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    1. JUSTICE ORIGINELLE##


JUSTICE ORIGINELLE, PROBLÈME THÉOLOGIQUE

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XXIV, XXIX. Les défauts exclus par la justice originelle elle-même sont la concupiscence et l’ignorance ; la mort est corrigée par une cause extérieure à la justice, l’arbre de vie. C’est, on le voit, la conception augustinienne. Une génération pure, sans concupiscence, eût transmis aux enfants la justice originelle, t. II, dist. XX. Pierre Lombard est muet sur les rapports mutuels de la justice originelle et de la grâce.

4. Un progrès plus sensible s’affirme chez les théologiens du début du XIIe siècle, et quant à la terminologie plus précise, et quant au concept de justice originelle et quant aux rapports de la justice et de la grâce.

Prépostin de Crémone, à rencontre de Pierre Lombard, et sous le patronage de saint Anselme et de saint Grégoire le Grand inaugure la doctrine qui deviendra commune après saint Thomas : l’homme n’a pas été créé seulement in naturalibus, mais encore in gratuitis. Summa (ms. 71 de la bibliothèque de Todi), fol. 89, col. a : fol. 92, col. a-b. Naluralia désigne la justice naturelle primitive, produite dans l’homme grâce aux dons préternaturels ; gratuila se rapporte à la grâce proprement dite et aux dons surnaturels qui l’accompagnent et élèvent l’homme à un ordre supérieur à celui de la nature. L’autorité d’Augustin à qui l’on attribuait faussement l’adage : Adam stare poterat, pedem movere non poterat, empêche la plupart des théologiens de se ralliera l’opinion de Prépostin. L’opinion de Pierre Lombard est défendue par Guillaume d’Auxerre, Summa aurea, t. II, tract, i ; tract, x, cm ; Alexandre de Halès, Summa Sentent., part. II’, q. xix, memb. n : Pierre de Tarentaise, // ! IV Sent., t. II, dist. XXIX, q. i, a. 2 ; S. Bonaventure, Id., a. 2, q. ii, concl. Seul Albert le Grand formule une restriction significative : non fuit homo, écrit-il, creatus in gratuitis, quod tamen non credo, licet sustineam propter Magistrum. In IV Sent., t. II, dist. XXIV, a. 1, sol.

Le concept de justice originelle se trouve précisé. On ne se demande plus si c’est une vertu de la volonté, ou une disposition de la nature ; il devient très clair que la justice originelle n’est autre que cette disposition ajoutée par Dieu à la nature et qui donne la rectitude naturelle à l’homme, dès sa création : Justitia autem originalis dicitur ordo reclus virium inferiorum ad superiores, et superioris ad Dcum, et corporis ad animant, et mundi ad corpus. Et in hoc ordine creatus est homo, Albert le Grand, In IV Sent., t. II, dist. XVI, a. 5 sol, . Même conception chez Alexandre de Halès, Summa Sententiurum, part. II, cj. cxxii, memb. x, §4 ; S. Bonaventure, In IV Sent., t. II, dist. XIX, a. 3, q. i, ad 3um ; q. n ; Brcuiloquium, part. II, c. x ; Pierre de Tarentaise, In IV Sent., t. II, dist. XX, q. ii, a. 3 ; dist. XIX, q. iii, a. 3.

La justice naturelle ou originelle est constituée par une grâce, c’est-à-dire un don gratuit ajouté à la nature. Justitia ex gratia Adse fuit addita super principia naturalia, qua se per ingrtilitudinem privavit : unde. cum essct gratia, nulla injuria posteris fil, si non reddatur ris juslilia ab Adam deperdita. Pierre de Tarentaise, In IV Sent., t. II, dist. XXX II, q. ii, a. 3 ; cf. dist. XXXI, q. i, a. 2, où cet auteur stipule que la justice originelle fut une grâce grutis data, mais non une ^râce gratum faciens. Voir même doctrine et menus expressions dans Alexandre de Halès, op. cit-, pari. II, (j. xr.vi, memb. ii, a. 2 ; q. xtm, memb. m : Albert le Grand, In IV Sent., t. II, dist. XX, a. Lad lum (pour l’immortalité) ; cf. Sum. theol., II », tract, un, q, lxxix, q. 3 ; tract, xiv, q. xxx, memb. ii, ad 2um ; et, pour l’expression gratia gratis data, Ibitl., memb. i. sol. ; S. Bonaventure, In 1 V Sent., I. II, dist. XIX, a. 3, q. i, concl. qustice originelle dunum gratia).

