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JUSTIFICATION, LA DOCTRINE DANS SAINT PAUL


il prêchait aux Juifs d’Antiochela Pisidienne : « Sachezle, mes frères, c’est par lui que le pardon des péchés vous est annoncé et de toutes les souillures dont vous n’avez pu être justifiés par la loi de Moïse ; quiconque croit en lui, est justifié : êv toôtw ttôcç ô tcictteûcov 6V xaiouroa. Toujours d’après les Actes des Apôtres, saint Paul n’aurait fait que reprendre l’un des thèmes de la première prédication apostolique, énoncé, par ex., dans le discours de saint Pierre, Act., x, 43 : « Tous les prophètes rendent de lui ce témoignage que tout homme qui croit en lui, reçoit par son nom la rémission de ses péchés. » Le premier cependant, il en a tiré, semble-t-il, cette conclusion explicite que la Loi est sans aucune valeur pour ce qui regarde la justification.


IV. Saint Paul. —

Nous avons dans ses Épîtres l’exposé parallèle et antithétique de deux économies de justification et de deux ordres de justice. Il sied de les étudier séparément.

I. la justice de La Loi.

Ce qu’elle est.

La

nature de cette justice est clairement énoncée Phil., ni, 9 : « et inveniar in Mo non habens meam jusliliam quæ ex lege est, sed illam quæ ex fide est Christi Jesu, quce ex Deo est jusliliu in fuie. CJ’ai voulu tout perdre)… afin d'être trouvé en lui, non avec ma propre justice — c’est celle qui vient de la Loi — mais celle qui naît de la foi dans le Christ, la justice qui vient de Dieu par la foi. » L’opposition principale est entre : justiliam quæ EX LEGE EST, et : illam quæ EX FIDE EST, c’est-àdire entre la justice de la loi et la justice de la foi. Une opposition secondaire se découvre entre : MEAM justiliam, qui est la justice de la Loi et : illam… quæ EX deo EST, à savoir la justice de la foi.

Cette dernière opposition se retrouve Rom., x, 3 : c Ignorantes justiliam Dei et suam quærenles staluere justiliæ Dei non sunt subjecti. (Les Juifs) méconnaissant la justice de Dieu et cherchant à établir leur propre justice, ne se sont pas soumis à la justice de Dieu. » Justitiæ Dei non sunt subjecti semble devoir s’entendre de l’attribut divin, ce qui inviterait à comprendre dans le même sens le justiliam Dei du début. Cf. E. Tobac. Le problème de la justification dans saint Paul, Lcruvain, 1908, p. 127. Cependant, fait remarquer le P. Lagrange, « l’opposition entre la justice propre, qui était certainement, dans la pensée des Juifs, une qualité inhérente à leur personne, d’une part, et d’autre part, la justice de Dieu, indique que cette dernière est aussi du même ordre, inhérente à l’homme mais conférée par Dieu. Avant, d'être conférée, elle était offerte, et c’est dans cet état que les Juifs ne s’y sont pas soumis… * Épître aux Romains, Paris, 1916, p. 253. Justice de Dieu signifie donc justice qui vient de Dieu et nous avons la catégorique antithèse : justice qui vient de Dieu et justice propre. La poursuite de la seconde, fondée sur la méconnaissance de la première, a été cause que les Juifs ne se sont pas soumis à celle-ci, qui leur était offerte, et donc ne l’ont point reçue.

Résultats qu’elle produit.

1. La conséquence de

cette conduite des Juifs est énoncée Rom., ix, 30-32 : Quid ergo dicemus ? Quod génies, quæ non sectabantur justiliam, apprehenderunt jusliliam (manifestement conçue comme une qualité inhérente), justiliam autem quæ ex fide est. Israël vero, sectando (sectans) legem justitise, in legem [justiliœ] non pervenit. Le second justitise, insuffisamment attesté, semble devoir être considéré comm ; une glose, qui d’ailleurs n’est pas inexacte. De ce texte difficile on a proposé trois principales explications : a) Origène : El hic locus… in uno eodemque versicuto, diverse nominat legem. Cerium est enim quod Israël seclabatur legem justiliæ secundum litteram (c’est-à-dire la Loi mosaïque), sed in legem non pervenit. Quam legem ? Sine dubio, spirilus. Origène traduit par Rufin, Comment, in

