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    1. JUSTIFICATION##


JUSTIFICATION, LA DOCTRINE DANS SAINT PAUL

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nuancée. Il est, en effet, difficile d’admettre que Rom., 11, 13, par exemple, n’ait aucune signification dans la réalité : « Ce ne sont pas en effet ceux qui entendent lire une loi (àxpoxTod vôu.ou, sans article) qui sont justes auprès de Dieu, mais ceux-là qui la mettent en pratique, seront justifiés. » D’autant que, d’après Rom, ii, 14, il peut se rencontrer des gentils qui accomplissent les prescriptions de la Loi mosaïque : Cum (Ôxav : c’est plus qu’une simple possibilité) enim Gentes (ë6vy) qui dit moins que là. e6vy) mais plus que èôvixoi, des gentils individuellement : Lagrange), qui Legeni non habent, naturalilcr (dictante rationé) ea quæ legis sunt faciunt… De même Rom., h, 26, où la pensée de saint Paul ne fait pas non plus l’impression de se mouvoir parmi d’impossibles imaginations : « Si l’incirconcis garde les préceptes de la Loi, ne faudra-t-il pas le regarder comme circoncis. » Encore Rom., ii, 7 : « Dieu rendra à chacun selon ses œuvres : la vie éternelle à ceux qui se livrant avec persévérance aux bonnes œuvres, cherchent la gloire, l’honneur et l’immortalité… gloire, honneur et paix à tout homme qui fait le bien, au juif d’abord et au gentil. » Or l’apôtre n’en est pas encore à envisager l’ordre chrétien.

Ces paroles et d’autres semblables suffisent à montrer que saint Paul n’a pas, à l’endroit des œuvr.-.s, cette indifférence, cette hostilité même que certains exégètes protestants contemporains s’obstinent encore à lui prêter (Jûlicher, par exemple). « Paul, écrit le P. Lagrange, ne songe pas à annuler toute idée de lois morales, mais il insinue que selon cette économie il fallait donc se faire sa justice…, ce qui ne devait pas être aisé. Rien plus, il a montré plus haut que la Loi ne donnait pour cela aucun secours, Rom., vu. de sorte que, si l’on isole cette justice de la grâce, ce qui va de soi quand on la distingue de la justice de la foi, c’est un leurre, c’est une prétendue justice propre a laquelle on ne peut arriver. Comment hésiter quand le choix s’impose entre une justice d’œuvres et une justice saisie par la foi ? » Épître aux Romains, p. 254.

Le jugement de fond demeure donc : Xon justificabitur homo ex operibus legis. Même les propos apparemment contraires que nous avons rapportés ne permettent pas d’en restreindre la portée pratique, car ils supposent tacitement l’intervention de facteurs autres que la Loi. Mais, dans ces conditions, il était inévitable que saint Paul en vint à définir le rôle de la Loi dans le plan divin du salut. Sa pensée sur ce point nous est livrée par les Épîtres aux Romains et aux Galates. Rom., v, 20 : Lex autem subintravil ut abundaret delictum. Le sentiment commun est que ce ut doit s’interpréter causaliter. L’entendre, avec saint Jean Chrysostome comme exprimant une simple conséquence, c’est.sûrement affaiblir la pensée de saint Paul. Mais, fait observer saint Thomas, cette causalité vis-à-vis du péché peut s’interpréter de deux manières bien différentes. 1. l’otest responderi ut dieatur quod ly UT (eneatur causaliter, ila taitien quod loquatur Aposlolus de abundantia delieti secundiun quod est in nostra cognitione, ut sit sensus : Lex subintravil ut abundaret delictum, id est ut tibundantius delictum cognosceretur, Ep, ail Rom., c. v, lect. 6, C’est l’opinion de saint Cyrille d’Alexandrie ; elle a

lis préférences du P. Lagrange. 2. Potest exponi ila quod h/ i’t teneatur causaliter (au sens normal du moi, c’est-à-dire par rapport au péché lui même et non plus à la connaissance du péché) ila lumen quod abundantia delieti non intelligatur ftnts legis subin tranlis, sed id quod ex abundantia delieti sequitur, scilicet humiliatio hominis… Intentio ergo Dei legem dantis non terminatur ml abundan’tiam peccaiorum. sed ad humtlilalem hominis propter quam permistt

abundare delicta. S. Thomas, ibid. C’est l’exégèse de saint Augustin, à laquelle le P. Cornely apporte son suffrage. Formulées d’un point de vue différent, ces deux explications aboutissent au fond à la même conclusion. Pour que l’homme connaisse qu’il est pécheur, Dieu a « subintroduit » la Loi laquelle, en la manière qui a été précisée, Rom., vii, 13-25 (plutôt que 7-12, car le premier triomphe du péché est présupposé et il s’agit de la Loi de Moïse), multiplie les transgressions.

