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    1. JUSTIFICATION##


JUSTIFICATION, LA DOCTRINE DANS L’ANCIEN TESTAMENT

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(col. 2131). —
V. En Hn il étudiera cette doctrine telle qu’elle s’est développée à la suite du concile de Trente (col. 2193).
C’est dans cette dernière partie que l’on trouvera l’exposé de la doctrine actuelle des théologiens catholiques.

I. LA DOCTRINE DE LA JUSTIFICATION DANS LA SAINTE ÉCRITURE.

Il faut en venir à saint Paul pour rencontrer enfin une doctrine explicite et systématisée de la justification. C’est cette doctrine que l’Église a prise pour base toutes les fois qu’elle a voulu définir sa loi, et spécialement au concile de Trente. C’est en elle, pareillement, que la théologie catholique a toujours cherché la matière principale de ses analyses et les principes directeurs de sa synthèse sur cet important sujet. C’est elle, en conséquence, qui fera l’objet direct de cette étude. Il sied néanmoins de tenter, au préalable, un relevé sommaire des données :
1° de l’Ancien Testament ;
2° de la théologie juive au I er siècle de notre ère (col. 201 G) ;
3° des Évangiles relativement à la justification (col. 2047) ; pour accorder
4° à saint Paul toute l’attention qui convient (col. 2049) ;
5° on terminera enfin par un court exposé de la doctrine de saint Jacques (col. 2075).

I. L’Ancien Testament. - —

Les termes : juste, justice, justifier se rencontrent partout dans l’Ancien Testament. Ils appartiennent au fonds commun du langage biblique, dont ils constituent l’un des éléments caractéristiques.

Juste se dit de Dieu. Il n’est pas d’attribut que l’Ancien Testament célèbre en lui avec plus d’insistance. La formule type est celle-ci, Tob., iii, 2 : « Tu es juste, Seigneur, et tous tes jugements sont justes. » On dit, Deut., xxxii, 4 : « C’est un Dieu fidèle et sans iniquité, il est juste et droit ; » auPsaume cxvi (cxiv), 5 : « Jahvé est miséricordieux et juste, notre Dieu est compatissant. » Ce terme de juste appliqué à Dieu ne semble donc pas avoir, dans l’Ancien Testament, le sens rigide qu’il prendra dans le judaïsme postérieur. — Juste se dit aussi de l’homme et au regard même de Dieu, de l’homme lui même, de ses paroles et de ses actes. Le mot s’entend parfois au sens restreint qu’il a dans l’usage courant. Mais le plus souvent c’est un terme de signification très ample, qualifiant la vie entière. Nous le trouvons associé à des mots comme : parfait, innocent, bon, excellent, saint, simple, miséricordieux, sage, sans rep che, fidèle, doux, termes dont, pour le sens, il ne d, iïère pas essentiellement. Il a pour contraires : impie, pécheur, et autres termes de connotation religieuse. Juste nous apparaît donc comme un terme de signification étendue et d’ordre religieux. Les mêmes observations valent pour le mot justice. Quant au radical verbal : justifier, le texte hébreu et plus encore les Septante L’emploient sous « les formes et avec des significations diverses que nous étudierons plus utilement a propos de la langue de saint Paul. Disons seuli ment qu’il est fort éloigné de comporter, toujours et de soi, un ser.s fon nsique ou même purement déclaratif.

La justification, c’est, pour saint Paul, le passage-, suivant une procédure appropriée, d’un état antérieur de non justice à l’étal de justice. L’idée qu’il s’en fait est nettement solidaire de sa doctrine du péché originel. L’état initial de non-juslice, d’où l’on passe a

l’état de Justice, est toujours et nécessairement pour

lui un étal positif de péché. Comment les choses

nous apparaissent-elles dans l’Ancien Testament ?

1° Etat initial de non-justice. -- Cet état demeure très Imprécis.

