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.M SÏIFICATION, LA DOCTRINE DANS SAINT PAUL


attribue la justice au croyant parce qu’il est juste lui-même. » Commentary on the Epist. to the Romans, Edimbourg, 1900, p. 25. Justice de Dieu signifierait donc à la fois, la justice-attribut et la justice conférée. Exégèse compliquée, dont le principal mérite est d’insister sur la qualité, et non pas seulement sur l’origine divine de la justice de Dieu dans l’homme ; justus suprema justifia (Chrys.). — Une quatrième interprétation, Tolet, Estius, etc., explique justice de Dieu dans le sens (faible) de justice devant Dieu. — Quant à l’exégèse justice de Dieu = sa justice vindicative s’exerçant sur les pécheurs, que Luther assure avoir été l’interprétation commune, saint Augustin faisant seul exception, c’est une pure imagination. Le P. H. Denifle l’a copieusement démontré pour les écrivains occidentaux, Die abendlândischen Schri/tausleger bis Luther ùber JUSflTlA BEI, Rom., /, 17, und JVSTIFI-C &.TIO, Mayence, 1905.

L’interprétation proposée par Origène est peu suivie. M. Tobac l’a reprise et renouvelée en lui donnant un tour eschatologique, Le problème de la justification dans saint Paul, Louvain, 1908, p. 115 sq. Celle de saint Jean Chrysostome, justice de Dieu = justice conférée ou imputée s’impose de plus en plus, aussi bien parmi les exégètes protestants que parmi les catholiques. Parmi ces derniers, les PP. Cornely, Lagrange, Prat, lui ont donné leur suffrage. Les arguments allégués en faveur de l’exégèse d’Origène sont peu concluants, remarque le P. Lagrange : « On répondra donc aux arguments d’abord proposés que Paul ne s’est pas tenu au sens normal du mot d’après l’Ancien Testament au moment où il inaugurait une théologie fondée sur le fait nouveau de l’Évangile ; le passage cité (Rom. ni, 5) a gardé le sens ancien, d’ailleurs parfaitement justifié en soi ; c’est une question de contexte. Le rapprochement avec le i. 18 est plus apparent que réel ; l’idée de justice doit être expliquée d’après le concept de Paul, non d’après une antithèse incomplète. » Ep. aux Rom., p. 20. Le P. Cornely va sans doute trop loin lorsqu’il prête aux Pères du Concile de Trente, définissant la « cause formelle » de la justification : juslitia Dei, non qua ipse justus est, sed qua nos justos facit (Sess. vi, c. vu), l’intention d’interpréter d’autorité, Rom., i, 17.

In eo revelatur de fide in fidem. — Les anciens exégètes ont cherché à préciser quelles étaient ces deux fides. Leurs explications sont assez divergentes. Tertullien écrit : Sine dubio et evangelium et salutem jusio Deo députât, ut ita dixerim, juxla hæretici (Marcionis) distinctionem, ex fide Legis in fidem Evangelii. Adv. Marcionem, t. V, c. xiii, P. L., t. ii, col. 503. De même Origène, saint Jean Chrysostome, Théodoret, etc. — L’Ambrosiaster : ex fide (i. e. fidelilalc) Dei promittentis in fidem hominis credentis juslitia Dei revelatur. In Ep. ad Rom., i, 17, P. L., t. xvii, col. 56. — Saint Augustin : ex fide scilicet annuntiantium in fidem obedientium. De spirilu et lillera, xi, 18, P. L., t. xliv, col. 211, ou : ex fide verborum quibus nunc credimus quod non videmus, in fidem rerum qua in seternum quod nunc credimus oblinebimus. Quæst. evang., ii, 39, P.L., t. xxxiv, col. 1353. Saint Thomas : ex fuie unius arliculi in fidem alterius, quia ad jusiiftcaiionem requiritur omnium articulorum fides. In Ep. ad Rom., c. i, lect. fi. C’est vouloir préciser à l’excès cette formule de saint Paul, hébraïsme courant pour exprimer le progrès de la foi dans le croyant. Par contre la remarque des PP. Cornely et Lagrange, rattachant ex fide à justitia Dei, plutôt qu’à revelatur, mérite d’être retenue e1 confirme l’explication de justice de Dieu dans le sens <le justice conférée.

