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JUSTIFICATION, LA DOCTRINE DANS SAINT PAUL


Nous avons donc, opposée à la justice de Dieu qui est la justice de la foi, une justice propre, qui est la justice de la Loi, laquelle est elle-même une justice des œuvres. Cette justice des œuvres donne sujet à qui la possède de se glorifier. Rom., iv, 2 : Si enim Abraham ex operibus justificatus est (ce qui, d’ailleurs, n’est pas le cas), habet gloriam, et Eph., ii, 8-9 : Gratia enim salvati estis per fidem, et hoc non ex vobis. Dei enim donum esi, non ex operibus, ne quis glorietur. Se glorifier, on serait fondé à le faire, si l’on avait été sauvé et justifié en suite de ses œuvres. Surtout les œuvres donnent le droit strict d'être reconnu juste et traité comme tel, Rom., iv, 4 : « A celui qui a des œuvres, le salaire n’est pas compté par faveur, mais selon ce qui est dû. » Par ces caractères, la justice des œuvres et de la Loi achève de se différencier de la justice de la foi, avec laquelle elle est en complète opposition.

3° Possibilité de l’atteindre. — Existe-t-elle, dans le fait, cette justice de la Loi et des œuvres ? Des affirmations explicites et réitérées de saint Paul semblent bien dire que non. Rom., iii, 20 : Quia ex operibus legis non jusli/icabitur omnis caro coram Mo. Nul ne sera justifié devant lui en suite d’oeuvres de la Loi. — Rom., ix, 31-32 : « Israël, poursuivant une loi de justice, n’est point parvenu à la Loi. Pourquoi ? parce qu’il n’a pas cherché à parvenir par la foi, mais par les œuvres. » — Rom., x, 3 : « Méconnaissant la justice de Dieu et cherchant à établir la leur propre, ils ne se sont pas soumis à la justice de Dieu. » — Gal., ii, 16 : « Sachant que l’homme n’est pas justifié par les œuvres de la Loi… nous aussi nous crûmes au Christ Jésus, pour être justifiés par la foi au Christ… car par les œuvres de la Loi aucune chair ne sera justifiée. » — Gal., iii, 10 : « Car tous ceux qui procèdent par les œuvres de la Loi sont sous la malédiction ; car il est écrit : Maudit soit quiconque ne persévère pas dans la pratique de ce qui est écrit dans le Livre de la Loi. » Et le contexte indique que cette malédiction a passé de la sphère du droit dans celle des faits, car saint Paul continue : < Il est clair que nul par la Loi n’acquiert la justice devant Dieu, puisque Celui qui est juste par la foi vivra. Or la Loi ne procède pas par la foi, mais : Celui qui pratiquera ces choses en vivra. »

La thèse est radicale. D’où vient que nul ne sera justifié devant Dieu à raison des œuvres de la Loi ? C’est, bien entendu, à saint Paul lui-même que s’adresse notre question. Voici sa réponse ou les éléments, progressivement plus décisifs, de sa décision. Rom., m, 20 : Per legem enim cognitio peccali. La Loi fait mieux connaître le péché. Qu’est ce à dire ? Rom., iv, 15 : I.ex enim iram (Dei) operatur. Ubi enim non est lex, nec prsevaricatio, c’est-à-dire de transgression d’une loi positive, ce qui est l'évidence même. Mais cette transgression est elle donc fatale ? Rom., vii, 3 : Cum enim essemus in carne, passiones peccatorum, quæ per legem erant, operabantur in membris nostris ut fruetiflearent morti. Lorsque nous étions dans la chair, les liassions (causes) des [léchés (rà 7roc07)[iaTa Ttùv à[Jiap"n.âiv), excitées par la Loi, agissaient dans nos membres pour donner des fruits à la mort. Celle parole commence de nous introduire au cœur du problème. Cum essemus in carne définit la situation des chrétiens avant leur baptême. Passiones peccatorum s’entend de (lassions qui conduisent an différents péchés. Quæ per legem erant attribue à la Loi au moins une part de responsabilité dans l’existence OU dans l’activité « le ce s passions. Ut marque la conséquence de Cette activité des passions plutôt que le but. l’niiti [liaient morti, fructification dont nous avons

un copieux détail par ex. Rom., i, t.s sq. 4° l.c rote de lu Loi, - Sommairement énoncée

dans ce verset, Rom., vii, 5, la pensée de saint Paul sur le rôle effectif de la Loi va s’expliciter et s’approfondir Rom., vii, 7-25. Page célèbre, où l’on s’accorde à distinguer deux parties : 7-12 et 13-25.

