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JUSTICE ORIGINELLE, PROBLÈME THÉOLOGIQUE

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cun. 1 ; Denzinger-Bannwart, n. 101 ; le IIe concile d’Orange, tan. 1, 2 ; id., n. 174, 175 ; le concile de Trente, sess. v. can. 1, 2, 5 ; sess. vi, c. i, id., n. 788, 789, 793. Voir également le concile de Quierzy, c. ii, id., n. 317 ; et l’allocution Singulari quadam de Pie IX. id., n. 1043.

On est en droit de conclure que, dans l’état de justice originelle, les dons préternaturels, dépendaient en quelque façon de la grâce sanctifiante et devaient être transmis avec elle par Adam à la nature humaine en ses descendants. Comment concevoir le rapport mutuel de ces différents éléments et leur relation avec la nature humaine, tel est enfin le problème théologique de la justice originelle.


IV. Problème théologique. —

1° S. Augustin. —

A proprement parler, la théologie de la justice originelle a commencé à saint Augustin qui, le premier, a été amené, dans la controverse antipélagienne, à préciser le dogme de l’élévation originelle. Toutefois, la construction théologique d’Augustin n’est pas achevé ; c’est encore un système fragmentaire avec une terminologie parfois imprécise : un certain nombre de textes doivent être replacés dans la synthèse générale, formulée à propos du péché originel, afin d’être compris dans leur sens véritable. Nous suivrons ici de préférence les interprétations du R. P. Kors, La justice primitive et le péché originel, Kain, 1923.

1. Concept de la justice originelle. —

C’est la rectitude qui assurait à l’homme la paix et le bonheur, par la subordination de l’inférieur au supérieur, c’est-à-dire du corps à l’âme, de la concupiscence à la volonté, de la volonté à Dieu. De peccalorum meritis et remissioncA. II, c. xxiii, De nupliis et concupiscentia, t. I, c. v ; t. II, c. ii, n. (> ; c. xxxv, n. 59, P. L., t. xi.iv, col. 173, 416, 439, 471. La justice primitive consistait donc à obéir à Dieu et à ne pas sentir dans les membres la loi de la chair se rebellant contre la loi de l’esprit. De peccat. mer. et rem., loc. cil. Là, en effet, où l’on ressent la révolte de la chair contre l’esprit, il ne saurait y avoir de justice parfaite (habituelle et plus encore actuelle). De perfectione justitise hominis, c. viii, n. 19, P. L., t. xuv, col. 300. Dans cette rectitude des facultés humaines, la prépondérance appartient à la volonté : en désobéissant à Dieu, l’homme appela la désobéissance de la chair a l’égard de l’esprit. De peccat, nier, et rem., t. II, c. xxii, P. L., t. xuv, col. 173. Fecil… Deus… homincm rectum ac per hoc voluntatis borne. Non enim reclus esset bonam non habens voluntatem. De civit. Dei, t. XIV, c. xi, 1, P. L., t. xli, col. 418. Le siège de la justice est donc l’âme, seul ; capable d’être juste ou injuste au sens moral du mot, et non pas le corps : justus autem in homine non est nisi animus ; cl cum homo justus dicitw, ex animo dicitur, non ex corpore. Est enim pulchrilud > animi justifia. De TriniUde, I. VIII, c. vi, P. L., t. xlii, col. 954. Cependant, dans sa description de la justice primitive, Augustin insiste beaucoup plus sur l’état des appétits inférieurs que sur celui de la raison et de la volonté ; il rel ve suit mit la subordination de ces appétits, et. fout spécialement de l’appétit sexuel, lii"f l’obéissance de la chair a l’esprit. « Il ne faudrait pas conclure de là que, pour lui, la justice originelle consistât principalement dans la soumission de la partie sensitive, ri que la rectitude de la volonté était seulement une propriété personnelle. Kn réalité, les textes cités le prouvent, la pensée de saint Augustin était tout autre, et si parfois ses expressions demeurent obscures, c’est qu’il n’a guère parlé de la justice originelle qu’à l’occasion du péché originel et dans sa relation avec lui ; et puisque le péché originel, pour Augustin, consistait dans la concupiscence, on s’explique pourquoi, dans ses écrits antipélagiens, il relève surtout l’absence de concupiscence dans la nature humaine au sortir des mains du Créateur. » Kors, op. eit.. p. 9. I.a concupiscence et l’ignorance ayant un caractère moral au premier chef, les dons qui les corrigeaient, en Adam appartenaient à la justice primitive’; mais la mort n’étant qu’une suite du péché, l’immortalité accompagnait la justice, sans en faire partie intégrante. D’ailleurs l’immortalité, d’après Augustin était bien plutôt un pouvoir de ne pas mourir, dont la cause, tout extérieure a l’homme, était en l’arbre de vie. Voir les textes cités col. 2026.

