Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.2.djvu/308

Cette page n’a pas encore été corrigée

202."

    1. JUSTICE ORIGINELLE##


JUSTICE ORIGINELLE, PROBLÈME DOGMATIQUE

2026

mier homme à un état supérieur à sa condition naturelle, porte sur deux points :

1° Élévation de l’homme à l’ordre divin de la grâce et de la vie surnaturelle. —

Voir Adam, t. i, col. 372-374.

2° Rectification des défauts naturels par des dons préternaturels. —

1. L’immortalité. —

La mort est corrigée par le don d’immortalité, véritable exemption de la nécessité naturelle de mourir. — a) Cette vérité est révélée dans l’Écriture. Symbolisée peut-être dans l’arbre de la vie, Gen., ii, 9, iii, 24, elle est clairement exprimée dans les textes où la mort est représentée comme le châtiment du péché. Gen., ii, 16, 17 ; iii, 3, 19 et surtout Sap., i, 13 sq. ; ii, 23 sq., cf. Gen., ni, 1-6 ; Rom., v, 12 ; viii, 10 ; ICor., xv, 21. — b) La tradition, c’est-à-dire le magistère ordinaire de l’Église, l’a toujours considérée comme telle et les Pères ont présenté comme une vérité appartenant au fond de l’enseignement chrétien l’immortalité concédée à Adam. Ils marquent expressément que cette immortalité est simplement un pouvoir d’immortalité, conditionné par la fidélité du premier homme à observer le précepte porté par Dieu. Théophile d’Antioche enseigne que l’homme, dès le principe, devait être immortel ou mortel suivant qu’il obéirait ou désobéirait à Dieu. Ad Autolycum, t. III, n. 27, P. G., t. viii, col. 1093. Saint Irénée est très allirmatif sur le caractère absolument gratuit de l’immortalité concédée à l’homme. Cont. Hær., t. III, c. xix, P. G., t. vii, col. 939. Voir Irénée (saint), t. vii, col. 2457. Saint Justin, vingt ans avant saint Irénée, enseignait déjà que, depuis le péché d’Adam, la race humaine est tombée au pouvoir de la mort. Dial., c. Lxxxviii, P. G., t. vi, col. 688. Tatien est plus précis encore : L’homme créé immortel, écrit-il, a perdu par son péché, le privilège que Dieu lui avait accordé. Oralio adv. Grœcos, n. 11, P. G., t. vi, col. 829. L’affirmation que la mort est la suite du péché se retrouve chez Tertullien, De anima, c. lii, P. L., t. ii, col. 738 ; S. Cyprien, De bono patientiæ, n. 17, P. L., t. iv, col. 633 ; Méthodius d’Olympe, Convivium, or. III, c. vi, P. G., t. xviii, col. 69. Saint Athanase déclare que la peine de mort n’a été que la suite du mépris que nos premiers parents ont fait du précepte divin ; naturellement mortels, xaxà cpuaiv cpâapxoî, ils avaient été appelés à la vie par la grâce du Verbe, qui ne peut mourir. De incarnalione Verbi, n. 4, 5, P. G., t. xxv, col. 104. La doctrine des Cappadociens ne diffère pas, sur ce sujet, de celle d’Athanase. Voir S. Basile, Homil. quod Deus non est auctor malorum, n. 6, 7, P. G., t. xxxi, col. 344-345 ; S. Grégoire de Nazianze, Orat., xlv, n. 8, P. G., t. xxxvi, col. 632 ; S. Grégoire de Nysse, Oratio catechcUca, c. vi, P. G., t. xlv, col. 28. Saint Jean Chrysostome marque nettement d’une part l’immortalité primitive, Si’ôXov acp6a ?TOt. x-ci-s0évrsç xai àQâvaToi, In Gen., homil. xv, n. 4, P. G., t. lui, col. 123 ; d’autre part le lian de causalité qui existe entre le péché d’Adam et l’introduction de la mort dans l’humanité. In episl. ad Iîomanos, homil. x, n. 1, P. G., t. lx, col. 474. Saint Hilaire énonce très exactement le dogme de l’immortalité conditionnée par l’obéissance et perdue par la prévarication d’Adam. Traclatus super psalmos, In ps. I, n. 18, 13 ; UX, n. 4, P. L., t. ix, col. 258, 585. La doctrine catholique est couramment exprimée par saint Ambroise et l’Ambrosiaster, et quand saint Augustin dut prendre à partie l’hérésie pélagienne, la tradition lui avait déjà, sur le chapitre de l’immortalité primitive, tracé très fermement la voie.