Que dirons-nous donc ? La Loi est-elle péché ? Loin de làl Mais je n’ai pas connu le péché sinon par la Loi. Car en vérité je n’aurais pas connu la convoitise, si la Loi n’avait dit : Tu ne convoiteras pas. » Mais le péché ayant pris occasion du commandement a produit en moi toute convoitise ; car, sans loi, le péché est mort. Tandis que moi je vivais naguère sans loi ; mais quand le commandement est venu, le péché a repris vie, et moi je suis mort, et le commandement qui était pour la vie, s’est trouvé être pour la mort. Car le péché, prenant occasion du commandement, m’a séduit, et, par lui, m’a tué. Ainsi donc la loi est sainte et le commandement saint, juste et bon. »

Quelle est cette histoire et de qui est-elle l’histoire '? Grande incertitude. En face de la loi, saint Paul place son « moi ». « Mais tout le mondf reconnaît qu’il représente plus que sa personnalité évoluant dans son histoire particulière… Ce qu’il va dire émane de sa conviction la plus intime, de ses expériences comme de ses réflexions, mais enfin c’est de l’homme qu’il s’agit. De quel homme et dans quelle situation ? C’est ici que commence le désaccord. » Lagrange, Épîlre aux Romains, p. 166. Trois principales interprétations, ici encore, s’offrent à nous : a) Origène : Sine lege autem peccalum mortuum esse in nobis, hoc est antequam, per œtatem, ralionabilis intra nos vigeat sensus.. Sine hac lege (rationis) et Paulum et omnes homines cerlum est aliquando vixisse, hoc est in œtate puerili. Omnes enim similiter, per illud tempus, nondum capaces hujus naturalis legis existant… Comm. in Ep. ad Rom., vi, 8, traduction de Ru fin, P. G., t. xiv, col. 1082. Cette histoire serait donc celle de l’enfant avant et après l'éveil de la raison. Saint Jérôme l’entend de même, mais avec application particulière au jeune Israélite, pour qui cette révélation de la convoitise et le réveil du péché ne sont pas l'œuvre de la raison seule mais de la Loi mosaïque. Epist. ad Algasiam, cxxi, 8, P. L., t. xxii, col. 1025. — b) Saint Jean Chrysostome : « Ceux qui étaient avant la loi savaient bien qu’ils avaient péché ; ils le surent plus exactement après que la loi (mosaïque) eut été donnée et dès lors furent exposés à commettre de plus grands crimes. Car ce n’est point la même chose d’avoir pour accusateur la nature, ou bien au contraire en même temps que la nature le roi qui dicte clairement toutes ses lois. « Je vivais jadis sans loi. Mais quand donc ? Avant Moïse. In Ep. ad Rom., xii, 5, P. G., t. i.x.col. 501. Ainsi pour ces auteurs la question est celle des deux états de l’humanité avant et après la loi mosaïque. De même saint Thomas. Ep. ad Ram, , c. vii, lect. 2. — c) Théodore de Mopsueste : « J’ignorerais la convoitise, si la loi ne disait : Tu ne convoiteras pas, c’est-à-dire, j’aurais ignoré qu’il ne fallait en aucune manière être l’esclave de ses convoitises, si la loi ne l’avait pas dit d’une manière précise. En disant en moi (l’apôtre) vise tous les hommes, et c’est en somme l’histoire d’Adam qu’il met en œuvre pour décrire l’histoire de l’humanité… « Je vivais d’abord sans loi. » Il s’agit d’Adam aussitôt après la création, avant que Dieu lui prescrivît de s’abstenir de l’arbre. » In Ep. ad Rom., vii, S sq., /' G., t. i, vi. col. 81 1. Ce que le P. Lagrange approuve en ces tenues : « De même que la Loi de Moïse est devenue, dans l’argumentation ( de saint Paul), toute loi positive divine, de même l’homme n’est ni le gentil ou l’israé lite avant Moïse, ni le jeune Israélite qu’avait été

Paul. Il faut faire, pour l’homme comme pour la loi, abstraction de l’histoire. La loi interdit les désirs. Pour juger de l’effet de cette interdiction, il faut sup-