Ainsi s’amorce la liaison des concepts de justice et

de toi, que vient confirmer une citation d’Habacac,

i, 4, d’après les Septante : Justus autem ex fide riril

(vivet, vr ( a£Tai). Les PP. Cornely et Prat tiennent à lier ex fide à vivit. Le P. Lagrange, pour ce qui concerne saint Paul, préfère lire Justus… ex fide, sans d’ailleurs y attacher beaucoup d’importance. De toutes manières, en effet, il est évident que la justice est rattachée à la foi. Dans saint Paul, sinon dans Habacuc, vivet s’entend de la vie éternelle, promise au juste en dépendance de la foi.

b) La formule : justice de Dieu reparaît, Rom., iii, 5 : Si autem iniquilas noslra jusliliam Dei commendat…, mais avec le sens usuel de justice-attribut et plus précisément de justice vindicative.

c) Rom., iii, 21-22, au contraire, reprend et commente l’idée énoncée Rom., i, 17 : « .Maintenant la justice de Dieu, à laquelle rendent témoignage la Loi et les Prophètes, a été manifestée sans loi, et précisément cette justice de Dieu qui, par la foi en Jésus-Christ (va) à tous ceux qui croient, car il n’y a pas de distinction. » Nul doute que nous n’ayons à faire à la justice communiquée.

d) Rom., iii, 24-26 est difficile : Justiftcati gratis per graliam ipsius, per redemplionem quæ est in Christo Jesu. Quem proposuit Deus propiliationem per fidem in sanguine ipsius, ad ostensionem justiliee suée, — propter remissionem (i. e. tolerantiam) præcedentium delictorum in suslentalione (in tempore sustentationis) Dei — ad ostensionem (dico) justitiæ ejus in hoc tempore, ut sit (i.e. appareat) ipse justus et juslificans (i. e.juslificando) eum qui est ex fide Christi Jesu. « Justifiés gratuitement par sa grâce moyennant la rédemption qui est en le Christ Jésus, que Dieu a disposé comme un moyen de propitiation par la foi en son sang, afin de montrer sa justice, ayant supporté les péchés passés sans les punir dans ( le temps de) la patience de Dieu, afin de montrer sa justice, dans le temps présent, pour qu’il soit (établi qu’il est) lui-même juste et qu’il rend juste celui qui a eu foi en Jésus-Christ. » Ce texte nous intéresse ici à raison de la formule : juslitia Dei, qui s’y rencontre à deux reprises. Devons-nous considérer ad ostensionem, sic ëvSsûiv, justitiæ suse et ad ostensionem, Tipoç ttjv ëvSeiÇiv, justitiæ ejus comme deux propositions parallèles mais distinctes (Cornely), la première se rapportant au temps qui a précédé Jésus-Christ, la seconde à celui qui le suit, ou bien comme une même formule énoncée puis reprise (Lagrange) et se référant à l’époque chrétienne ? La seconde interprétation semble devoir être préférée. « On ne voit pas que le temps de la tolérance soit celui d’une manifestation de la justice. » Lagrange, Ép. aux Rom., p. 77. Pour qui l’accepte, le sens à donner à justitia Dei apparaît commandé par les f.2122, où cette formule s’entend de la justice conférée. Ainsi saint Thomas : Ad ostensionem justitiæ suæ, id est ad hoc quod suam justiliam Deus oslenderet, et hoc propter remissionem præcedentium delictorum ; in hoc enim quod præcedentia delicta Deus remisit (toleravit), quæ lex remittere non poterat, nec homines propria virtute ab eis se præcavere poteranl, oslendil quod necessaria est hominibus juslitia qua juslificentur a Deo. hx Ep. ad Rom., c. iii, lect. 3. Saint Thomas, à plus forte raison, interprète dans le même sens de justice conférée Le second justitia Dei : Ut in hoc tempore graiieesuam jusiitiam perfecte ostendcrcl. plénum remissionem peccatorum Iribucndo… Ibid. Pour ce qui regarde du moins l’interprétation de justitia Dei, Le P. Lagrange se range à ce sentiment et Le met en valeur. Le P. Cornely, développant l’explication sommairement énoncée par saint Jean Chrysostome, défend L’idée de justice attribut de Dieu, mais au sens très général de perfection morale et de sainteté. De même le P. Prat :

évidemment sa justice intrinsèque », La théologie de saint Paul, t. ii. 7 édit., Paris, 1923, p. 295. « Évidemment » est trop dire.