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    1. JUSTICE (VERTU DEj##


JUSTICE (VERTU DEj. VERTU CARDINALE

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c) Quant à ce que nous avons appelé la justice distributive, c’est encore aux avertissements des prophètes qu’il faudrait se reporter pour en trouver une minutieuse description. Le texte suivant, tiré de la Sagesse exprime au mieux les devoirs des détenteurs de la puissance publique : « Écoutez donc, ô rois, et comprenez ; apprenez juges des confins de la terre. Car la puissance vous a été donnée par le Seigneur, et la force par le Très-Haut, qui interrogera vos œuvres et sondera vos pensées ; parce qu’étant les ministres de son royaume, vous n’avez pas jugé équitablement, ni gardé la loi de la justice, ni marché selon la volonté de Dieu. » Sap., vi, 2, 3, 4.

2. Les Saints Pères sont unanimes à faire de la justice une vertu cardinale.

De tous les Pères, saint Ambroise est peut-être celui qui en a le mieux exprimé la théorie générale. Après avoir énuméré les quatre vertus cardinales, il s’étend sur la notion et les caractères de la justice dont il fait ressortir la splendeur : Et quidem s< imus virtutes esse quatuor cardinales : temperantiam, justiliam, prudentiam, fortiludinem. In Luc, t. V, n. 62. P. L., t. xv, col. 1758. Il définit la justice, la vertu, quie suum cuique tribuit, alienum non vindicat, utilitatem propriam negligit, ut communem xquilalem custodi, t. De officiis, I. I, c. xxiv, n. 115. P. L., t. xvi, col. 62. — Justiliæ autem pietas est prima in Deum, seeunda in palriam, lerlia in parentes, item in omnes. Ibid., c. xxvii, n. 127, col. 65 ; voir aussi c. xxviii, n. 130, 135, 136.

Saint Augustin enseigne que la justice est une des quatre vertus cardinales et il en décrit, d’après Cicéron, les fonctions variées, rcligionem, pictalem, gratiam, vindicationem, observationem, verilatem, paclum, par, legem, judicatum. De diversis quæslionibus LXXXIll, q. 31, P. L., t. xl, col. 20, 21.

Dans son traité du libre arbitre, il définit la justice une vertu qui fait rendre à chacun ce qui lui est dû. Jam justiliam quod dicamus esse, nisi virtutem qu sua cuique tribuuntur ? Et il ajoute qu’il ne connaît pas d’autre notion de la justice. Nulla mihi alia justitiæ notio est. De libero arbitrio, t. I, c. xiii, n. 27, P. L., t. xxxii, col. 1235.

D’après saint Grégoire le Grand, l’édifice spirituel de notre âme est soutenu avec vigueur par les quatre vertus de prudence, de tempérance, de force et de justice. C’est sur ces quatre angles que cet édifice subsiste, parce que la structure de toute bonne œuvre, s’élève sur ces quatre vertus. Solidum mentis nostrse œd.ficium, prudentia, tempcranlia, lorliludo, justitia suslinet. In quatuor vero angulis domus ista subsislit, quia in his quatuor rirtutibus tota boni operis structura consurgit. Moral., t. II, c. xlix, n. 76, P. L., t. lxxv, col. 592.

Prééminence de la justice.

La vertu de justice a la prééminence parmi toutes les vertus morales… C’est dans la justice, dit Cicéron, que la vertu brille de son plus vif éclat ; c’est par elle que les hommes sont appelés bons ou honnêtes. In justitia virtutis splendor est maximus, ex qua boni viri nominantur. De officiis, t. I, c. vii, n. 20. Cela est vrai qu’il s’agisse de la justice légale ou de la justice particulière. Si nous parlons, en effet, de la justice légale, il est manifeste, dit saint Thomas, qu’elle est la plus belle de toutes les vertus morales, pour autant que le bien commun l’emporte sur le bien particulier de l’individu. Et, en ce sens, Aristote déclare que la plus belle des vertus paraît être la justice ; ni l’étoile du soir, ni l’étoile du malin ne sont aussi dignes d’admiration. Kal ?ià toôto tcoX-Xcr-tç y.potTÎaTï) tejv àpe-rwv slvzi Soxs’i Sixato ûv/j, y.xï oû0 "è ; T.e oçoilO’éâ>oç outco Oxùji.aaToç. Ethic. Nie, t. V, c. iii, édit. Berlin, p. 1 129 b.