Saint Paul rattache ailleurs plus explicitement cette action et ce rôle de la Loi aux définitives intentions de Dieu. Rom., x. 4 -.Finis enim legis Christus, ad juslitiam omni credenli, est commenté en ces termes par saint Thomas : Intentio cujuslibet legislatoris est facere homincs justos ; unde mullo magis Lex Vêtus, hominibus dirinitus data, ordinabatur ad faciendum Iwmines justos. Hanc lamen justiliam lex per seipsam Jacerc. non poterat (toutes ces formules sont d’une parfaite justesse). Sed ordinabat homines in Christum, quem promittebat et præfigurabat. Ep. ad Rom., c. x, lect. 1. La plupart des exégètes récents, par contre, entendent téXoç dans le sens de terme, simplement, ce qui réduit Rom., x, 4, du moins dans sa première partie, à signifier le caractère provisoire de la Loi et son abolition lors de la venue du Christ.

Gal., ni, 10 : Quid igitur lex ? Propter transgressions (en vue des transgressions) posita est donec venirel semen (à savoir le Christ) cui promiscrat. La Loi fut ajoutée (TrposexéOy ;), par Dieu cela va sans dire. La causalité divine, est plus accusée ici que Rom., v, 20 où Dieu n’est pas nommé. Nous avons dans ce texte comme une combinaison de Rom., v, 20 et x, 4 avec téXoç = terme. Cette doctrine sur le rôle de la Loi, saint Paul l’attribue expressément à l’Ancien Testament lui-même, Gal., iii, 22 : *< Mais l’Écriture a tout enfermé sous le péché, afin que la promesse fut réalisée par la foi en Jésus-Christ en faveur des croyants. » Même idée Rom., iii, 21, qui est à lire comme conclusion du réquisitoire dressé contre les Juifs, Rom., ii, 1-ui, 20.

Le mot de Gal., iii, 23-25 : « Avant que vînt la foi, nous étions placés sous la garde de la Loi, enfermés dans l’attente de la foi qui devait être révélée. De sorte que la Loi a été notre pédagogue jusqu’au Christ afin que nous fussions justifiés par la foi ; la foi étant venue nous ne sommes plus sous l’autorité d’un pédagogue » Ce mot, disons-nous, semble bien ajouter quelque chose aux textes déjà cités, l’idée que la Loi et la vie sous la Loi acheminaient d’une certaine manière les Israélites au Christ. Cette idée, d’ailleurs, n’est-elle pas sous-jacente à Rom., v, 20 : Ex quo sub lege custodiebamur, fait remarquer saint Thomas, lex juitnostcr pœdagogus, id est diriqens et conservons in Christo, id est in via Christi. Ep. ad Galalas, c. iii, lect. 8. Cependant le plus grand nombre des Pères interprètent ce rôle de pédagogue attribué à la Loi dans un sens très strict, qui le réduit à celui de geôlier, ꝟ. 23. Le P. Cornely approuve qui, d’ailleurs, attribue à la loi-geôlier un objectif final favorable. Le P. Lagrange aussi, mais en accentuant la nuance favorable : >< La comparaison du pédagogue, qui explique ce qui précède, est cependant de nature à atténuer ce rôle ingrat de geôlier. C’esl décidément l’intérêt des Israélites qui prévaut. » Êp. aux Uni, p. 90. Emprisonné dans la Loi qui si’révèle impuissante à lui assurer la justice, Israël se trouve amené à chercher une issue et une autre voie de salut. Cf. Gal., il, 16 : Scientes autem quod non justiflcatur homo ex operibus legis, etc. Cou ne voit pas, toutefois, que saint Paul ail donné beaucoup de relief à cet aspect du rôle di la I di, que les fails. d’ailleurs, ne confirmaient guère.