La justice originelle, appelée Justice de la nature qustice naturelle) est une propriété « le la nature et non de la personne ; tandis que la grâce sanctifiante est infusée immédiatement par Dieu à la personne, la justice naturelle suit la nature, et eût été transmise par voie de génération. Alexandre de Halès, op. cit., part. 1 1, q. xcv, memb. i, a. 1 ; q. xevi, memb. i ; Albert le Grand, In I V Sent., t. II, dist. XXX, a. 2 ; Sum. theol., IP-, tract, xiii, q. lxxvi, qu. 3 ; tract, xiv, q. lxxxv, qu. 2, ad 2um ; qu. 4 ; S. Bonaventure, In IV Sent., dist. XIX, a. 2, q. i, ad lum ; dist. XXX, a. 1, q. n ; dist. XXXIII, a. 1, q. Lxxxviii, ad lum ; Breviloquium, part. III, c. vi ; Pierre de Tarentaise, In IVSent., t. II, dist. XX, q. ii, a. 3 ; dist. XXXII, q. i, 1. 2 ; dist. XXIX, q. i, a. 2, ad 3um ; dist. XX, q. ii, 1. 3, ad 3um. Propriété de la nature, la justice originelle pour ces auteurs, affecte d’abord les puissances, et par les puissances, la substance de l’âme : du moins, on le déduit de leurs ailirmations touchant le sujet du péché originel. S. Bonaventure, In IV Sent., t. II, dist. XXXI, a. 1, q. n ; Pierre de Tarentaise, In IV Sent., t. II, dist. XXXI, q. iii, a. 1, ad lum et ad 3um.

Notons enfin que l’immortalité elle-même est rattachée par ces théologiens à la justice originelle ; la cause n’en est plus seulement l’arbre de vie, car son fruit n’agit que dépendamment d’une cause intrinsèque à l’âme, vertu particulière, produisant la conservation de la vie. Alexandre de Halès, op. cit., part. II, q. lyiii, memb. ii, a. 1 ; Albert le Grand, In IV Sent., t. II, dist. XIX, a. 4, sol. ; dist. XX, a. 1, ad lum ; Sum. theol., part. II, tract, xiii, q. lxxix, qu. 3 ; S. Bonaventure, In 1 V Sent., t. II, dist. XIX, a. 3, q. i, ad 2 ; a. 2 ; q. ii, ad lum ; Breviloquium, part. II, c. x ; Pierre de Tarentaise, In IV Sent., t. II, dist. XXIX, q. iii, a.2.

La transmission de la justice originelle eût été par voie de génération, en tant que la chair engendrée par les parents dans l’état d’innocence eût comporté une disposition véritable à la justice originelle, que Dieu, en raison de cette disposition, aurait accordé à l’âme créée par lui dans cette chair. Alexandre de Halès, op. ciï., part. II, q. xcv, memb. i, a. 1 ; Albert le Grand Sum. theol., II", tract, xiv, q. lxxxv, qu. 3, ad lum ; S. Bonaventure, In IV Sent., t. II, dist. XXXIII, a. 1, q. ii, ad lum ; Pierre de Tarentaise, In IV Sent., t. II, dist. XX, q. ii, a. 3.

Saint Thomas d’Aquin.

La doctrine de saint

Thomas touchant la justice originelle, encore hésitante au début, est plus personnelle dans ses derniers écrits. — 1. Dans ses premiers ouvrages, saint Thomas retient la notion de justice « naturelle », In IV Sent., t. II, dist. XX, q. ii, a. 3, disposition ajoutée à la nature pour la rectifier. Cette disposition comporte la subordination des puissances inférieures aux puissances supérieures, du corps à l’âme, des puissances supérieures, volonté et raison, à Dieu. Ibid. ; cf., dist. XXIII, q. ii, a. 2, ad lum ; dist. XXIX, q. i, a. 2, ad 5um ; dist. XXX, q. i ; dist. XXXI, q. i, a. 1 ; dist. XXXIII, q. ii, a. 1 ; De veritate, q. xxv, a. 7 ; q. xxiv, a. 12 ; Contra Génies, t. IV, c. LU ; De malo, q. iv, a. 1 ; a. (>, ad 4um ; a. 7, ad 5um ; a. 8. Cette disposition ne découlait pas des principes intrinsèques de la nature, mais était ajoutée par un don gratuit de Dieu. In IV Sent., t. II, dist. XIX, q. i, a. 2 ; dist. XX. q. ii, a. 3, dist. XXI. q. i, a. 1 ; a. 2, ad 3>im ; dist. XXXIII, q. i, a. 1, ad 3um ; Contra Génies, loc. cit. ; De veritate, q. xviii, a. 2 ; xxv, a. 7 ; De malo, q. iv, a. 1 ; a. 8 ; q. v. a. 1 ; a. 4, ad 7 « ua ; q. vii, a. 7, et ad 9um. La justice originelle n’est pas seulement l’intégrité de la nature, c’est-à-dire le principe rectiflcateUl de la concupiscence, par lequel Les appétits sensibles sont parfaitement soumis à la direction de la volonté, cf. In IV Sent., I. II. dist. XXIV, q. i, a. 1 ; dist. XXX, q, i. al : dist. XXIX, q. i, a. I. ad 2nm ; De malo, q. v, a. 1 ; mais elle implique encore la subordination parfaite de la raison et de la volonté à Dieu, laquelle ne pouvait se produire, si une science naturelle plus parfaite que