Dans l’ordre humain, en effet, et en deçà des vertus théologales épanouies dans la charité, il n’est rien qui approche de la beauté et de l’excellence de cette vertu.

La justice particulière elle-même est supérieure, en excellence, aux autres vertus morales. Celles-ci, en effet, sont louées uniquement d’après le bien du sujet vertueux qu’elles assurent ; la justice, au contraire, est louée selon que l’homme vertueux est ce qu’il doit être par rapport aux autres ; de telle sorte que la justice, dit saint Thomas, est, d’une certaine manière, le bien d’autrui : Et sic justitia quodammodo est bonum allerius. Sum. theol., Ha [Iæ, q. lviii, a. 12.

Il est nécessaire, enseigne Aristote, que les vertus les plus utiles aux autres comptent parmi les plus grandes, car la vertu est une puissance bienfaisante. Aussi bien voyons-nous que les forts et les justes sont le plus honorés ; parce que la force est utile aux autres dans la guerre, et la justice leur est utile dans la guerre et dans la paix Rhet., t. I, c. ix, p. 1366 b.

V. Des vertus annexes a la justice. La justice, en sa notion la plus rigoureuse, consiste dans la volonté habituelle de rendre à autrui ce qui lui est dû, en prenant ce dû dans le sens d’une égalité géométrique ou arithmétique, et tel que de justes lois le comprennent et le sanctionnent. Il s’ensuit que si tel groupe d’actions vertueuses, tout en participant de cette notion, s’en éloigne en quelque chose, il faudra y voir une justice à part et le placer au rang des vertus annexes. Or, d’après la définition que nous venons de donner, la première condition de la justice est de concerner autrui, de rectifier notre action à son endroit. Toute vertu qui tendra à ce résultat pourra donc être appelée, de ce fait, une justice. Mais ce nom ne lui conviendra pas en rigueur, si elle se trouve déficiente par rapport à quelque autre condition, à savoir si elle ne peut prétendre à l’égalité, ou si elle concerne ce qui est dû non dans le sens plein que lui communique la loi, mais dans un sens exclusivement moral, qui pourra encore comporter des degrés.

Dans les vertus qu’on adjoint à une vertu principale, dit saint Thomas, deux choses sont à considérer : premièrement, ces vertus doivent s’accorder en quelque chose avec la vertu principale ; elles doivent également rester, sur quelque point, en deçà du concept parfait de cette vertu. Si, en effet, elles y étaient de tout point conformes, elles ne sauraient être distinguées de la vertu dont il s’agit ; si elles nis’y rapportaient en rien, elles ne pourraient pas y être adjointes. In virtutibus quæ adjunguntur aLcui principali virtuti, duo sunt consideranda : prirrn quidem, quod virtutes illx in aliquo cum principali virtute conveniant ; secundo quod in aliquo deficiant a per/ecta ralionc ipsius. Sum. theol., Il » Use, q. lxxx, a. unie.

Par cela donc, ajoute saint Thomas, que la justice se réfère à autrui, comme il ressort de ce qui a été dit plus haut, toutes les vertus qui se rapportent à autrui, peuvent, à raison de cette convenance, être annexées à la justice.

D’autre part, la justice consiste à rendre à autrui ce qui lui est dû selon l’égalité, comme on le voit par ce qui a été dit précédemment. Une vertu se référant à autrui restera donc de deux manières en deçà d.’la raison de justice : d’abord, en tant qu’elle n’atteint pas l’égalité ; ensuite, parce qu’elle n’a pas le caractère de chose due.

Vertus n’impliquant pas l’égalité de ce qui est dû avec ce qui est donné.

Il y a, en effet, des vertus qui visent à rendre ce qui est dù, maisqui ne peuvent point espérer établir une égalité. Comment ferait-on pour rendre à Dieu ce qu’on lui doit ! cela même qu’on lui donne vient de lui, et c’est lui qui en inspire le g ste. C’est ce qu’exprime le Psalmiste dans cette parole : « Que rendrai-je au Seigneur pour tout ce qu’il m’a donné ? » Ps., cxv, 3.