Les textes où l’on pourrait soupçonner la présence de la notion de péché originel sont peu nombreux et

bien connus. — 1. Job., xiv, 4. L’hébreu porte simplement : « Qui peut tirer le pur de l’impur ? Personne. » (C’est Job qui parle et il s’agit de l’homme). Les Septante insistent : « Qui sera pur venant de l’impureté ? Mais personne, n’eût-il vécu sur terre qu’un seul jour. » La Vulgate enfin est plus explicite : Quis potest lacère mundum de immundo conceplum semine ? Xonne lu qui solus es ? Bien difficile à discerner dans la brève interrogation de l’hébreu, très indistincte encore dans les Septante, l’idée de péché originel n’apparaît un peu clairement que sous la plume de saint Jérôme. — 2. Ps., li (l), 7 : Ecce enim in iniquitatibus conceptus sum et in peccatis concepit me mater mea. Deux phrases parallèles et de sens équivalent, mais que l’on peut interpréter, soit : Je suis né de pécheurs, soit : Je suis né pécheur. — 3. Sagesse, ii, 23 (Vulgate) : Quoniam Deus creavit hominem incxterminabilem et ad ima(jinem simililudinis sux fecit illum. Invidia autem diuboli mors inlroivit in mundum. IM1TANTVR autem illum qui sunt ex parte illius. Pris en lui-même, ce texte s’interpréterait aussi bien de Gen., iv, que de Gen., m. Les Septante nous offrent une leçon un peu différente et qui évoque l’histoire rapportée Gen., in : « Car Dieu a créé l’homme pour l’immortalité (ère’àcpOocpoîa ) et il l’a fait à l’image de sa propre nature. C’est par l’envie du diable que la mort est venue dans le monde. Ils en font l’expérience (7rsip(xÇoucH aùxôv) ceux qui lui appartiennent. » Il n’est pas impossible qu’il faille entendre l’immortalité de la vie bienheureuse et la mort de la mort spirituelle en même temps que de la mort corporelle. Mais la restriction finale écarte l’idée d’un héritage transmis à la postérité d’Adam tout entière. — 4. Eccli., xxv, 24 (Vulgate, 33) : « De la femme vient le commencement du péché ; c’est à cause d’elle (de son péché) que nous mourons tous. » Pour la mort, point de doute ; mais il n’en va pas de même pour le péché.’Apj(T) est communément interprété au sens chronologique plutôt que causal. — 5. En revanche, Sagesse, x, 1 : « C’est (la Sagesse) qui le tira (Adam) de son (îSiou) péché » ne saurait être entendu comme excluant positivement l’idée d’une transmission héréditaire de la faute d’Adam. "ISioç vaut le possessif : son, sans plus.

Sur quoi le P. Lagrange conclut : « Le péché originel n’est pas enseigné clairement dans l’Ancien Testament, » Épitre aux Romains. 1916, p. 144. De même le P. Frey, L’étal originel et la chute de l’homme d’après les conceptions juiues au temps de J.-C, dans Revue des Sciences philosophiques et théologiques, 1911, p. 516 sq. Le P. F. Prat conjecture que les Juifs ont dû conclure de l’universelle participation au châtiment d’Adam l’universelle participation à sa faute. Il n’en reste pas moins que cette conclusion n’est clairement énoncée nulle part. Saint Paul nous éclairera davantage, sans toutefois nous étonner.

Sans doute, le sens du péché apparaît très vif dans l’Ancien Testament. Cependant l’absence d’une doctrine claire et explicite du péché originel laisse la notion de l’état initial de non-justice dans une grande indétermination, dont la doctrine de la justification ne peut manquer de se ressentir.

2° L’état (/c justice. - - L’Ancien Testament abonde en paroles laudatives sur le juste et la justice. Mais de les recueillir ne nous mènerait pas loin. Il s’en faut qu’elles soient de mil nie ù nous donner une idée positive et précise de l’état de justice. Disons seulement que cet état nous apparail comme réel cl actuel, non point comme une fiction Juridique et qui n’aurait d’existence qu’après la sentence finale prononcée par Dieu au jour du jugement. Cette senti née ne fera que constater la réalité. Ps., i.xii (i.xi), 13 : i Car tu rends ù chacun selon ses œuvres. »