio, avec, peut-être, cette nuance particulière, que la foi est un don de Dieu (la foi n’est pas le lot de tous).

b) Idée qui ressort des textes : Complexité du concept de foi. — La foi, dans saint Paul, nous apparaît donc, premièrement, comme une soumission, un assentiment de l’esprit à des énoncés tenus pour vrais sur le témoignage du Christ (et de Dieu), qui les a enseignés à ses Apôtres. Ceux-ci, sur son ordre, nous les ont transmis par la voie de la prédication et, les ayant entendus de leur bouche, nous les avons accueillis et leur avons donné créance comme à la parole de Dieu. Rom., x, 5, insinue que notre cœur n’est pas demeuré étranger à cet assentiment de notre esprit ; II Thess., ni, 1, 2 ; Eph., ii, 8, et d’autres textes de même inspiration, donnent à penser que Dieu lui-même joue en tout cela un rôle actif. Les vérités que nous croyons, renfermant l’annonce et la promesse de biens, un mouvement de désir, d’espérance à leur endroit se dessine, qui accompagne la foi dès son origine même. Enfin il se pourrait que, le mot Ô7raxor), choisi comme équivalent de 7Ûctt !, ç, insinue que ces vérités-biens sont aussi, pour une part, des vérités-règles de conduite, auxquelles le croyant se soumet, obéit.

L’examen des prépositions avec lesquelles saint Paul construit les mots croire et foi accroît encore cette impression de la complexité psychologique de la foi paulinienne. « Quand l’objet de la foi est indiqué, écrit le P. Prat, à part certaines locutions exceptionnelles, comme « foi en l’évangile, foi en la vérité », c’est toujours Dieu ou le Christ. Et alors l’objet matériel coïncidant avec l’objet formel, la notion de la foi est assez complexe. Si croire à Dieu, 6sco, peut n’être que prêter foi à son témoignage, croire en Dieu ajoute à ce concept des nuances délicates dont les particules grecques rendent bien le sens. Croire en Dieu n’est pas seulement croire à son existence, mais se reposer sur lui, éra, 6ew, comme sur un appui inébran-