Epist. ad Romanos, vii, 19, P. G., t. xiv, col. 1155. Ce changement de sens pour legem est difficile à admettre. Voici la preuve qu’en donne Origène : Ncque enim hoc diceret Apostolus quia legem quam seclabatur et quam tenebat et quam habebat, in hanc non pervenerit. Ibid. C’est très contestable, car parvenir, c’est ici, accomplir. — b) Saint Jean Chrysostome : Tu enim, Judœe. inquil ( Paulus), ncque jusliliam ex lege (mosaica) reperisli ; illam enim (legem) transgressus es et obnoxius factus es malediclioni ; hi (Génies), qui per legem (mosaicam) non venerunt sed per aliam viam, majorem hac (i. e. juslilid leyis) invenere justiliam, quæ ex fide est. Comment, in Ep. ad Romanos, xvi, 10, P. G., t. lx, p. 563. C’est l’exégèse adoptée par le P. Lagrange avec cette correction : « L’idée d’une justice légale n’est pas exprimée aussi nettement que le veut Chrysostome, qui entend vôji.oç Sixoaoaovrçç par hypallage « la justice de la loi », mais la Loi intervient pour indiquer qu’Israël ne cherche pas purement la justice, mais un certain ordre de justice, sa loi à lui. » Op. cit., p. 259. Le mot loi s’entendrait donc les deux fois de la Loi mosaïque, qui effectivement prescrivait la justice. — c) Saint Thomas : Dicitur lex juslitiæ lex spirilus vitæ per quam homines justificantur, ad quam Judœorum populus non pervenit, quam lumen seclabatur observandoumbram hujus spiritualis legis quæ consislit in observationibus cœremonialibus (In Ep. ad Rom., c. ix, lect. 5, in fine). Donc, les deux fois, le mot lex veut dire lex spirilus vitæ. Le P. Cornely développe cette exégèse dans Epist. ad Rom., Paris, 1896, p. 537. Il est difficile de se prononcer entre ces deux dernières explications. La seconde semble mettre trop au premier plan la Loi mosaïque et l’on a peine à comprendre que saint Paul attribue au fait qu’ils ont suivi la voie des œuvres, ꝟ. 32, cet échec des Juifs qui aurait consisté à n’avoir point pratiqué la Loi. La troisième exégèse aboutit à éliminer le rôle de la Loi mosaïque et l’opposition entre Gentils et Juifs s'évanouit. Retenons simplement que saint Paul fait allusion à une justice poursuivie par la voie des œuvres et que cette justice, qui est la grande ambition des Juifs, il la met, au moins implicitement, en rapport avec la Loi mosaïque.

2. Telle est bien l’idée que nous trouvons exprimée, quoique dans un esprit différent, Rom., x, 5 : Moyses autem scripsit, quoniam juslitium quæ ex lege est, qui fecerit homo, vivel in ea. La justice de la Loi est donc bien une justice d'œuvres que, dans cet endroit encore, ꝟ. 6 sq., saint Paul oppose, de ce chef, à la justice de la foi. Même idée encore et même opposition Gal., ni, 12 : Lex autem non est ex fide sed : Qui fecerit ea, vivet in Mis. De même, quoique indirectement, Gal., ii, 16 : Et nos (Judœi) in Christo Jesu credimus (credidimus) ut juslificcmur ex fide Christi et non ex operibus legis. — Rom., ii, 13 : Non enim audilores legis jusli sunt apud Deum sed faclores legis justificabuntur (c’est-à-dire seront déclarés justes au jugement dernier, sens forensique eschatologique ; contre saint Augustin : seront rendus justes). L’identification de la justice de la Loi avec la justice des œuvres n’y est pas moins manifeste. — Rom., ii, 23-27, développe la même idée sous un autre aspect : « Toi (Juif), qui te fais gloire de la Loi, tu déshonores Dieu par la transgression de la Loi… Certes la circoncision est utile, si tu observes la Loi ; mais si tu transgresses la Loi, de circoncis tu es redevenu incirconcis. Si donc l’incirconcis garde les préceptes de la Loi, Ta 81.xaic>[x.aTa toû vôfiou, juslilias legis, ne faudra-t-il pas le regarder comme circoncis. De sorte que l’incirconcis demeuré tel que l’a fait la nature, qui aura accompli la Loi, te jugera, toi, qui avec la lettre et la circoncision, Six ypàjifiocTo ; xal ^epi-ro^ç, per litteram et circumeisionem, auras transgressé la Loi. »