c) Le dogme catholique trouve sa formule théologique avec saint Augustin, dont le texte célèbre du De Genesi ad litleram est classique : « Selon une double cause qu’on peut envisager, on doit dire que l’homme avant le péché était mortel et immortel : mortel, parce qu’il pouvait mourir ; immortel, parce qu’il pouvait ne pas mourir. Autre chose est ne pouvoir mourir (prérogative des natures que Dieu a faites immortelles), autre chose est pouvoir ne pas mourir. C’est de cette dernière façon que le premier homme a été créé immortel : l’immortalité ne lui venant pas de la constitution de sa nature, mais bien de l’arbre de la vie. Après son péché, il fut éloigné de cet arbre, afin qu’il put mourir, lui qui, s’il n’avait pas péché, aurait pu ne pas mourir. Il était donc mortel, eu égard à sa condition de corps animal, mais immortel par un bienfait de son créateur. » > L. VI, n. 36, P. L., t. xxxiv, col. 354. Cf. De correplione et gralia, c. xii, n. 34, P. L., t. xliv, col. 936 ; Opus imperf., t. VI, c. xxv, P. L., t. xlv, col. 1159. Cette immortalité conditionnelle entraînait avec elle l’exemption des maux, des maladies, de la vieillesse, ne corpus ejus vel infirmilale vel setale in détenus mutaretur aul in occasum cliam laberetur. De Genesi ad lillerum, t. VIII, n. Il ; cꝟ. t. IX, n. 6, ; De Gen. contra manichœos, t. II, n. 8, P. I.., I. xxxiv, col. 377, 395, 200.

Augustin mêlait déjà au dogme les explications théologiques que lui emprunteront les écrivains postérieurs. Mais déjà aussi les controverses avaient suffisamment précisé le dogme, pour que le magistère extraordinaire de l’Église pût le formuler authentiquement. Cette formule se résume en deux mots : immortalité conditionnelle. On la retrouve en trois conciles :

XVIe concile de Carthag Can. 1. Placuit omnibus episcopis… in sancta synodo Carthaginiensis Ecclesice constitutis : ut quicumque dixerit, Adam primum hominem mortalem factum, ita, ut, sive peccaret, sive non peccarct, moreretur in corpave, hoc est de corpore exiret non peccati merito, sed necessitate naturæ a. s. Denzinger-Bannwart, n. 101.

e, en 418 :

Il a plu aux évêques… réunis dans le saint concile de l’Église de Cartilage, d’établir ceci : Quiconque dit qu’Adam le premier homme a été fait mortel, de telle sorte que, soit qu’il péchât, soit qu’il ne péchât pas, il dût mourir corporellement… par nécessité de sa nature, et non en punition du péché, qu’il soit anathème.

IIe Concile d’Orange, en 529 :

Can. 2. — Si quis soli Adae preevaricationem suam, non et ejus propagini asserit nocuisse, aut certe mortem tantum corporis, quæ peena peccati est, non autem et peccatum, quod mors est anima ; , per unum hominem in omne genus humanum transiisse testatur, inj istitiam Deo dabit, contradicens Apostolo dicenti : per unum hominem peccatum intravit in mundum, et per peccatum mors, et ita in omnes ho mines mors pertransiit, in quo omnes peccaverimt (Rom. v, 12). DenLingcr-Bannwart, n. 17.").

Si quelqu’un affirme que la prévarication d’Adam a nui à lui seul et non à sa postérité, ou déclare que seule la mort du corps, laquelle est la peine du péché, mais non le péché lui-même, a passé par un seul homme en tout le genre humain, celui-là fait injure à Dieu, en contredisant l’Apôtre qui dit : Par tut seul homme, le /léché est entré dans le monde, et, par le péché, la mort, et ainsi la mort a passé dans tous tes hommes, parce que tous ont péché.

Concile de Trente, en 1546, sess. v, can. 1

Si quelqu’un ne confesse pas que le premier homme Adam… a encouru, par s.i prévarication, la colère et l’indignation divines, et, par là, la mort dont Dieu l’avait auparavant menacé, … qu’il soit anathème.

Si quis non confttetur, primum hominem Adam… incurrisse per offensam prævaricationis hujusmodi iram et indignationem Dei atque ideo mortem, quam antea ï Il x comminatus fuerat Deus, a. s. Denzinger-Bannwai t, n. 788.

Le car », suivant reproduit à peu près le canon 2 du concile d’Orange. De plus le caractère préternaturel du don d’immortalité est enseigné par l’Église dans la condamnation de la proposition 78 de Baïus. Denzinger-Bannwart, n. 1078. Cf. Prop. 16 du synode dePistoie, condamné par Pie VI. Id., n. 1517.