2. Dans quelle relation était la justice primitive par rapport à la nature humaine ? —

Il est hors de doute que la justice primitive avait été donnée à la nature humaine en la personne d’Adam ; car, de même que nous ne faisons qu’un avec Adam dans le péché et ses suites, nous sommes un avec lui dans la justice originelle qu’il eût transmise, innocent, à ses descendants : tales omnino qualis Adam factus est, (partmli) gignerentur. Opus imperL, t. III, c. cxcviu : cf. I. II, c. ex ; P. L., t. xi.v, col. 1332, 1187. Mais la difficulté d’établir la pensée d’Augustin est sur un autre point : cette justice originelle, était-elle due à la nature humaine qu’elle corrigeait ? Saint Augustin n’hésite pas à écrire qu’il était convenable (decebat) qu’avant le péché, la nature de l’homme fût établie dans la paix : in natura hominis ante peccatum pacem decebat esse, non bellum. Contra Julianum. t. III, c. xi, n. 23. P. L., t. xuv, col. 714. Dieu, en effet, est l’auteur des natures, mais non de leurs vices. De civitate Dei, 1. XIII. c. xiv, P. L., t. xli, col. 386. Qu’on ne se méprenne pas toutefois sur le sens de ces expressions d >nt abuseront au xviii siècle les augustiniens ; la nature humaine est ici considérée par Augustin non sous son aspect philosoph que, c’est-à-dire dans ses éléments constitutifs, mais sous son aspect hislor^qie, c’est-à-dire telle qu’en fait I)ieu l’a créée et constitu Se. La nature f innée par Dieu est sans vice et sans péché. R’tract., 1. L c. x. n. 3, P. L., t. xxxii, col. 000 ; De perfectione justitise hominis, c. viii, n. 18, P. L., t. xliv, col. 300. Tout ce qui est au-dessous de cette perfection est réputé vice, péché, iniquité, et ne vient pas de Dieu, mais du démon et du monde. C’est sous ces aspec ; tqu’Augustin parle de la concupiscence comme d’un péché nécessaire. Voir Augustin (Saint), t. i. col. 2405. Ce point de vue spécial n’empêcherait pas saint Augustin de reconnaître, si la question lui était posée d’après les catégories de la théologie moderne, que ni la grâce sanctifiante, ni les dons préternaturels n’étaient dus à la nature et qu’ils furent, dans l’état de justice primitive, absolument gratuits. Voir Augustin (Saint), t. i. col. 23.(3.

3. Rapports mutuels des différents éléments de la justice primitive. —

Ils sont plus didiciles à préciser. La grâce sanctifiante appartenait-elle à cette rectitude primitive dans laquelle fut établie la nature ? S’en distinguait-elle ? Et comment ? Autant de questions auxquels certains auteurs estiment impossible de donner une réponse ; voir Espenberger, Die Eléments der Erbsùnde nach Augustin und der Frilhscholaslik dans Forschungen : ur christlichen IÀtleratur-und D >gmengeschichte, t. v, fasc. 1, p. 57. D’autres auteurs, notamment le P. Kors, estiment que saint Augustin donne, même sur ce sujet, des indications précieuses ; il semble, en effet, distinguer la rectitude de la nature dans laquelle 1)ieu créa l’homme de la grâce par laquelle il l’aidait à faire le bien : tune ergo dederat homini Dca* bonam l’oluntatem ; in illa quippe cum /ccerut, qui fecerat rectum ; dederat adjutorium sino quo in ea non passe ! permanere si vellet. Et un peu plus loin, il dit qu’en l’état <Ie rectitude, le pouvoir de ne pas pécher fut donné au premier homme, et qu’à ce don s’ajouta la grâce de la perses élance, par laquelle il pourrait, s’il le voulait, perses crer. Primo itaque homini qui in eo